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devenir adulte

Comment survivre avec un salaire pourri

À l'instar d'un éjaculateur précoce qui accommodera sa sexualité à son handicap, j'ai su adapter ma vie et mes besoins à ce que mon emploi me rapportait.

Photo via Flickr

Cet article fait partie de la série 'COMMENT DEVENIR ADULTE' présentée par So Actif. Rendez-vous sur le site.

Un jour où l'autre, on a tous eu à gérer sa vie sur la base d'un salaire pourri. A vrai dire, mon père m'a dit ça quand j'ai eu mon premier boulot – dans une librairie, payé au SMIC horaire à mi-temps – et j'ai beau passer d'un taf à l'autre depuis 10 ans, aussi varié soit-il, j'ai constaté un truc assez triste : je vis encore sur un salaire dégueulasse. Vivre, c'est un grand mot. Aujourd'hui je suis portier de nuit – ne me jugez pas, à défaut de rouler sur l'or, mon boulot ne me déplaît pas – et ma feuille de salaire inscrit un relativement misérable 1253,58 euros brut. C'est pas la panacée, mais encore une fois, je n'ai pas à me plaindre. À l'instar d'un éjaculateur précoce qui accommodera sa sexualité à son handicap, j'ai su adapter ma vie et mes besoins à ce que mon emploi me rapportait. Mais comme la plupart de mes potes hallucinent quand j'affiche fièrement mon salaire, j'ai été forcé de réaliser que visiblement, nous sommes rares dans l'hémisphère nord à pouvoir nous en contenter. La vie monacale me va très bien, et loin de m'en faire prosélyte, vous devrez commencer à y penser le jour où vous vous retrouverez à viser un peu en dessous de votre ego quand vous serez forcé de vous remettre en selle après vous être fait virer de votre boîte de com parce que vous n'aurez pas été assez rentable. Vous devrez alors très judicieusement réévaluer vos priorités de vie, la seule option qui vous restera quand votre vie se transformera en survie. Si ce n'est pas déjà le cas.

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Le loyer
À moins d'être un nanti qui possède ses murs grâce à un héritage quelconque, inutile de penser à vous endetter pour acheter si vous avez un salaire pourri, et comme 42% des français (selon l'INSEE), vous serez tributaire d'un loyer. Centre ou périurbain ? La question se pose forcément quand vous découvrez que vous pouvez profiter du double de surface en optant pour la banlieue en déboursant la même dîme mensuelle. Question de priorité, j'ai préféré vivre en ville. Ça veut dire un appart de 25 m2 pas trop merdique qui me bouffe plus de la moitié de mon salaire. Je ne referais ce choix pour rien au monde, d'autant que je me trouve en plein cœur de Paris, pas loin de cinoches et de quelques cafés, et surtout, à distance cyclable de la plupart de mes potes. Évidemment, ce compromis ne sierra pas à tout le monde. On m'a dit que le Près St Gervais c'était cool aussi, mais on m'a aussi dit que la première couronne coûtait aujourd'hui aussi cher que Paris intra muros et qu'on y trouvait autant d'abrutis. Vous n'avez donc plus trop d'avantage à filer au-delà du périph, à moins d'aller très loin, là où les stations de métro sont encore en construction. Là où vous serez prêt à faire passer votre Pass Navigo avant votre confort immobilier. Ne pas viser cher c'est une chose, mais quand tous vos potes habitent de l'autre côté du RER, ça devient trop. En même temps, vous pourrez dire adieu à votre vie sociale, ce qui représente certains avantages quand on gagne des cacahouètes en guise de tunes.

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La vie sociale
La vie sociale, parlons-en ! Quand il ne vous reste plus que 400 euros après loyer pour finir votre mois, et que vous devez encore amputer de ça votre budget bouffe, votre vie sociale sera nécessairement limitée. J'ai la chance d'avoir des potes assez généreux, qui préfèrent me payer une bière que de ne pas me voir sortir de ma « grotte ». C'est toujours difficile d'assumer de ne pas avoir un rond, et souvent vous déclinerez des invitations de sortie sous prétexte que vous n'êtes pas en forme – voire que « vous avez déjà un truc prévu » ou « du boulot » - mais personne ne sera dupe. Vous ne voulez pas sortir pour ne pas vous entourer d'égoïstes qui dépenseront sans compter en ignorant complètement votre situation financière pluri-précaire. Si vous avez de bons potes, ils seront toujours là pour vous épauler, mais à force vous aurez l'impression d'être un mendiant, ce qui n'est pas du tout flatteur votre ego déjà bien entamé par votre salaire pourri. Du coup, il faudra être prêt à sacrifier une partie de votre vie sociale et vous armer de courage. Évitez Facebook et ses events par millions. Autre conseil de taille : on peut très bien se passer d'un téléphone portable. Même si aujourd'hui je pourrais choper un forfait bloqués à 2 euros, je suis très content de n'avoir jamais franchi le cap, parce que je sais que le téléphone que mon opérateur me filera ne me contentera pas, et j'ai déjà assez à devoir gérer mon ordinateur et ces processeurs caduques. Si vous vous trouvez une meuf, n'essayez surtout pas de lui faire croire que vous êtes financièrement viable, ça vous évitera à tous les deux une tonne d'embrouilles, mais aussi de tirer des plans sur la comète trop précoces. Si vous pensez à avoir un enfant, il faudra vous assurer de revoir vos ambitions professionnelles à la hausse à moins que l'autre parent puisse gérer ce que vous serez incapable de faire. Mais c'est une toute autre histoire. Quoi qu'il en soit, si vous buvez de l'alcool, apprenez à vous contenter de bière, et apprenez à prendre votre café au comptoir – voire passez au Nescafé si vous êtes assez forts. Ok, vous ferez des économies de polichinelle, mais c'est exactement ce genre de petits gains qui vous permettront un soir dans le mois de bouffer autre chose que des ramens.

