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Musique

Les VMAs sont la preuve que l'Amérique est morte à l'intérieur

En tant qu'institution, les Video Music Awards (VMAs) n'ont pas le moindre intérêt.

En tant qu'institution, les Video Music Awards (VMAs) n'ont pas le moindre intérêt. Tout le monde se fout de savoir qui gagne, et bien que cette cérémonie honore les clips, les récompenses ne sont pas remises aux réalisateurs, mais aux artistes. L'événement est de l'entertainment pur, les restes mal conservés d'un show télé destiné à nous rappeler l'époque désormais révolue où MTV diffusait des clips. Les VMAs s'apparentent à une version très longue du numéro de la mi-temps du Super Bowl, un spectacle digne des matchs de catch pour ceux d'entre nous trop bons ou trop pauvres pour claquer 40 dollars dans une émission en VOD de WrestleMania. Les VMAs incarnent la décadence et la dépravation et, comme tout le reste de la programmation de MTV, ils nuisent à l’Amérique, et à l'humanité (dans une moindre mesure, certes).

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Peu importe. Les VMAs ont eu lieu il y a quelques jours, et au cas où vous n’étiez pas devant votre télé (ou sur notre liveblog), ils ont donné lieu à de grands moments de télévision comme seules les émissions sur les accidents de train et autres catastrophes savent le faire. C'était parfois cool, parfois horrible, et parfois carrément décevant – Katy Perry, c'est à toi que je m'adresse, là.

Mais plutôt que les performances, ce qui m'a plu, c'est les brèves séquences imprévues entre les performances, des cas d'école de l'effet Koulechov qui valaient vraiment leur pesant d'or : Drake qui regardait constamment la caméra d'un air sinistre, Rihanna qui avait l'air au moins aussi intéressée par la cérémonie que par les crevettes grises d'Alaska, les mecs de One Direction qui s'acharnaient à essayer de combler le vide laissé par la disparition de ces bons vieux *NSYNC, et Taylor Swift qui balançait un joyeux « Shut the fuck up! » à Selena Gomez pendant la performance du boys band, tous ces instants ont été beaucoup plus savoureux que tout ce qui avait été prévu. Sans parler de la danse de miss Swift. En fait, tous ceux et celles qui ont dansé étaient chouettes, sauf Miley Cyrus.

(GIF via BuzzFeed)

Le moment le plus attendu de la soirée est arrivé rapidement. Quand Miley Cyrus est montée sur scène pour chanter « We Can't Stop » puis qu'elle a enchaîné avec « Blurred Lines » en compagnie de Robin Thicke, la starlette s'est mise à se toucher avec un doigt en mousse et à frotter son postérieur contre Thicke, lequel se cramponnait à elle comme un bernique à son rocher. Cette séquence devait créer la polémique mais, si l’on écarte le doigt en mousse, c'était vraiment loin d'être bien ou même choquant. Ce n'est pas le twerk de Miley qui a fait pousser un « oooh ! » horrifié à toute l'Amérique, mais plutôt la juxtaposition de sa fraîcheur et de sa jeunesse avec la décrépitude de Robin Thicke (celui-ci a 36 ans, ce qui, dans le monde de la pop, signifie qu'il est à l'article de la mort), son ventre à bière et ses sapes de mafieux qui s’habille chez H&M. Les lignes étaient effectivement brouillées.

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Grand absent de cette soirée, Justin Bieber aurait pu profiter de ces VMAs pour annoncer une transformation similaire à celle de Miley Cyrus. Au lieu de ça, son manager Scooter Braun faisait copain-copain avec Austin Mahone, qui, sous son sweet à capuche en cuir sans manches, tendait à prouver que Braun disposait d’une police d'assurance au cas où son petit protégé finirait par se cramer à force de s'enfumer la gueule comme un prépubère en liberté dans les rues d'Amsterdam.

Justin Timberlake a profité de son passage sur scène, qui m'a paru durer une éternité, pour se rappeler à l'industrie musicale en s'infiltrant dans tous les styles et tendances qui marchent aujourd'hui. Sa performance a été marquée par une réunion avec ses camarades de *NSYNC, mais ça n'arrivait pas à la cheville de la reformation des Destiny's Child lors du dernier Super Bowl. Peu importe, Joey Fatone a sans doute frôlé la mort après tant d'efforts, et Chris Kirkpatrick a prouvé au monde entier qu'il n'était plus qu'un pantin sans fils, totalement mort à l'intérieur.

