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Le skateboard selon Koudlam



En 2009, la page Myspace de Koudlam était une expérience tellement déconcertante qu’après l’avoir ouverte dans mon navigateur et regardée d’un air perplexe pendant une bonne heure, j’avais failli jeter mon ordinateur par la fenêtre. Jusque là, j’ignorais qu’uploader un gif clignotant d’un poignard mal torché était un truc acceptable. Pas plus, finalement, que d’utiliser des vidéos de hooligans se foutant des mandales au beau milieu d’un bled d’Europe de l’Est comme clip d’un de ses morceaux – mais on y reviendra. Toujours est-il que mon univers avait été bouleversé. Peu après, son album Goodbye sortait et tous les magazines se pissaient dessus en clamant à qui voulaient bien l’entendre que ce mec était le meilleur compositeur français – et pour une fois, ils avaient raison. Vu qu’à l’époque, j’étais coincé dans une chambre d’hôtel la majorité du temps, et que je venais de découvrir la toute-puissance d’une recherche Google avec les mots-clés «rar», «blogspot» ou «mediafire», j’avais pas grand-chose d’autre à faire que de le chercher pour pouvoir l’écouter. J’ai vite compris que Goodbye était la bande-son ultime pour Eschaton. S’asseoir en haut d’une pyramide pré-colombienne pour déclencher un torrent de lave qui submergerait le monde devenait super tentant, mais attendre tranquillement que le temps fasse son oeuvre et que chaque structure construite par l’Homme pourrisse et s’affaisse sur elle-même semblait être une option tout aussi viable.

Avance rapide jusqu’à la semaine dernière, date de la sortie de Benidorm Dream. Un nouvel album qui donne à la fois excessivement chaud et excessivement froid. Un disque dans la plus pure lignée de Saigneur Koudlam, un album qui reprend le gabber des mains des mongolos du Tomorrowland, un album aux titres 100 % romantisme et aux clips à la gloire des sous-sous-sous-cultures (celui de «The Magnificent Bukkake (1756 – 1785)» contient plusieurs grammes de cocaïne pure et quelques bros colombiens, qui sont apparemment les dernières personnes de la planète à porter des vêtements No Fear).



Sur Goodbye, on trouvait un tube absolu : « See You All ». À l’époque, on avait clairement l’impression qu’il avait été utilisé comme bande-son pour à peu près tout et n’importe quoi. Sur Benidorm Dream, entre les chansons d’amour déglingo, les pets à la fin de « Chinese Gig », et les synthés qui ne descendent jamais en dessous du niveau «alerte orange» de l’agression, il n’y a aucun single qui pourra satisfaire les pubeux et les cinéastes. Je trouve ça génial, et à vrai dire, c’est très possible que les gens soient tellement flippés en entendant cet album qu’ils décident d’arrêter d’écouter toute chanson qui ne soit pas composée uniquement par Christine and The Queens. À l’époque où les soundtracks de vidéos de skate étaient souvent presque aussi nazes que celles des vidéos de surf, j’avais été surpris d’entendre « See You All » dans un clip du flow team anglais éS. Figurez-vous que ça collait parfaitement aux lines bourrées de tailslides bigspin out (en switch) et de nollie heelflips. Ça collait même à la séquence où Olly Todd se cassait la gueule après un furieux noseblunt, le tout paré d’un t-shirt Palace flambant neuf – bien qu’à l’époque, c’est plus que plausible que 99 % des gens n’aient pas cillé en voyant le logo.

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Je m’étais rué sur la page facebook de Koudlam pour commenter « je serais super fier d’avoir l’un de mes morceaux sur un clip de skate », ce à quoi il avait répondu sobrement: « je suis fier ». Si le monde tournait vraiment rond, on aurait droit à une espèce de version updatée d’Animal Chin où Koudlam tiendrait le rôle de Johnny Rad. Je garde espoir, mais en attendant, je lui ai demandé quelles étaient ses vidéos de skate favorites. Et du classique Useless Wooden Toys à l’impressionnant Dreamland de l’increvable Bob Burnquist (qui aurait dû logiquement lui valoir le titre de Skater Of The Year), sa liste ne déçoit pas une seule seconde.




Matt Hensley – THIS IS NOT THE NEW H-STREET VIDEO (H-Street, 1990)
« Matt Hensley est culte pour tous les skateurs de ma génération. Pour moi, il représente un peu la naissance du skate, au niveau personnel et mondial. »

USELESS WOODEN TOYS (New Deal, 1990)
«Pareil. Rien à ajouter tellement ça veut tout dire. »

STRANGE WORLD (Zero, 2009)
« Parce que la zique est parfaite et que c’est l’humanité telle que je l’aime, celle qui saigne et qui se relève. »

LANDSPEED PRESENTS: CKY (Landspeed Wheels/Tum Yeto, 1999)
« L’avant Jackass, beaucoup plus pur, pas encore MTVisé, juste des potes qui font des conneries sur des parkings, du génie collectif, la vraie Amérique. »




Rowan Zorilla – FOOTAGE PARTY (Transworld Skateboarding, 2013)
« Le skate aujourd’hui, c’est pas que les X-Games et c’est toujours bien, sans doute même bien mieux qu’avant… »




SHEP DAWGS VOLUME 2 (Shep Dawgs, 2011)
« Nouvelle preuve de ce que j’ai dit plus haut. On vit vraiment une époque cool pour le skate. »




Bob Burnquist – DREAMLAND (Oakley, 2013)
« J’adore ce mec. Il fait du skate comme si son corps était un truc en 3D. »


Benidorm Dream est sorti le 13 octobre sur Pan European Recordings/Sony A+LSO. La release party aura lieu le vendredi 31 octobre au Folie’s Pigalle.


Donnie Ka vit toujours dans des chambres d’hôtel. Un jour ici, un jour là. Insaisissable Donnie Ka. Il est sur Twitter – @shjjjtlizard