Le trou noir de Calais

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Le trou noir de Calais

Quelques photos du camp des migrants avant la grande évacuation du 2 juillet.

Toutes les photos sont de Gustav Pursche. Propos rapportés par Julie Le Baron

En avril dernier, je me suis rendu à Calais pour faire un reportage sur les camps de migrants du port. Avant l'évacuation du 28 mai, l'un d'eux était principalement peuplé de réfugiés syriens et afghans qui vivaient dans des tentes fabriquées à l'aide de sacs poubelles. Le camp était situé à 150 mètres de l'aire des repas, un espace où l'association Salam distribuait quotidiennement des portions de nourriture aux migrants. Suite à la première évacuation, tous les migrants se sont rendus là-bas en attendant une solution.

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Rebaptisé le « camp Salam », l'endroit s'est peuplé à une vitesse effrénée – sans doute en raison du sentiment de sécurité qu'apportaient les associations locales présentes sur place. Les migrants étaient intimement persuadés qu'ils seraient prévenus en cas d'évacuation.

 Le 30 juin, deux jours avant le démantèlement du 2 juillet, le camp réunissait 750 personnes, militants associatifs compris. Depuis la fermeture du centre pour réfugiés de Sangatte en 2002, il n'y avait jamais eu un tel rassemblement de migrants au même endroit. Aujourd'hui, les autorités savent pertinemment qu'elles n'ont pas de solution de logement à leur offrir, et elles se doutent qu'ils finiront forcément par s'installer à quelques mètres. C'est pourquoi leur stratégie consiste à faire peur aux migrants. Étant donné que la plupart ne peuvent pas être expulsés, les policiers usent de méthodes violentes en espérant les faire fuir. Mais cette stratégie est foncièrement inefficace : les migrants reviennent toujours s'installer ailleurs.

Interrogé par VICE sur ces violences policières, Dominique Bur, préfet de la région Nord Pas-de-Calais, a expliqué que ses hommes n'avaient fait que répondre aux agressions des migrants – qui, s'ils se bagarrent entre eux lorsqu'ils font la queue pour manger, sont en réalité tout à fait pacifiques envers les autorités, les Calaisiens ou les journalistes.

Le directeur départemental de la cohésion sociale Serge Szarzynski interviewé par des journalistes – 28 mai 2014

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Le 19 juin, j'y suis retourné avec VICE News pour passer une nuit sur le port de Calais. Le port est situé sur la côte, protégé par des barbelés. Les migrants partent de la jungle de Calais pour longer la plage et se frayer un trou à travers ces grillages. Ils se retrouvent ensuite dans un parking où stationnent des camions en passe d'embarquer sur les ferrys. Cette nuit-là, une centaine de migrants ont réussi à se rendre dans le parking, mais ils ne sont pas parvenus à monter sur les ferrys. Des « passeurs » proposent aux migrants de franchir la Manche pour la somme de 1000 euros – en se contentant parfois de leur dérober l'argent. On a croisé deux types qui ressemblaient fortement à des trafiquants d’être humains, montre au poignet et chaussures cirées aux pieds. L’un d’eux nous a poliment fait partir en nous glissant « Faites-bien attention à vous ». Sans doute une manière polie de nous dire de ne plus jamais revenir. Les camps de réfugiés calaisiens sont une abomination, mais ce qu'il se passe sur le port, c'est encore une autre histoire.

Le 2 juillet, les policiers ont arrêté 610 individus, dont 121 mineurs. Ils les ont ensuite envoyés dans des centres de détention un peu partout en France, avant d'en expulser certains. Les autres seront relâchés dans des villes comme Rennes, Paris, Strasbourg ou Lille – et quasiment tous retourneront à Calais dès qu'ils en auront l'occasion. Tous ces migrants espèrent un jour se rendre en Angleterre ou en Suède – les deux pays européens où il est selon eux le plus facile de trouver du travail.

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Un reportage sur les migrants de Calais sera publié sur VICE.com dans les semaines à venir.

John, un des migrants du camp Salam. 30 mai 2014

27 mai 2014

27 mai 2014

28 mai 2014

L'évacuation du 28 mai 2014

L'évacuation du 28 mai 2014