Le grand gagnant (toutes proportions gardées) de la soirée a finalement été Macklemore, toujours accompagné de son producteur Ryan Lewis, puisqu'il a remporté deux trophées. Il a également joué son hymne aux droits des gays, « Same Love » avec en prime l'apparition de Mary Lambert, une chanteuse ouvertement queer. La prestation de Mary Lambert, très émouvante, a été le meilleur passage du morceau, aucun doute là-dessus, et quand le duo (le Mack et son producteur) a reçu le trophée du meilleur clip à message social, elle les a accompagnés sur scène pour recevoir le prix. Malgré sa participation symbolique et acoustique au morceau, Lambert n'a pas eu l'occasion de dire le moindre mot lors de la remise du prix. Au lieu de ça, Macklemore s'est envoyé des fleurs, il a déclaré que « Same Love » était le morceau le plus important qu'il ait jamais écrit et que les droits des gays étaient les droits de l'homme. Même si son message est louable, imaginez la symbolique surpuissante de cet instant si Mary Lambert qui, je le répète, est ouvertement queer, avait pu placer quelques mots, ou mieux, si Macklemore lui avait offert cette tribune. Mais non. Lui et Lewis ont monopolisé le micro.

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Pensez aux premières phases du morceau « Same Love », quand Macklemore rappe : « When I was in third grade / I thought I was gay » puis qu'il poursuit en expliquant que lui n'est pas gay. C'est une déclaration implicite, l'un des tropes préférés du hip hop, le « No Homo ». Ça ne fait pas de vous un gland parce que vous aimez le morceau de Macklemore, et ça ne fait pas de lui un gland parce qu'il a fait ce morceau, mais ça illustre une certaine ligne de pensée de la part du Mack : il peut défendre les droits des gays, mais uniquement après avoir posé clairement – s'affiliant ainsi de façon indubitable à la culture hip hop – que lui, Macklemore, n'est pas gay. C'est fourbe et pas qu'un peu.

Il est important de garder à l'esprit que, avant qu'il ne fasse la couverture du magazine Rolling Stone et qu'il n'ait trois morceaux au sommet des charts, Macklemore n'était qu'un guignol, une parodie de rappeur totalement inoffensif de Seattle dont le flow était une copie de la plus pâle copie de celui de Atmosphere et dont les lyrics parlaient de « real shit », peu importe ce que ça peut vouloir dire. Le premier track de son album The Language of My Worlds'intitulait « White Privilege ». Dans ce morceau, on pouvait l'entendre rapper « And we don't want to admit that this is existing / So scared to acknowledge the benefits of our white privilege ». À mon humble avis, rap et bons sentiments n’ont jamais fait bon ménage. Surtout quand il s’agit d’enfoncer des portes ouvertes.

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Bien qu'il soit effectivement une cible facile, Macklemore n'est pas la cause, mais plutôt un symptôme parmi tant d'autres de la pourriture conservatrice qui imprègne les VMAs. Il est assez édifiant de noter que seulement trois personnes de couleur, Bruno Mars, Janelle Monae et Erykah Badu, ont remporté un Video Music Award depuis qu’une telle chose existe. C'est d'autant plus frappant quand on sait que la cérémonie de cette année était la trentième édition. Comme la musique est de moins en moins présente sur MTV, les VMAs sont le grand rendez-vous musical annuel entre la chaîne et ses téléspectateurs. Du coup, il est important que MTV, en tant qu'institution, réfléchisse et évalue les conséquences de ses choix de programmation.

Alors qu'on a pu voir quelques rares lueurs de créativité – Drake et son show autour de son prochain album Nothing Was the Same lorsqu'il a joué le morceau « Hold On, We're Going Home » était un des meilleurs moments de la soirée ; Kanye West qui chantait « Blood on the Leaves » ne pouvait pas ne pas être électrique – la scène la plus révélatrice de la soirée s'est produite quand A$AP Rocky, qui présentait le morceau « Same Love » de Macklemore et Ryan Lewis en compagnie du basketteur ouvertement gay, Jason Collins, en a profité pour passer le nouveau son de A$AP Ferg, Trap Lord. La triste vérité éclatait sous les yeux du monde entier : l’Amérique est morte à l’intérieur

Drew Millard est rédacteur en chef adjoint de Noisey US. Vous pouvez aussi le retrouver sur Twitter : @drewmillard

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