Les séries B sont toujours les films les plus cool au monde

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Culture

Les séries B sont toujours les films les plus cool au monde

Un entretien avec le directeur de Carlotta, qui vient de rééditer « Frankenhooker », « Le Scorpion Rouge » et tout un tas de films géniaux au budget dérisoire.

« Un soldat d'élite russe envoyé dans un obscur pays d'Afrique pour assassiner un leader anticommuniste finit par virer de bord. » « Un homme découvre une créature répugnante – laquelle s'avère être son frère siamois – dans une malle en osier. » « Un ancien officier de police laissé pour mort sème le chaos dans les rues de New York. » Quiconque a déjà choisi un film en se fondant sur la démesure de son synopsis le sait – le film en question sera probablement nul, comme la majeure partie de la production de séries B des années VHS. Parfois, la nullité de ces films confine au sublime et leur garantit une chronique sur un site comme Nanarland, qui assure un précieux travail de défrichage. Et occasionnellement, certains de ces films tiennent la dragée haute aux films A, avec ce petit plus propre au film d'exploitation.

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Dans les années 1980, les vidéo clubs étaient florissant, constamment alimentés par des producteurs qui y engrangeaient la plupart de leurs recettes sans nécessairement passer par la case salle de cinéma. Il en a découlé une production pléthorique de films, lesquels avaient pour point commun d'exploser les potards dans les deux domaines où il y avait une carte à jouer par rapport au Cinéma traditionnel – à savoir le sexe et la violence. Aujourd'hui, ces séries B ne se trouvent que dans les rares brocantes qui n'ont pas encore bazardé tout leur stock de VHS et les rayonnages des vidéothèques de quelques collectionneurs acharnés.

Heureusement, cet été, l'éditeur Carlotta se charge de remettre sous le feu des projecteurs plusieurs séries B des années 1980. En deux salves de quatre titres, la Midnight Collection est destinée à rendre des best-sellers de la VHS disponibles en HD. On y retrouve des films de William Lustig, Frank Henenlotter, Joseph Zito – et une vraie redécouverte, James Glickenhaus. On a demandé à Vincent Paul-Boncour, le directeur de Carlotta, de nous parler de cette collection et de son amour des séries B.

Image extraite du film Frankenhooker © 1990 Shapiro Glickenhaus Entertainment

VICE : Carlotta est un éditeur plutôt spécialisé dans les classiques « officiels ». Qu'est ce qui vous a amené à éditer ces films de genre ?
Vincent Paul-Boncour : Nous avons déjà été amenés à éditer du cinéma de genre, avec des films comme Piranhas de Joe Dante ou Dark Star de John Carpenter, ou plusieurs Mario Bava. Il s'agit néanmoins de films et de cinéastes plus établis aujourd'hui que ceux que nous mettons à l'honneur avec cette Midnight Collection. Il s'agit donc plutôt d'une continuation, où nous explorons en profondeur le cinéma de genre des années 1980.

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Et plus particulièrement les films d'exploitation. Quelle définition en donneriez-vous ?
Il s'agit d'un travail sur le genre, quel qu'il soit – horreur, thriller, action, guerre – travaillé de manière indépendante. Des petits budgets plutôt underground comparés à une cinématographie plus établie, plus inscrite de manière classique dans la production, ses financements, sa distribution, etc. Tout ceci a donné lieu à une production pléthorique, où tout est loin d'être bon – mais c'est aussi le cas du cinéma mainstream.

C'est un cinéma très libre dans sa manière de raconter une histoire. La violence et la sexualité y sont montrées de manière frontale, sans complexe, sans hypocrisie, de manière naturelle.

Cette différence économique a aussi un impact sur les films en eux-mêmes, non ? Ils exploitent des filons initiés par un cinéma plus mainstream. The Exterminator reprend l'idée de Rambo ou de Taxi Driver , Scorpion Rouge reprend Rambo 2, et Blue Jean Cop peut faire penser à certains polars de Sidney Lumet.
Du fait de l'absence de contrainte liée à leur financement et leur diffusion, les cinéastes et producteurs se retrouvent avec une plus grande liberté. Ces variantes des films plus établis s'inscrivent totalement dans des courants et des genres qui étaient légion à l'époque, mais se démarquent avec une innocence, une manière d'oser et d'aller encore plus loin sur le genre lui-même.

