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Pour certaines personnes, la technique du retrait est aussi efficace que le préservatif – si elle est très bien maîtrisée

À la rencontre de ceux qui défendent la technique la plus diabolisée du corps médical.
retrait préservatif sexualité

De nombreux lecteurs de VICE France nous ont fait remarquer que cet article, rédigé par une journaliste américaine, contenait de nombreuses imprécisions et erreurs. L'évocation du retrait comme méthode "presque aussi efficace" que le préservatif pour prévenir une grossesse était une erreur, liée à une mauvaise compréhension d'une étude publiée en 2014. De plus, de par son côté très "américain" – les États-Unis étant un pays dans lequel les grossesses chez les adolescentes sont bien plus nombreuses qu'en France – cet article promeut le "mieux que rien" plutôt que le "souhaitable" – ce qui est une nouvelle erreur. 

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La technique du retrait ne permet à aucun moment de prévenir une grossesse ou une IST. Certaines personnes jugent simplement que face aux multiples cas de grossesse chez les adolescentes américaines on pourrait se satisfaire du développement de la technique du retrait au sein de la population. La rédaction de VICE France ne partage pas cet avis, et juge qu'une telle déclaration est irresponsable. 

De plus, l'article originel sous-entendait qu'une controverse scientifique existait quant à l'efficacité de la technique du retrait. Le retrait n'est en aucun cas une technique efficace, et la controverse est factice : les scientifiques sont d'accord pour dire que le préservatif est un moyen de contraception efficace, à la différence du retrait. Nous nous excusons platement auprès de nos lecteurs. 
– La Rédaction de VICE France 


Eliza et son partenaire ont utilisé la technique du retrait pendant un an, sans aucun incident notable. Catherine et son copain ont fait de même pendant trois ans. Christina m'a dit qu'elle utilisait exclusivement cette technique depuis 12 ans, période durant laquelle elle a vécu trois relations stables sans le moindre souci. Ces femmes et moi-même faisons partie intégrante de ce qu'Ann Friedman a appelé « la génération du retrait » – des femmes hétérosexuelles pour qui la meilleure manière de ne pas tomber enceinte consiste à laisser leur partenaire se retirer juste avant l'éjaculation.

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Pourtant, il serait difficile de trouver un moyen de contraception plus pernicieux que celui du retrait. En général, cette tactique est plutôt utilisée dans une démarche type « Boaf, c'est toujours mieux que rien », et considérée comme irresponsable. Dans une enquête récente du CDC qui révélait que le retrait était la deuxième technique de contraception la plus répandue parmi les adolescents, cette option était illustrée par deux doigts croisés – ce qui affirme que cette pratique est plutôt fondée sur l'espoir que sur le pragmatisme biologique.

La couverture médiatique qui a suivi cette enquête a très vite désigné le retrait comme étant « l'une des manières les moins efficaces d'éviter la grossesse ».

Si cette technique est parfaitement mise en pratique – en d'autres mots, si l'homme se retire avant l'éjaculation à chaque rapport sexuel – seulement 4 % des couples qui utilisent correctement cette méthode constatent une grossesse en l'espace d'un an. Mais utiliser cette technique de manière imparfaite – comme c'est souvent le cas – fait monter ce pourcentage à 18 % (en ce qui concerne les préservatifs, le taux d'échec est de 2 % s'ils sont parfaitement utilisés). Malgré cela, la technique du retrait est défendue par certaines personnes.

La plupart des professionnels que j'ai contactés pour cet article étaient relativement ouverts à la technique du retrait, sans vouloir se prononcer publiquement pour autant. Manduley attribue cette réticence aux MST et tient à préciser que le VIH « peut être bien plus inquiétant et permanent qu'une grossesse ». Rachel Jones, chercheuse scientifique au Guttmacher Institute qui a participé à deux études importantes sur le retrait, m'a confirmé que « les jeunes devraient utiliser des préservatifs à chaque relation sexuelle, et que le simple fait de prôner le retrait pourrait les décourager ».

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Néanmoins, le retrait est aussi tourné en dérision quand la grossesse est la seule chose que les femmes cherchent à éviter. Les articles sur le sujet poussent fréquemment les lecteurs à employer des moyens de contraception hormonaux ou des DIU – et ce sans jamais considérer la possibilité du retrait.

Il est nécessaire de prendre en compte les intérêts de certaines entreprises. Les fabricants de préservatifs, de moyens de contraception hormonaux et d'implants sont souvent contraints de faire de nombreuses études sur l'efficacité de leur produit. Personne ne profite du retrait – il est donc bien plus difficile de trouver des financements pour le tester. Et bien entendu, personne ne gagnerait quoi que ce soit à préconiser le retrait ou à promouvoir les recherches existantes sur le sujet. Pire – ces personnes pourraient s'exposer à une censure.

