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Cette photo est-elle authentique ?

Selon une nouvelle étude, nous sommes très mauvais pour distinguer le vrai du faux.

Lors du sommet du G20 à Hambourg les 7 et 8 juillet, une photo montrant le président Vladimir Poutine en pleine concertation avec d'autres chefs d'État a fait les choux gras d'Internet. Chacun y est allé de son petit commentaires sur les connivences du président russe, s'improvisant tour à tour analyste politique, décodeur d'image ou limier de première catégorie.

Les partisans de Poutine ont fort apprécié ce cliché dans la mesure où il mettait leur champion en vedette, au centre de toutes les attentions. Problème : cette photo est un magnifique fake qui a rapidement été épinglée par des journalistes à l'oeil de lynx. Ceux-ci l'ont comparée à d'autres prises de vue capturées au même moment et au même endroit par différents médias. Sans ces preuves accablantes, elle aurait pu passer pour authentique très facilement. D'ailleurs, selon une étude publiée lundi dans Cognitive Research, il n'y a rien d'étonnant à ce que nous ayons tous été bernés cette fois encore : le commun des mortels se fait très facilement avoir par les images falsifiées, même à l'ère des fake news motivant une vigilance permanente.

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"L'humain est très mauvais en analyse visuelle d'image. Que nous ayons les yeux ouverts ou fermés, nos chances de deviner si une photo est oui ou non authentique sont à peu près similaires", m'explique Sophie Nightingale, doctorante à l'Université de Warwick et auteur principale de l'étude.

Pour tester l'efficacité de nos radars à fake, Nightingale et ses collègues ont mis au point une expérience au cours de laquelle ils ont intentionnellement altéré l'aspect de différentes images grâce à des techniques variées (airbrushing, déformations, déplacement d'une ombre, changement de luminosité, etc). Vous pouvez tester vos capacités de détection vous-mêmes, grâce à ce test.

Les chercheurs ont ensuite organisé deux séries d'essais en ligne ayant fait intervenir plus de 1300 participants. Chaque sujet devait observer 10 photos, dont certaines étaient altérées et d'autres non. Il devait ensuite déterminer lesquelles avaient été éditées. Leurs résultats montrent qu'en moyenne, les participants ont réussi à détecter les fakes 66% du temps, c'est-à-dire à peine mieux que s'ils avaient lancé des propositions au hasard.

"L'humain est de toute évidence très mauvais pour ce genre de choses, même lorsqu'il est concentré sur sa tâche et qu'il s'attend à voir des photos éditées d'un moment à l'autre", explique Nightingale.

Les chercheurs ont également demandé aux participants de pointer les zones où l'image avait été modifiée ; ainsi, même lorsque les individus étaient conscients que quelque chose clochait dans la composition de l'image, ils étaient incapables de déterminer quoi. En moyenne, les sujets ont localisé la partie de l'image modifiée 45% du temps.

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(Si vous comptez passer le test, faites-le avant de poursuivre la lecture de cet article.)

Image : Nightingale et al/Cognitive Research

Image : Nightingale et al/Cognitive Research

La première image a été éditée au niveau de la cime de l'arbuste rouge-brun. Si vous êtes un peu attentif, vous réaliserez très vite que les arbres ne poussent jamais de cette manière. Nightingale explique que ce genre de glitch maladroit est assez fréquent lorsque la personne qui édite la photo est pressée et copie/colle sa sélection au lasso de manière peu précautionneuse.

Selon la chercheuse, plusieurs hypothèses expliquent notre inaptitude à identifier les fakes au premier coup d'oeil. Tout d'abord, nous sommes bombardés de photos et autres supports graphiques tout le jour durant, et nous avons pris l'habitude de ne pas passer plus d'une ou deux secondes à observer une photo spécifique. Deuxième hypothèse : pendant très longtemps, la falsification de documents photographiques a été l'affaire de spécialistes, puisqu'il s'agissait d'une opération extrêmement ardue. Historiquement, nous considérons la photo comme un support fiable par défaut, et il est encore difficile de remettre en cause ce présupposé. L'administration, par exemple, requiert encore des photos ou des scans, considérés comme des preuves absolues de l'authenticité d'une information.

Pourtant, aujourd'hui, la falsification de photos est à la portée de n'importe qui. Les nouvelles technologies permettent à votre daron de produire des images et des vidéos fake d'un réalisme étonnant afin de vous faire des blagues pour Noël, et il est de moins en moins facile pour le profane de repérer les traces d'une opération sous Photoshop. Notre esprit critique va devoir trouver de nouvelles voies pour s'exprimer, sans quoi nous sommes condamnés à l'aveuglement. Et la photo d'illustration de cet article, elle est fake ?