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Au lieu du punk et de la rave, les jeunes d'aujourd'hui ont les Neknominations :(

Qui a besoin d'une subculture quand on peut tout oublier en vomissant sur Internet ?

Keiren Hunter, 19 ans, évanoui. Sa mère a posté cette photo de lui sur Internet, pour dissuader quiconque de s'adonner au Neknominate. Photo publiée avec l'aimable autorisation de Deadline News

Les Neknominations, le défi de la cannelle, les vidéos de milking, se pointer en soirée avec une blackface. Pour beaucoup, ces compulsions internétiques sont la preuve définitive que les jeunes gens de Grande-Bretagne ont atteint un sommet historique dans la débilité, un néant culturel absolu, ce point au-delà duquel nulle trace de vie intelligente ne survit. Selon les commentateurs de la presse bon teint, les individus impliqués – en particulier les morts – sont les victimes tragiques d'une culture appauvrie qui chérit le bravache irréfléchi, loin devant la volonté de changer les choses. Pour les tabloïds, il ne s'agit que de petits merdeux incultes qui passent trop de temps sur Internet.

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Il est facile d'adhérer aux deux points de vue. Matez les vidéos Neknominate de jeunes gens qui boivent de la vodka au poisson rouge vivant ou à la souris morte, de strip-tease en supermarché, de cheval dans un supermarché (ce genre de trucs finit toujours par arriver tôt ou tard, à la campagne) : à croire que ces individus ont perdu tout sens commun.

En fonction de la perspective adoptée, on peut faire porter le chapeau à tout et tout le monde, de la crise financière internationale à l'héritage de Jackass. Ça pourrait être les mornes perspectives professionnelles qui menaçent les jeunes, ou bien Grand Theft Auto, le manque de respect de la société britannique envers l'alcool, les parents, l'absence d'éducation religieuse à l'école. En fonction de vos convictions politiques, choisissez votre bouc-émissaire ; ce n'est pas ça qui manque.

Mais alors que droite et gauche s'accordent dans la stupéfaction, peu essaient de comprendre l'intérêt du Neknominate. Il se pourrait, à mon sens, que ces trends sur Internet offrent une espèce d'identité aux gens. Je pense que c'est ce qu'on a aujourd'hui, plutôt que des subcultures.

Une photo tirée du livre de Neville et Gavin Watson, Ravin' 89

Ce pays a été le foyer des Teddy Boys, des New Romantics, des ravers, des mecs garage. Quand j'avais 14 ans, j'avais le nu-metal ; à 18 ans, j'avais le new rave. J'ai pris mon putain de pied là-dedans. Y'a des photos de moi à l'époque, et elles sont gênantes aujourd'hui, mais ce sentiment tribal – l'amour, la peur, le rapprochement ou l'éloignement que pouvaient vous procurer un jean Criminal Damage, des bâtons lumineux, du vernis à ongles noir – m'a aidé à grandir. C'est un truc que mes nos parents ont connu. Parfois, ce n'était pas beau à voir – et oui, il y avait beaucoup d'alcool bu, de vomi et de stupidité –, mais tout le monde en est sorti plus fort. C'était une puberté culturelle – une transition à base de chaussures violettes et de compilations Warped Tour.

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Mais, en 2014, les subcultures sont sur le déclin. Les fontaines des centres commerciaux sont entourées de kids en Abercrombie, pas en Atticus – et quelle forme d'identité vous pouvez vous construire quand vous portez des fringues qui ressemblent à ce dont se couvre votre grand-mère pour s'allonger sur le canapé du salon un dimanche soir ? Les jeunes de Grande-Bretagne ne risquent plus de se prendre une rouste. Les youth cultures sont une forme de croyance chez les teenagers, et les subcultures fournissent un sentiment d'appartenance à un mouvement un peu plus exclusif que la société capitaliste occidentale. C'est Al-Qaida pour les gens qui aiment boire dans des parcs.

Mais du fait d'une grande variété de facteurs – de l'acceptation post-iPod de toute la musique, aux loyers des shops qui augmentent et provoquent le monopole des grandes chaînes et de leur stock uniforme –, les jeunes ont l'impression d'être dépossédés de tout. Dans un Royaume-Uni résolument capitaliste, une société du consensus, un régime de coalition, les youth cultures sont traitées de la même manière que les veaux. Elles sont attrapées par les chasseurs de tendances avant d'avoir eu le temps de grandir, enfermées dans une salle obscure, vendues aux bouchers ayant pignon sur rue et refourguées aux kids en morceaux, à un prix supérieur. On l'a vu avec l'indie Libertines, le dubstep et Odd Future. On aurait dû les laisser mûrir, faire leur propre trou dans la culture mainstream, mais ce droit leur a été ôté par la manque collectif de patience auquel on peut s'attendre dans une société habituée à la 4G.

