Lowpocus nous explique pourquoi le phonk est en train de ressusciter
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Musique

Lowpocus nous explique pourquoi le phonk est en train de ressusciter

Le trap n’est pas né en 2005, mais dans les années 90 à Memphis.

Encore peu connu du grand public alors qu'il vient de sortir son second EP, Still Hoopin , Lowpocus, un producteur de Joliette aujourd'hui installé à Montréal s'est donné pour mission de propager le phonk. Un genre musical, s'inspirant du rap underground de Memphis et de Houston du début des années 90, qui connaît un certain engouement underground depuis quelques années sur SoundCloud. C'est comme si ce courant avait connu deux périodes bien distinctes : une dans les années 90 et l'autre à la fin des années 2000 avec au milieu le trap faisant office de transition entre l'ancien et le nouveau phonk.

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VICE : C'est quoi exactement le phonk?
Lowpocus : D'entrée de jeu, il est important de distinguer le vieux phonk du nouveau phonk. Le vieux phonk, c'est le rap de Memphis des années 90, alors que le nouveau phonk mélange le côté sombre du rap de Memphis et le côté joyeux du rap de Houston. À l'époque, on n'appelait pas forcément ça du phonk, l'appellation a été popularisée à la fin des années 2000 notamment par le producteur SpaceGhostPurrp, qui est à l'origine du côté trap d'A$AP Rocky. La première fois qu'une track de phonk comme on l'entend aujourd'hui a véritablement vu le jour, c'était en 2000 avec la chanson Sippin On Some Syrup de Three 6 Mafia, un groupe de rap de Memphis, et UGK, un duo de rappeurs de Houston formé de Pimp C et Bun B.

Alors, quelle est la différence entre le phonk et le trap?
Il est vrai qu'à première vue, cela peut-être un peu flou et, en plus, il est assez difficile de trouver de l'information sur ce mouvement à part sur des blogues un peu obscurs. Pour être clair, le phonk est l'ancêtre du trap. Pour beaucoup de gens, le trap a vu le jour au milieu des années 2000 pour connaître aujourd'hui son apogée avec le succès planétaire d'artistes comme Gucci Mane et Future. Pourtant, si tu écoutes ce qui se faisait à Memphis dans les années 90, c'est exactement ce que tu peux entendre aujourd'hui dans le trap, c'est juste la qualité sonore qui était sensiblement moins bonne. Il y a beaucoup de gens qui utilisent l'appellation « migos flow » pour décrire la manière dont les artistes rappent aujourd'hui, mais c'est faux, il s'agit du Memphis flow.

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D'où vient ta passion pour le phonk?
Ma passion pour le phonk et la musique en général remonte à l'époque où j'étais jeune adolescent, je préparais les mix pour les warm up de mon équipe de basketball. J'écoutais beaucoup de Tommy Kruise et de Myth Syzer, et ça m'a mené au phonk assez naturellement quand je cherchais de la nouvelle musique. J'ai aussi commencé à apprécier davantage la musique lorsque j'ai acquis un lowrider, lorsque je vivais encore à Joliette. J'étais dans des conditions optimales pour apprécier des sonorités comme celles du phonk. J'ai toujours comparé Joliette au Sud des États-Unis, la mentalité des gens est un peu similaire et, surtout, tu n'as rien à faire à part rouler en voiture!

Qui sont les figures emblématiques de cette époque?
Je peux te citer plein de noms, mais la plupart ne disent rien à personne parce que, dans les années 90, les scènes de Houston et Memphis étaient sous-médiatisées en raison de l'affrontement est-ouest qui a polarisé l'attention des médias. Ajouté à cela, ils n'étaient pas vraiment respectés par les autres rappeurs parce qu'ils se vantaient dans leurs morceaux de boire du sirop pour la toux et de prendre des drogues dures. Beaucoup de ces artistes sont morts avant d'atteindre la trentaine, ce qui explique cette reconnaissance tardive. Au final, il y a eu peu de succès à l'international hormis Big Pimpin' de Jay-Z en collaboration avec UGK en 2000 ou lorsque Three 6 Mafia a remporté l'Oscar de la meilleure chanson originale en 2006 avec le titre It's Hard Out Here for a Pimp de la bande originale du film Hustle & Flow, sans oublier le succès de Stay Fly une année plus tôt.

