Je me suis étalé de la vaseline sur la tronche parce que Tyra Banks m'a dit de le faire

Image : Chris Johns

Vous avez déjà vu le Tyra Banks Show ? Cette émission ressemblait à la photocopie noir-et-blanc d’un scan basse def de l’émission d’Oprah Winfrey si elle avait été réalisée par une paire de fesses. Pendant cinq ans, Tyra s’est servie de cet espace médiatique pour provoquer la Reine du talk-show et prouver au reste du monde qu’elle n’avait aucun amour propre. Qui pourra oublier la fois où Tyra a confié qu’elle avait chopé la rage parce qu’elle s’était roulée par terre avec son chien pendant des heures ? Et celle où elle s’est pointée avec une prothèse de nez, pour enquêter sur la vraie vie des stripteaseuses sans que les patrons de clubs ne reconnaissent la présentatrice d’America’s Next Top Model ?

Mais si je ne devais retenir qu’une chose de la carrière de Tyra, ce serait la fois où elle a tenté d’imiter Oprah offrant des voitures à des gens du public au hasard. C’est avec le même enthousiasme débordant qu’elle a annoncé à son public qu’il repartirait avec un pot de sa crème « pour les yeux et tout le reste », le secret de beauté qui avait fait d’elle la top model la plus bonne de la planète – de la vaseline enrobée dans un écrin de cristaux Swarovski d’un montant de 100 dollars.

Quand Tyra ne jetait pas des pots de vaseline dans la foule, elle hurlait, se roulait par terre et expliquait en gueulant qu’elle adorait s’étaler de la gelée de pétrole sur n’importe quelle partie du corps, genre, les épaules. À l’époque, je me suis inclinée devant ce gigantesque coup marketing mais je dois avouer que cette déclaration de Tyra m’a toujours hantée. Un peu comme les bouquins dont parle Oprah dans son Oprah’s Book Club Selection et que je ne lis jamais. Et si la vaseline était vraiment un produit miracle ? Un pot suffirait-il à me rendre plus belle ? Ferait-il de moi la nouvelle Tyra Banks ? Je m’en suis recouvert le corps et j’ai attendu que la réponse s’impose à moi.

Le simple fait d’appliquer ce truc s’est avéré plus compliqué que prévu. Je suis Arménienne, donc mes pores sécrètent naturellement de la vaseline – je ne voyais pas en quoi m’en tartiner avec la frénésie d’une préado autorisée à mettre du vernis pour la première fois pourrait changer quelque chose.

Je tenais à faire du rituel de la vaseline un événement auquel Tyra aurait assisté avec fierté. J’ai cherché des tutoriels de maquillage à la vaseline sur Internet et j’ai trouvé un blogpost qui recensait vingt-deux façons d’utiliser la vaseline pour confectionner ses propres produits de beauté. Apparemment, les filles coupent leur maquillage à la vaseline pour qu’il dure plus longtemps – ce qui est bizarre, quand on sait que le maquillage coûte moins cher que du poulet frit. Les seules à pouvoir justifier de ce tricks par l’état de leur compte en banque doivent être aussi fauchées que les Pèlerins pendant leur premier hiver à Plymouth, et se nourrir exclusivement d’épis de maïs bouillis.

Mais il paraît qu’il n’y a pas de petites économies, et j’ai décidé d’être bonne joueuse. J’ai mélangé de la vaseline à mon fard à paupières et je l’ai appliqué, transformant une teinte olive sophistiquée en un subtil vert « créature des marais ». J’en ai aussi mis dans mon kit sourcils, j’ai remis mes sourcils en ordre et souligné mes pommettes avec un combo vaseline-fond de teint. À ce moment-là, je me sentais vraiment moi-même. Mes cils étaient deux fois plus épais que d’habitude, je brillais comme une femme enceinte et mes pommettes avaient pris une teinte tellement rosée que j’avais peur qu’on  me prenne pour la fille plus timide de la planète.

Malheureusement, ça n’a pas duré.

J’avais autre chose à faire que de rester plantée devant mon miroir et chez moi, à Boston, on n’a pas la clim. La vaseline a commencé à fondre au bout de 40 secondes.

Mon mascara et mes sourcils dégoulinaient le long de mon visage, comme s’ils désiraient pénétrer ma bouche, et mes yeux étaient tellement lourds que j’avais l’impression d’être Rob Lowe dans Ma vie avec Liberace. Je ressemblais à un poulet fondu – Une demi-heure plus tard, je n’arrivais plus à empêcher le maquillage de se mélanger et j’ai fini par ressembler à la chanteuse d’un groupe de reprises des Misfits. C’est là que j’ai abandonné. J’ai viré la vaseline que j’avais sur la tronche et j’ai accepté le fait que, contrairement à Tyra Banks, cette gelée ne me sauverait jamais la mise. Après tout, comme tous les top models, Tyra est une anomalie génétique. C’est sans doute pour ça que s’enduire de vaseline la sublime. Moi, je suis une métisse d’Europe de l’Est d’1 mètre 52 qui ressemblerait probablement à un Kiki si je perdais mon rasoir.

Mais quand je me suis réveillée, je ne ressemblais plus à Rob Lowe. Je ressemblais enfin à Tyra, dans Life-size (le téléfilm où elle apprend à Lindsay Lohan que « t’as pas besoin d’une maman si tu as une poupée taille réelle ») : j’avais la peau toute douce. Des femmes paient des centaines de dollars pour avoir la peau que j’avais après avoir passé une heure avec cette merde sur la tronche. Je me suis étalé des produits pétroliers raffinés parce que j’ai suivi les conseils d’une femme qui a un jour intimé à tout un pays d’embrasser son gros cul, et ça l’a fait.

Emalie est sur Twitter : @The_Sample_Life

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