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Bien sûr, impossible de faire ça avec ces frénésies internétiques, parce qu'il est impossible de monétiser le fait de boire une pinte de sauterelles ou de se faire asperger de bombe au poivre par un pote. Ces mèmes sont l'une des seules choses qui ne peuvent être commercialisées. Très peu de marques vous encourageront à boire de l'huile de vidange – elles ne veulent pas de vos funérailles ou de mauvaise pub, juste votre argent. Le Neknominate se fout bien de votre thune, et c'est ce qui fait tout son attrait nihiliste.

L'auteur dans sa « phase Thamesbeat »

Quelles sont les implications à long terme de ces phénomènes ? Qu'arrive-t-il à une culture dans son ensemble quand les youth subcultures traitent la musique ou la mode au mieux comme un accompagnement, pour se concentrer sur le fait d'agir comme un crétin sur Internet ? Quand le mouvement dominant parmi la jeunesse est un concours de bites qui revêt des formes extrêmes ?

Les subcultures ont besoin de grossir, et si le NekNominate est une subculture, celle-ci prend racine dans le pays comme une extension de ce truc Uni Lad de 2011 – la scène hardcore de la phase Oi! truelad.com. L'approche distante, semi-ironique de ces sites a aujourd'hui été remplacée par un truc bien plus flagrant, bien plus provocant. Le Neknominate est l'Agnostic Front de leur Sham 69, le Skrillex de leur Kode9 –cette bonne vieille idée du lad insolent a été remplacée par une forme de bêtise physique délibérée et brutale. Ils jouent selon les mêmes règles, mais bien plus sérieusement. Les Neknominations, ce n'est pas le fait d'étudiants en première année qui imitent Frankie Boyle en ligne. Ce sont des bros qui rejouent IRL les cauchemars de Danny Boyle – un phénomène bien plus réel que des blagues macro sur Maddie.

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Et ensuite ? Est-ce que le slut-dropping dépassera son statut de légende urbaine ? Le Condom Challenge deviendra-t-il le défi de la tronçonneuse ? Toute la musique n'en sera-t-elle réduite qu'à devenir la bande son accompagnant la vidéo où vous boirez votre propre sang ? Qui sait.

Cependant, je ne peux m'empêcher d'éprouver de la compassion pour les individus impliqués, du haut de ma tour d'ivoire de jeune homme urbain, salarié, engagé culturellement, d'une vingtaine d'années. D'une certaine façon, j'ai l'impression qu'il s'agit de plus qu'une simple subculture et que c'est inconsciemment devenu une sorte de mouvement idéologique. Dans un monde où les baby boomers vivent de plus en plus vieux, refusant de céder leur pouvoir et occupés, en règle générale, à enculer le reste du monde – dans un monde où la santé est un service qui coûte cher –, l'idée de jeunes mettant leur vie en péril pour quelques pouces levés et des commentaires WorldStar est aussi subversive que stupide.

Jack Bugby, le jeune politicien de Liberty GB, serre la main du leader du British National Party, Nick Griffin

Comme le dit Cormac McCarthy dans Non, ce pays n'est pas pour le vieil homme, « l'important, c'est que ça n'ait aucune importance. » Certaines personnes ont juste envie de voir brûler leurs cheveux. Et en cela, c'est plus dangereux pour une génération que n'importe quel Jack Bugby ou Jordan Horner.

Je ne dis pas que ce jeune Gallois musclé est un provocateur de la trempe d'un Aleister Crowley ou d'un William Burroughs – au mieux, c'est un Henry Rollins merdique. Et je ne suis pas en train de dire que piloter un avion défoncé est une façon constructive de dénoncer les maux du monde moderne. Mais je ne peux m'empêcher de me demander si les Neknominés sont les enfants négligés d'une société tellement immature qu'elle nourrit en son sein des quinquagénaires qui gagnent leur vie en écrivant sur la musique. Alors, peut-être que tout cela est une tentative inconsciente de réclamer un fossé générationnel : votre père est peut-être capable de télécharger le track de Joy Orbinson le même jour que vous, mais il ne risque pas de boire une pinte de vodka mélangée à de l'urine, n'est-ce pas ? Enfin, je ne connais pas votre père, mais le mien ne ferait pas ça.

Au risque d'enfoncer une porte ouverte, il n'y a plus de boulot et plus de subcultures. Même ces putains de libéraux-démocrates sont plus qu'enclins à la mettre bien profond aux jeunes aujourd'hui. Pourquoi ne pas s'inscrire à la fac en Sciences du Sport dans une ville de province, échouer à vos examens pour rester étudiant aussi longtemps que possible, vivre grâce à votre maigre prêt et nique toutes vos journées en sniffant de la Créatine et en buvant par l'orbite ?

Les journalistes sérieux qui encadrent le vinyle de London Calling au-dessus de leur bureau n'aimeront probablement pas entendre cela, mais les Neknominations, le défi de la cannelle et consorts sont les choses qui se rapprochent le plus du punk en 2014. La société a rempli une pinte sale d'abandon, de dettes, de chômage et de dépendance aux prods, et maintenant il faut qu'elle l'engloutisse. Cul sec.

Suivez Clive sur Twitter : @thugclive