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La bouffe
Évidemment, en dehors du loyer, la bouffe représentera la plus grande partie de ce que vous claquerez par mois. On a tous été étudiants un jour, on a tous vécu sur un régime de nouilles chinoises, mais la plupart d'entre nous se disaient que ce serait momentané. Moi je vis avec des cup noodles depuis 10 ans. Parfois, je me lâche et j'achète des Barilla et de la sauce tomate. Si je voyais un nutritionniste, il me mettrait probablement en garde, mais au moins je ne peux pas me plaindre de ma surcharge pondérale. Parce que oui, survivre à un salaire pourri, ça veut dire survivre tout court en ce qui concerne l'alimentation. Finis viandes et poissons. Fruits et légumes deviendront vos meilleurs amis – avec l'occasionnel jambon à la flotte de chez LIDL, bien que celui-ci ait largement progressé ces dernières années – même si la crise n'a pas épargné les produits agricoles. Le grec n'est pas la street food préféré des Français pour rien: pour un prix raisonnable, il vous offre un repas complet. Surtout en graisse, certes, mais quand vous bouffez des ramens 7/7, c'est pas déplaisant de se faire un petit fixe de lipides. Vos adieux à la gastronomie ne se feront pas sans mal, mais une fois que vous aurez pris le pli, les addictifs feront le reste du boulot. Ça ne doit pas vous empêcher de sauter sur la moindre invitation à dîner chez des potes. Ils comprendront que vous arriviez les mains vides, et vous profiterez d'un vrai repas. De temps en temps, c'est agréable.

La culture
A l'âge du tout gratos, la culture n'est plus un problème. Je remercie l'Histoire de m'avoir fait naître à une époque où je peux regarder et écouter tout ce que je veux en claquant simplement le prix d'un forfait Internet. Je n'en suis pas fier, mais ma situation ne me permet pas d'accumuler les boîtes en plastoc. Et quitte à choper du dématérialisé, je suis de la vieille école : autant ne pas claquer un rond. Ça m'arrange bien, mais ça m'a coupé d'un truc que j'aimais bien faire, à savoir, faire le tour des librairies et des disquaires. Je suis hyper triste de ne plus passer deux heures à Un Regard Moderne pour dévorer les piles de bouquins de Jacques Noël des yeux, mais l'expérience est devenue beaucoup trop frustrante maintenant que je ne peux plus me barrer de là-bas avec plus qu'un polar édité en poche. Le livre de poche est depuis longtemps mon meilleur ami, et voilà un truc que je ne me suis pas décidé à abandonner sur l'autel du piratage. On en trouve très facilement à 1 euro, voire moins, et je conseillerais à n'importe qui dans ma situation d'arrêter la clope au profit de la lecture. C'est moins cher, plus enrichissant, bref, un des rares vrais plaisirs que pourra vous procurer la vie ascétique dans laquelle vous serez forcé de vous terrer.

Les hobbies
Un autre des plaisirs que pourra vous procurer votre mode de vie sans tunes, c'est qu'en évitant de sortir pour ne pas succomber aux sirènes du consumérisme, vous aurez le temps de vous adonner à votre hobby préféré. Quel qu'il soit, si vous collectionnez les boulots pourris qui ne vous offrent aucune perspective d'avenir rentable, essayez à tout prix d'en trouver un, même éphémère, qui vous permettra de faire le plein de trucs que vous ne pourriez pas vous offrir autrement ! Un exemple concret : je réalise des films, je fais des images, tout le temps, c'est le seul truc qui me permet d'être à peu près serein et content de moi quand le soir, je dois faire face à un couple de Russes pétés que je dois raccompagner dans leur chambre alors qu'ils ont commencé à faire l'amour dans les escaliers de l'hôtel dans lequel je bosse. J'ai profité de quelques années au service d'une chaîne de magasins spécialisés pour me gaver de matos. Du BON matos que je n'aurais jamais pu choper avec le salaire de misère qui me fait vivre aujourd'hui. Je considère que cet acte – évidemment répréhensible, même si j'ai pu profiter de prix pour certains trucs, comme n'importe quel employé doué de bon sens, j'ai tapé dans les stocks – m'a sauvé la vie aujourd'hui, quand je réalise que je vis dans un trou, que je ne vois plus personne, que mon bol de ramens refroidit, que Game of Thrones ne reviendra pas avant l'année suivante. Là je regarde ma caméra, l'interface de mon logiciel de montage, et je me dis que j'ai bien fait de me gaver à une époque où je gagnais déjà un salaire pourri, mais qu'au moins mon boulot avait quelques avantages à offrir pour y palier.

Si cet article vous donne encore plus envie de trouver un emploi rémunéré à la hauteur de vos compétences, rendez-vous sur le site So Actif. Vous y trouverez de nombreux conseils pour réussir vos recherches et vos entretiens.