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Life

Stoya vous explique comment les actrices porno évitent de tomber enceintes

Un soir, j’ai commencé à pleurer doucement. Quelqu’un m’a demandé ce qui n’allait pas et j’ai répondu : « Rien. » Puis j’ai sangloté pendant dix minutes, inconsolable, pour la simple raison que je pleurais sans raison.
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par Stoya
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Illustration : Zelda Mauger

Il y a quelques mois, quelqu’un m’a demandé comment les actrices porno évitaient de tomber enceintes. J’ai froncé les sourcils en pensant : « Comme tout le monde, abruti. » Cette réponse sarcastique ne méritait pas que je dépense l’énergie nécessaire à la tweeter. La semaine suivante, on m’a posé la même question au cours d’un échange avec le public pendant l’Exxxotica, une convention pour adultes. Ces deux derniers mois, d’autres personnes m’ont posé la question sur Twitter et Tumblr. Kayden Kross, une fille avec qui je travaille régulièrement, m’a dit qu’on lui posait le même genre de question. Ni elle ni moi n’avons souvenir qu’on nous ait posé la question avant. C’est peut-être les débats autour de la Mesure B (le port de capotes dans le porno) qui ont fait naître ces interrogations. Alors voilà, parlons du contrôle des naissances sans sarcasme.

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Je suis pas médecin, mais je suis à peu près sûre que les personnes complètement abstinentes ne peuvent pas tomber enceintes. Bon, il y a bien ce truc de la Vierge Marie mais si je prends en compte la façon dont les divinités se retrouvent en cloque, on va se perdre. Je suis aussi presque certaine qu’on ne peut pas tomber enceinte si on se contente de se masturber, si on est une femme qui ne couche qu’avec des femmes ou si on évite tout contact entre le sperme et le vagin. Si vous pratiquez la pénétration vaginale en revanche, ou que vos mains font des allers-retours entre pénis et vagin, la grossesse est un risque à prendre en considération. Ce guide pratique mis à disposition par l’Association française pour la contraception vous informera des différents moyens d’éviter la brioche au four.

Quand on fait du porno hardcore, il faut en montrer le maximum à la caméra, et notamment l’éjaculation masculine. On appelle ça le « pop shot » et le mec jouit généralement sur le visage, les seins, le cul ou le ventre. À de rares exceptions près, on n’utilise pas de capotes dans le porno aux États-Unis. Il reste une chance que le sperme rencontre un ovule mais je suis persuadée qu’elle est moindre que quand on t’enfonce une bite au fond du vagin et qu’on se lâche dans le col de l’utérus. En évitant l’éjaculation interne, ou « cream pie » (est-ce que ce terme vous dégoûte ?), en utilisant des capotes hors des tournages et en étant plutôt chanceuse, j’ai réussi à ne jamais tomber enceinte. Le spermicide me démange vraiment, ce qui exclue d’emblée l’éponge contraceptive, le diaphragme et la cape cervicale. Je me plais à imaginer mon col de l’utérus surmonté d’un chapeau rigolo. Dans l’idéal, je serais sous traitement hormonal mais comme je vais vous l’expliquer, la pilule et moi, on ne s’entend pas très bien.

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Mes règles ont toujours été une catastrophe. Elles sont hyper douloureuses, provoquent généralement des migraines et sont irrégulières. À l’adolescence, mon gynéco m’a fait tester différentes pilules pour essayer de réguler certains de ces problèmes mais les effets secondaires étaient tellement pourris qu’on a abandonné. Quand j’ai commencé à tourner des scènes de cul avec des mecs, je me suis dit que je devrais recommencer à suivre un traitement hormonal. J’avais grandi, je pensais que mon corps s’y ferait.

Mais le truc avec la pilule, c’est qu’il faut en essayer plusieurs avant de trouver celle qui vous convient. Enfin, c’est ce que disent les médecins. Ils disent aussi qu’il faut trois à six mois pour que le corps s’y habitue.

Après quatre mois de pilule Yaz, j’étais au fond du trou. Je saignais abondamment, en permanence. Au lieu d’avoir des migraines une ou deux fois par mois, j’en avais plusieurs fois par semaine. J’avais des sautes d’humeur terribles et j’étais tout le temps dans les vapes. Je voulais essayer encore un mois ou deux, en espérant que mon corps s’adapte mais je me suis évanouie dans la file d’attente, à la banque. Je me suis réveillée allongée au sol. L’une des personnes qui m’entouraient m’a dit qu’ils avaient appelé une ambulance. C’était hyper gênant de m’être évanouie dans un lieu public, en plein jour. Le pire, c’est que je n’avais pas de mutuelle et vraiment pas de quoi me payer un séjour à l’hôpital. Je me suis enfuie. J’ai arrêté la pilule et je n’ose toujours pas remettre les pieds dans cette banque.

