« Je peux avoir un peu de pain, avec du beurre, ou quelque chose comme ça? Je dois me mettre quelque chose dans l’estomac. J’ai tellement faim, et je suis gelée… »
Je n’étais pas censé parler au téléphone avec King Princess. On devait à l’origine se rencontrer, un peu avant son spectacle au Corona vendredi, rendez-vous que j’avais complètement oublié. Je m’attendais donc à ce qu’elle soit un peu embêtée que l’on doive faire l’entrevue par téléphone, mais pas du tout. Elle avait simplement faim et demandait à sa gérante de tournée si cette dernière pouvait aller lui chercher une collation.
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Mikaela Straus, alias King Princess, domine depuis quelques mois cet entre-deux-mondes où l’underground rencontre le mainstream. Queer et assumée, la jeune chanteuse de 20 ans charme les publics avec ses chansons pop décomplexées, subtilement revendicatrices et minimalistes.
Malgré son jeune âge, K.P. est une musicienne accomplie, produisant elle-même ses chansons, passant de la guitare au piano à la basse et à la batterie. Je me rends aussi compte qu’elle et moi partageons un intérêt commun très particulier : transformer des mèmes en chansons adaptées pour le club, comme elle l’a fait avec un des plus célèbres monologues de Tyra Banks ou avec la bizarre vidéo du scat de Kim Cattrall.
« Oh mon Dieu! Je suis tellement contente que tu me parles de ça. Ça m’apporte tellement de joie, c’est mon projet passionnel, dit-elle. Ça a commencé parce que j’adore les mèmes, et je me suis rendu compte que j’étais vraiment bonne pour produire, donc je me suis dit : “Pourquoi ne pas allier les deux?” Je suis fascinée par la culture des mèmes. J’adore creuser toujours plus loin pour trouver les trucs les plus obscurs. Mes amis et moi, on s’envoie tout le temps des mèmes et on y fait constamment référence. Donc, on s’est mis à les transformer en chansons house. »
K.P. était en quelque sorte prédestinée à faire de la musique. Son père tient un studio dans Brooklyn, où il enregistre plusieurs artistes, dont Arctic Monkeys et Animal Collective. Très tôt, elle se met à composer et reçoit même une offre de contrat de disque à 11 ans, qu’elle refuse.
Si elle sait depuis longtemps qu’elle était faite pour la vie de musicienne en studio, il était moins clair pour elle que la vie de tournée lui conviendrait. « Au début, quand j’étais en tournée, je ne pensais qu’à retourner au studio, me confie-t-elle. Chaque fois que j’avais une idée, je me sentais sans ressource, parce que je n’avais pas le même équipement. Depuis que je suis toute petite, mon safe space, c’est le studio. Donc, dans un autobus, c’est un peu différent et stressant. Ce n’est pas banal, présenter sa passion et s’y livrer devant un public chaque soir, même si ce n’est que pour une heure. »
Au fil de sa première tournée, l’an dernier, elle s’est toutefois rendu compte que c’était une vie qui lui plaisait, et elle dit aujourd’hui être contente de se produire sur scène. Mais la tournée reste tout de même rude, et pour y survivre, il faut savoir prendre soin de soi. « C’était une tournée où je buvais beaucoup, mais je suis tombé vraiment malade. Donc j’ai décidé de m’en tenir au weed, et de prendre un verre ou deux, des fois. Mais je ne ressens pas le besoin de sortir faire la fête quand je suis en tournée, dit-elle. Je me suis aussi fait une routine de soins faciaux. C’est le fun, parce que tu peux amener tes produits avec toi partout et les utiliser quand tu en as besoin, et tu sens fucking fraîche! »
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Le premier single qui l’a fait connaître, 1950, est inspiré de The Price of Salt, un roman de Patricia Highsmith paru en 1952, qui traite d’une relation lesbienne. Je lui demande donc quel livre vaut la peine selon elle d’être lu par tout le monde. « Bordel! s’écrie-t-elle en riant. J’écris une chanson avec une référence littéraire, et maintenant tout le monde pense que je lis des livres! »
Un peu plus d’un an est passé depuis la parution de 1950, et, étant aussi avide de temps en studio qu’elle l’est, je lui fais remarquer qu’il est assez étonnant qu’elle n’ait toujours pas sorti un album. Est-ce un défi qu’elle s’est donné pour voir jusqu’où pouvait progresser sa carrière avant qu’elle n’ait à sortir un album complet? « Non, pas du tout! dit-elle. Si ça ne dépendait que de moi, j’aurais sorti un album le jour après la sortie de mon EP. La plupart des chansons étaient déjà écrites à ce moment-là, mais je sens qu’on s’est donné la durée parfaite pour que l’album soit lui aussi parfait. C’est peut-être douloureux et on peut s’impatienter, mais, si c’est fait à la va-vite, ça s’entend. Mais je promets que je ne vais jamais faire patienter les gens pendant des années avant un prochain album. I’m an urgent bitch. »
En attendant l’album, qui devrait sortir au courant des prochains mois, et son passage à Osheaga cet été, on a toujours ses remix de mèmes à se mettre sous la dent.