D'autre part, il existe aussi une méfiance généralisée des hommes capables de produire du sperme – le résultat direct d'un environnement social qui tend à traiter les hommes comme des tarés libidineux incapables de se contrôler. Les manques de fiabilité et de confiance sont souvent les raisons invoquées pour justifier le rejet de la méthode du retrait. Cela équivaudrait à donner trop de contrôle aux hommes – on considère qu'ils sont incapables de le faire à temps, qu'ils ne seront pas capables de sentir leur éjaculation venir, ou qu'ils se contenteront de ne pas se retirer car c'est moins agréable pour tout le monde.

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Il est tout à fait sain et normal d'émettre ce type de doute à l'aube d'une relation amoureuse ou lors d'une aventure d'un soir. Cependant, c'est une vision particulièrement morne de la coopération possible entre deux partenaires dévoués – c'est d'ailleurs ce type de couples qui semblent utiliser le plus cette méthode pour éviter une grossesse. Manduley admet que la technique du retrait ne devrait pas vraiment « être recommandée aux personnes qui commencent tout juste à découvrir leur partenaire sexuel », mais cela ne signifie pas que ce n'est pas viable pour les autres. Comme l'a écrit Rachel Jones dans un article incisif contre certains arguments anti-retrait, « certaines femmes n'aiment pas l'idée de dépendre de la capacité de leur partenaire à se retirer à temps, et certains hommes sont effectivement incapables de le faire, [mais] cela ne signifie pas que nous devrions faire circuler des fausses idées reçues sur l'efficacité de cette méthode. »

J'ai parlé à quelques femmes qui utilisent cette technique avec succès depuis des années. Celles qui n'ont jamais été enceintes ont plaisanté sur leur potentielle stérilité – ce qui en dit long sur la perception de cette technique, même chez celles qui l'utilisent fréquemment sans jamais avoir eu le moindre souci. Avec cette méthode, Haley a tenu pendant cinq ans et demi sans tomber enceinte, mais elle était plutôt réticente à l'admettre. « J'avais peur d'en parler à des amis, de peur de me faire engueuler ou d'être ridiculisée », a-t-elle avoué.

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Cette stigmatisation est profondément ancrée dans le sexisme entre femmes, et c'est une conséquence probable du fait que les grossesses non-désirées sont perçues comme étant l'apanage des femmes amorales et peu vigilantes. Mais l'image d'une bimbo irresponsable trop bourrée et désinvolte pour s'embarrasser d'un moyen contraceptif n'est pas seulement misogyne – elle est fausse.

Les adeptes du retrait que j'ai rencontrées étaient particulièrement réfléchies et précautionneuses. L'une d'elles avait mis de l'argent de côté en cas d'avortement, une autre avait déjà projeté de se rendre dans une région des États-Unis favorable aux IVG en cas de force majeure. Elles avaient toutes des arguments pour montrer que les autres méthodes ne leur convenaient pas, et prévu un plan en cas de grossesse.

On peut comprendre ce qu'il y a d'attirant dans le retrait : c'est possible dans l'immédiat, ça ne coûte absolument rien, ça ne provoque pas d'allergies, ça ne présente aucun obstacle au plaisir, et aucun effet secondaire n'est à observer. Quand on voit à quel point certaines formes de contraception féminine affectent leurs utilisatrices, ce dernier point constitue un avantage considérable. Nous avons tendance à ignorer les effets négatifs – pourtant nombreux, établis et incontestés – de la contraception hormonale, comme les sautes d'humeur, la baisse de libido, ainsi qu'un risque trois ou quatre fois plus conséquent de développer des caillots de sang.

On oublie également qu'aucune méthode contraceptive – pas même la ligature des trompes – ne permet d'anéantir les risques inhérents aux rapports sexuels. Comme l'explique Jones, « les distributeurs n'ont aucun souci à prôner l'utilisation des préservatifs, même si ceux-ci ont leurs défauts. » Pendant 13 ans, Stacey n'est jamais tombée enceinte alors qu'elle utilisait la technique du retrait avec ses partenaires de longue date. Elle est tombée enceinte à deux reprises – une fois, lorsque son préservatif a craqué, et une autre alors qu'elle était sous pilule. J'ai aussi discuté avec deux femmes qui étaient tombées enceintes alors qu'elles prenaient la pilule – comme vous pouvez l'imaginer, elles n'avaient pas particulièrement envie de la reprendre. Deux autres femmes m'ont confié que des malformations utérines les dissuadaient de se faire poser un DIU.

Le rejet du retrait en tant que méthode contraceptive est inutile, voire dangereux : cette pratique ne risque pas de disparaître de sitôt, mais toute la rhétorique qui l'entoure laisse entendre qu'elle ne peut jamais être pratiquée correctement. « On ne peut pas deviner les besoins des gens en les poussant à adopter tel ou tel moyen contraceptif », conclut Manduley. Plutôt que de cacher certaines informations ou de nier des études déjà existantes, les « professionnels devraient éduquer le reste des gens en leur dévoilant tous les moyens de contraception disponibles, et en les aidant à choisir ce qui est le plus adapté pour eux. »