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Pour ceux qui veulent pousser davantage leurs recherches, je leur conseille de commencer du côté de Memphis en écoutant les pionniers que sont DJ Spanish Fly, DJ Squeeky, Tom Skeemask, Kingpin Skinny Pimp, Gangsta Pat, Tommy Wright III ainsi que Juicy J et DJ Paul de Three 6 Mafia. Du côté de Houston, on ne peut pas passer à côté de DJ Screw et son collectif Screwed Up Click où on peut retrouver des légendes comme HAWK, Big Moe, Pimp C et son groupe UGK, qu'il formait avec Bun B.

Qui sont les têtes d'affiche du phonk aujourd'hui?
Le phonk actuel est divisé en deux courants : celui mené par des rappeurs de Floride comme les membres du Raiders Klan Denzel Curry et Yung Simmie, mais aussi la jeune garde plus horrorcore composée de Ski Mask The Slump God, Lil Pump ou encore XXXTentacion, qui s'en inspire un peu; et celui exclusivement instrumental dans lequel je m'inscris et dont les piliers sont DJ Smokey, Soudiere, Mythic, Backwhen, DJ Yung Vamp ou encore le collectif PurplePosse. Ce qui est fascinant dans ce second sous-genre, c'est que ces artistes viennent du monde entier : tu peux trouver des producteurs de phonk au Canada, aux États-Unis, en France et même en Russie! Il y a un véritable engouement qui est en train de se créer sur le web avec toute une jeune génération de producteurs qui souhaitent uniquement se consacrer à ce genre musical.

Comment tu expliques ce regain d'intérêt ?
Le trap a pris une place considérable au sein du hip-hop depuis 2005. Il s'est créé une culture trap avec des puristes qui sont dans la recherche permanente et qui se sont rendu compte que, finalement, le trap n'est pas arrivé avec Lex Luger ou Gucci Mane et ont compris que tout vient du phonk. En réalité, le trap n'est pas né en 2005, mais dans les années 90 à Memphis.

Crédit: Jules Tomi

À quoi ressemble ton phonk?
Ma musique, c'est vraiment du phonk d'aujourd'hui influencé à la fois par le son de Memphis et Houston. J'y ajoute également souvent des samples de disco, funk et de musique brésilienne, ce qui donne encore plus un côté joyeux à ma musique. Mon phonk est vraiment inspiré de la musique de DJ Screw, une véritable légende qui a sorti plus de 350 mixtapes. Il est décédé en 2000 en raison de surmenage, il travaillait trop et ne prenait plus le temps de dormir. J'ai d'ailleurs appelé mon EP Still Hoopin en raison d'une de ses mixtapes.

Comment vois-tu l'avenir du phonk?
Je pense qu'on s'en va vers un nouvel âge d'or. Quand tu vois que DJ Smokey a produit une track sur la nouvelle mixtape d'A$AP Mob, c'est un signe. Nous sommes dans une époque dans le hip-hop où les instrumentales prennent le dessus sur les rappeurs, c'est pour ça que ce genre musical est en pleine ascension. Mon but, c'est de faire connaître le phonk au plus grand nombre parce que peu de gens au Québec sont au courant de ce trend musical présentement. À part Le Chum, qui est un peu le Juicy J québécois, ça reste très embryonnaire. Pour y arriver, je vais bien sûr sortir d'autres projets, mais également travailler avec plusieurs rappeurs d'ici parce que c'est par là que ça passera pour donner à ce style le shine qu'il mérite et qu'il n'a pas eu dans les années 90.