FYI.

This story is over 5 years old.

Tech

Si vous êtes lourd quand vous êtes bourré, ce n'est pas parce que vous êtes bourré – c'est parce que vous êtes lourd

Finalement, il semblerait que nous ne soyons pas tous égaux face à l'éthanol.
Paul Douard
Paris, FR
Photo de l'utilisateur Flickr sickrflickr.

Soyons honnêtes : boire nous rend tous relativement débiles. Quoi de plus normal après tout, sachant que l'alcool a pour effet de ralentir la communication entre vos neurones. Après plusieurs verres, vos capacités intellectuelles se dissolvent lentement dans un ultime whisky-coca de mauvaise qualité, à peu près en même temps que votre dignité. À ce stade, vous estimez qu'il est tout à fait approprié de passer derrière le bar et de vous servir avec la même nonchalance que si vous vous trouviez dans votre T1 – ce qui ne pourrait pas être plus éloigné de la réalité. Après vous être fait virer du bar et avoir été désigné comme le principal responsable de cette soirée gâchée, vos amis se diront naïvement que vous êtes juste un peu rustre quand vous avez un coup dans le nez. Sauf que ce qu'ils ne savent pas, c'est que vous êtes probablement un gros lourd de base, tous les jours, tout le temps – et que l'alcool n'y est sans doute absolument pour rien.

Publicité

Il y a un mois, une étude publiée dans le journal Clinical Psychological Science visait à déterminer si l'alcool faisait réellement de nous des personnes différentes. Un peu comme les génies qui estiment « mieux réfléchir » après avoir fumé de la weed, agit-on de manière plus décomplexée lorsque l'on boit ? Selon cette étude menée Rachel Winograd au Missouri Opioid/Heroin Overdose Prevention & Education, la réponse est non. Dans le cadre de cette étude, 156 personnes ont dû décrire leur comportement au quotidien et lorsqu'ils avaient trop bu. Ensuite, certains ont dû boire certaines boissons (de l'alcool pour certains, du soft pour d'autres) et participer à des jeux et autres puzzles avec des amis. Chacun a ainsi pu évaluer ses principaux traits de personnalité sobre, puis saoul – mais aussi ceux des autres.

Le résultat est finalement peu surprenant : les gros cons bourrés étaient également des gros cons au quotidien. L'étude décrit que ceux qui étaient saouls décrivaient leur personnalité de manière radicalement différente de ce qu'elle est en réalité, selon les observateurs. Par exemple, ils s'estimaient moins ouverts à de nouvelles expériences, moins enclins à prendre une bonne décision, plus énervés, et nettement plus extravertis. À l'inverse, ceux qui étaient sobres et avaient pour mission d'évaluer leur comportement n'ont pas observé de grands changements par rapport à leurs traits de personnalités habituels. Certains ont fait mention d'une plus grande sociabilité de la part de certains sujets, mais c'est tout. « Nous avons été surpris de voir une telle contradiction entre la perception des buveurs sur leur propre personnalité ivre et celle des gens qui les observaient », m'a expliqué Rachel Winograd.

Certes, vous parlez sans doute plus facilement à vos pairs lorsque votre cerveau baigne dans du Get 27, vous êtes toujours la même personne. Vous n'êtes pas plus marrant, vous n'êtes pas plus intelligent et vous n'êtes sans doute pas plus agréable. Vous êtes toujours Marc, comptable pour une société de location de voiture de Mulhouse et abonné au magazine Bateaux dont tous les numéros s'entassent tristement dans vos toilettes. C'est une triste réalité. Mais pour la chercheuse, il existe de nombreuses explications possibles à ces résultats : « Il faut prendre en compte les limites méthodologiques de cette étude, le fait que les gens n'étaient peut-être pas assez ivres, ainsi que la capacité naturellement limitée des observateurs à percevoir des différences légères ou internes chez la personnalité de parfaits inconnus. » En effet, les sujets ne se connaissaient pas avant de participer à l'étude – et il est toujours délicat de juger de la personnalité d'une personne en peu de temps, malgré son aide.

Notre culture semble y être pour beaucoup, comme me l'explique le docteur Winograd : « La conviction que les gens ont d'être "différents" lorsqu'ils sont sous l'influence de l'alcool est très répandue à travers le monde, chez les buveurs comme les non-buveurs. L'ivresse peut être très déterminée sur le plan culturel : il existe des normes différentes dans le monde entier pour savoir comment les gens doivent se comporter lorsqu'ils sont en état d'ébriété. »

« Jusqu'à ce programme de recherche, personne dans la communauté scientifique n'avait tenté d'étudier et de décrire les effets de l'alcool dans le cadre de la "personnalité" des individus, en dépit d'une croyance commune que l'alcool affecte notre personnage et que les gens ont effectivement leur "personnalité d'alcoolique" », termine Rachel Winograd. Qu'importe, tous les buveurs restent faibles face à la molécule CH3CH2OH, celle de l'éthanol – celle qui agit au niveau de vos synapses et désinhibe votre comportement, fausse les informations transmises à votre cerveau et vous pousse à danser tout seul sur une table au milieu d'une pièce où tout le monde est assis.

Suivez Paul sur Twitter.