Des militaires français de l’opération Barkhane ont tué « une dizaine de terroristes » ce week-end, dans la nuit de samedi à dimanche, dans la région de Ménaka, dans l’est du Mali.
Dans un communiqué diffusé ce mardi tard dans la soirée, le ministère de la Défense français précise que c’est le groupe « Al-Mourabitoune » qui a été visé — un groupe djihadiste « responsable de nombreux attentats à l’encontre des populations malienne et nigérienne, des forces armées locales et des forces internationales. »
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Ce groupe dirigé par l’Algérien Mokhtar Belmokhtar — qui a récemment rallié AQMI (Al-Qaïda au Maghreb islamique) — a notamment revendiqué, avec d’autres organisations terroristes, l’attentat du 20 novembre dernier contre l’hôtel Radisson Blu à Bamako, où 20 personnes ont été tuées.
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« Au terme de combats violents qui ont duré près de quatre heures, deux pick-up et une dizaine de motos ont été saisis, » au cours du raid de l’armée française de ce week-end, précise le communiqué. « Une quantité importante d’armements et d’explosifs a été récupérée. »
Région de Ménaka, près de la frontière avec le Niger.
L’organisation terroriste visée par l’opération du week-end dernier avait déjà commis plusieurs attaques avant l’attentat contre le Radisson Blu de Bamako.
En mars, Al Mourabitoune avait revendiqué un autre attentat dans la capitale malienne contre le restaurant La Terrasse, fréquenté par des expatriés. 5 personnes avaient été tuées : trois Maliens, un Français, un Belge.
En août, l’organisation de Belmokhtar avait aussi revendiqué l’attaque de l’hôtel Byblos de Sévaré (au centre du Mali), où 17 personnes avaient été tuées.
Mister Marlboro
Le chef de ce groupe créé en 2013, Mohktar Belmokhtar, qu’on surnomme « Le Borgne », ou « Mister Marlboro », pourrait se cacher actuellement en Libye. En juin, le gouvernement libyen avait pourtant annoncé que Belmokhtar avait été tué par des frappes américaines. Mais quelques jours plus tard, AQMI démentait sa mort.
On ne connaît pas l’identité des personnes tuées dans le raid de l’armée française de ce week-end.
La France est arrivée au Mali en 2013 pour casser la progression des groupes islamistes dans le nord du pays, dans le cadre d’une opération baptisée Serval. Cette mission a depuis été remplacée par l’opération Barkhane, qui couvre toute une partie de la région du Sahel (en Mauritanie, au Mali, au Burkina-Faso, au Tchad et au Niger) et mène une mission de lutte contre le terrorisme.
Si l’opération Serval a permis de gêner la progression des djihadistes dans le nord du Mali, force est de constater qu’Al-Mourabitoune et d’autres groupes ont encore les moyens de frapper dans tout le reste du pays, en multipliant des opérations sur tout le territoire malien. La capitale Bamako a été touchée à plusieurs reprises, tout comme le centre du pays, mais aussi l’extrême Sud, à la frontière avec la Côte d’Ivoire.
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« Le but de ces attaques pour les mouvements djihadistes est de montrer leur présence et faire parler d’eux, » nous expliquait en juin dernier, Pierre Boilley, le directeur de l’Institut des mondes africains (IMAF). « Il s’agit de communication, ils veulent montrer qu’ils sont capables de frapper n’importe où, au Nord comme au Sud. »
« Tondre la pelouse »
Au cours des derniers mois, les groupes djihadistes opérant au Mali semblent avoir décidé d’une répartition des aires géographiques d’opérations, d’après Yvan Guichaoua, maître de conférences sur les conflits internationaux à l’université du Kent.
Dans un papier publié sur le site The Conversation, Guichaoua explique qu’AQMI est présent vers Tombouctou, Ansar Dine vers Kidal, le Front de Libération du Macina dans le centre du Mali, et « Ansar Dine-Sud » (qui n’a pas d’appellation officielle) dans le sud, près de la frontière ivoirienne. Reste Al Mourabitoune qui a multiplié les actions contre la capitale.
Pour le chercheur, les militaires français sont bien conscients que la menace terroriste ne peut pas être éradiquée au nord du Mali. Ainsi, les militaires de l’opération Barkhane utilisent une stratégie anti-terroriste que les anglophones appellent « tondre la pelouse ». Guichaoua explique que cette stratégie consiste à « éliminer, à intervalles réguliers, les chefs djihadistes pour amoindrir leur capacité organisationnelle, en sachant pertinemment que d’autres les remplaceront. »
État d’urgence
Quelques heures avant que l’armée française ne diffuse son communiqué sur l’opération menée à Ménaka, les autorités maliennes ont rétabli l’état d’urgence ce lundi, à partir de minuit, et ce pour une durée de 10 jours.
« L’institution de l’état d’urgence vise à donner aux autorités compétentes les moyens de droit leur permettant de mieux circonscrire et combattre tout projet d’atteinte à la sécurité des personnes et de leurs biens et toute tentative de troubles à la quiétude des populations », a déclaré le gouvernement dans un communiqué.
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Image via Wikimedia Commons / Animali