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Il a fallu quatre ans avant que je sois prête à réessayer la pilule. Cette fois, c’était l’Ortho tri-cyclen lo. Là encore, j’étais toujours dans les vapes, j’avais des migraines, des règles abondantes et des changements d’humeur. Je ne supportais aucune blague. Mon coloc m’a dit que si la pilule m’empêchait de tomber enceinte, c’était parce que personne ne pouvait me supporter assez longtemps pour avoir envie de baiser avec moi. Je suis devenue toute rouge : j’avais un zona. Mon dermato m’a dit que c’était une coïncidence mais bon. J’ai testé l’Ortho tri-cyclen lo pendant trois mois. J’ai laissé mon corps tranquille tout le reste de l’année pour qu’il s’en remette.

Début janvier, mon médecin m’a suggéré d’essayer la Loestrin 24 Fe. Les premières semaines, tout allait normalement. Au bout de seize jours, j’ai commencé à saigner. Techniquement, peu importe la quantité de sang, les praticiens font référence à « des taches ». Je trouve ça méprisant, de parler de taches alors qu’il y a tellement de sang qu’un tampon, une éponge ou une serviette extra-large ne tiennent pas plus de trois heures. Ces saignements/taches/hémorragie ont continué jusqu’au trente-deuxième jour.

Mon sang avait une odeur différente. Il ne sentait pas le sang des menstruations ni celui qui s’écoule d’une blessure. Je ne savais pas si le sang avait une odeur différente ou si les hormones avaient modifié mon odorat. Je sentais tout. Je sentais mon chat, je sentais les différentes parties du corps de Daddy, mon petit ami. J’adorais les yaourts à la fraise mais dorénavant, leur parfum me retournait l’estomac. Quand je suis allée à la radio Playboy avec Kayden pour intervenir dans son émission, Krossfire, j’ai demandé à tout le monde de la boucler pour pouvoir renifler les murs de l’ascenseur. Bon, les murs en bois de l’ascenseur de Playboy ont toujours eu une drôle d’odeur, mais je me suis éclaté un bouton dans les toilettes de l’aéroport de Burbank et le pus sentait bizarre. J’ai fini par me demander si le liquide qui s’accumule dans les trous de mes vieux piercings au téton avait la même odeur. Une femme est entrée et m’a surprise, un sein sorti : je me sentais les doigts devant les miroirs.

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Un soir, j’ai commencé à pleurer doucement ; de petites larmes coulaient de mes yeux et dévalaient ma joue. Quelqu’un m’a demandé ce qui n’allait pas et j’ai répondu : « Rien. » Puis j’ai sangloté pendant dix minutes, inconsolable, pour la simple raison que je pleurais sans raison. Quelque part entre la vingtième et la vingt-cinquième pilule, je me suis sentie grosse pendant deux jours. J’étais bien consciente que c’était complètement illogique : je faisais le même poids qu’en décembre. Mes habits m’allaient toujours. J’ai dit à Daddy que je me sentais grosse et il m’a dit que c’était débile, ce qui m’a fait recommencer à pleurer parce que le fait que mes sentiments refusent de correspondre à des faits tangibles me rendait dingue.

Le vingt-neuvième jour, mes seins ont commencé à me faire mal. Quelques jours plus tard, je me suis aperçue que je remplissais mes soutifs. C’était génial, parce que ça voulait dire que j’avais dorénavant besoin de porter des soutien-gorge pour empêcher mes seins de rebondir et de me faire mal quand je marchais. Ils étaient pas énormes mais ils étaient sensiblement plus gros, ce qui était plutôt cool. Ce qui l’était moins, c’était que je ne pouvais pas attraper un stylo glissé dans la petite poche de mon sac à main et que j’ai fini seule dans mon appartement à pester contre l’injustice des poches non fonctionnelles dans les accessoires pour femmes. J’ai aussi eu cette galère avec un poil incarné.

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Au trente-huitième jour, sortir du lit était un effort herculéen et l’idée de me doucher ou de me brosser les dents était au-dessus de mes forces. Tout était tragique et sans espoir. J’étais un amas de chair sans intérêt, incapable de signer mon chèque de loyer sans affronter un accident de stylo mélodramatique, et encore moins un blogpost. La chose la plus productive que j’avais faite depuis des semaines était de comparer l’odeur d’un mur à celle d’un cookie entamé. La seule qualité qui me restait, c’était mes seins, qui n’avaient pourtant rien d’exceptionnel comparés au reste des poitrines de la planète. Je débloquais et ma détresse s’est accentuée quand j’ai repensé à cette idée de Joseph Heller dans Catch-22 : Si tu es assez conscient pour penser que tu as perdu la tête, c’est la preuve que ce n’est pas vrai. Je me suis surprise à penser que le contrôle hormonal des naissances était un complot patriarcal visant à dominer les femmes en les rendant tarées. La question : « Comment sommes-nous censées franchir le plafond de verre si on pleure tout le temps et que toute nourriture nous dégoûte ? » est réellement sortie de ma bouche.

J’en suis au quarante-et-unième jour. Je me sens toujours en vrac mais j’ai une colonne à rendre et je suis sûre qu’il reste des choses que je n’ai pas reniflées dans la maison. En tous cas, ce bonnet B me va à merveille.

@Stoya

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