On est sur un cinéma dégagé de tout complexe, de toute obligation, de toute censure, qui ose, et qui se révèle, tant par rapport au cinéma de l'époque, que celle d'aujourd'hui, d'une liberté totale, d'une inventivité étonnante. C'est un cinéma très libre dans sa manière de raconter une histoire, de décrire des caractères et des situations. La violence et la sexualité y sont montrées de manière frontale, sans complexe, sans hypocrisie, de manière naturelle. Ce qui leur permet d'offrir de vrais témoignages sur leur époque. Avec le temps, on voit bien ainsi que The Exterminator est, malgré le sous-genre auquel il appartient, un témoignage aussi fort qu' Un Justicier dans la ville ou Taxi Driver sur le New-York des années fin 1970/début 1980.

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Quelle est la spécificité des films d'horreur de William Lustig et Frank Henenlotter, par rapport à des gens plus connus et reconnus comme Wes Craven, Joe Dante ou Carpenter ?
Ces cinéastes ont démarré avec des films de genre à petit budget. Mais très vite, ils ont été amenés à travailler dans les rouages plus classiques de la production, notamment avec des majors américaines. Sans que cela enlève leur inventivité et leur talent pour autant. Ils ont donc rejoint l'industrie, contrairement à Lustig ou Henenlotter qui sont restés dans un cinéma à petit budget, indépendant et underground. Et des cinéastes comme Dante ou Carpenter ont été vus, à juste titre, comme des auteurs travaillant dans l'industrie commerciale américaine. Alors que Henenlotter et Lustig n'ont pas été perçus de la sorte – on les considérait plutôt comme des vilains petits canards.

Image extraite du film Le Scorpion Rouge © 1988 Scorpion Film Production

Hormis les films de Lustig et de Henenlotter que je connaissais, j'avais un peu peur de tomber sur des séries B marrantes malgré elles. Sauf que les films sont plutôt très bons – particulièrement ceux de James Glickenhaus dont je n'avais jamais entendu parler.
Glickenhaus est le pivot central de la plupart des huit films que nous sortons. Inconnu du grand public et méconnu des cinéphiles, il a produit quasiment tous ces titres. Il est aussi le réalisateur de The Exterminator ou Blue Jean Cop. Il a plus ou moins quitté le cinéma pour se consacrer à la finance ainsi qu'à son autre passion, les voitures de sport. Il est d'ailleurs devenu l'un des principaux collectionneurs de Ferrari !

Par rapport au cinéma actuel, il est stupéfiant de voir que ces films dits de série B, ingrats et mal aimés par la cinéphilie à l'époque, à quel point ils sont bien réalisés, cadrés, montés, avec un scénario, des personnages et une vraie grammaire cinématographique.

Vous positionnez cette collection sur un créneau nostalgique. Pensez-vous que ceux ne sachant même pas ce qu'est une VHS peuvent y trouver leur compte ?
On réédite ces films à la fois avec la notoriété et la caractéristique qu'ils avaient à l'époque de leur sortie, mais aussi en tant qu'œuvres fortes, novatrices et libres d'un cinéma qui a plus ou moins disparu. Beaucoup de ces titres étaient des best-sellers à l'époque de la vidéo. The Exterminator a été l'un des plus grands hits de la VHS. Il nous a semblé évident et important de travailler la nostalgie de cette époque, qui est passée notamment par la VHS. Il était aussi amusant de travailler cette collection à la manière de la VHS à une période de l'ultra Haute Définition, tout en présentant ces films dans les meilleurs masters et donc meilleures conditions possibles. Enfin, l'aspect vintage revient dans l'air du temps, nostalgie oblige, mais aussi représentative d'une décennie plus libre et innocente qu'on aimerait retrouver. Et même si de nouvelles générations n'ont pas connu la VHS, on peut avoir la nostalgie de ce qu'on n'a pas connu, remonter aux origines et à l'essence de ces films, d'un courant et d'une décennie qui nous fait toujours rêver.

La première salve de la Midnight Collection – qui comporte Maniac Cop de William Lustig, Le Scorpion Rouge de Joseph Zito, The Exterminator et Blue Jean Cop de James Glickenhaus – est sortie le 5 juillet. Basket Case, 1, 2 et 3 etFrankenHooker de Frank Henenlotter sont disponibles depuis aujourd'hui.