Mohamedou Ould Slahi a écrit ses mémoires, dans lesquels il raconte sa détention et la torture dans la prison de Guantanamo. Ses écrits sont devenus un best-seller, les Carnets de Guantanamo.
Il a été récemment rapatrié dans sa Mauritanie natale, en Afrique occidentale, c’est ce qu’a annoncé lundi le département américain de la Défense.
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Slahi, qui était maintenu en captivité sans avoir été jugé ou inculpé depuis août 2002, est le prisonnier le plus connu à avoir été transféré du centre, depuis que le britannique Shaker Aamer a été rapatrié l’année dernière. Il y a encore 60 détenus à Guantanamo.
Dans un communiqué publié par le Syndicat américain pour les libertés civiles (ACLU) qui salue la libération de Slahi, l’ex-détenu est cité : « Je suis reconnaissant et redevable à ceux qui m’ont soutenu. J’ai appris que la bonté est transnationale, transculturelle et transethnique. Je suis ravi de retrouver ma famille. »
Selon Nancy Hollander, l’une des avocats de Mohamedou Ould Slahi, son client « ne veut rien d’autre qu’être avec sa famille et reconstruire sa vie », a-t-elle dit dans un communiqué.
« Nous nous réjouissons que le cauchemar de notre client touche à sa fin, enfin », a-t-elle ajouté.
Sympathisant d’Al-Qaida
Slahi est allé en Afghanistan dans les années 1990, où il a rejoint des moudjahidin qui menaient une guerre civile contre le gouvernement soutenu par l’Union Soviétique. Il y a prêté allégeance à Al-Qaida.
Le gouvernement américain l’a accusé d’être l’un des planificateurs de l’attentat déjoué du « Millenium Bombing ». En 1999, un groupe voulait faire exploser l’aéroport international de Los Angeles. Washington l’a également accusé d’avoir joué un rôle dans les attaques du 11 septembre.
Mais en 2010, le juge fédéral James Robertson a dit que les preuves détenues par le gouvernement contre Slahi étaient faibles et ont lui a accordé l‘habeas corpus qu’il avait demandé, une disposition lui permettant de sortir de prison faut de jugement. La justice a alors ordonné qu’il soit libéré. Selon Robertson, Slahi « peut très bien avoir été un sympathisant d’Al-Qaida, et les preuves démontrent qu’il a accordé un soutien à Al-Qaida, ou à des gens qu’il savait appartenir à Al-Qaida. »
Toutefois, un « tel soutien était sporadique […] et, au moment de sa capture, non-existant. » L’administration Obama a fait appel de la décision de ce juge. Le cas de Slahi a ensuite traîné devant la Cour fédérale pendant six ans.
En juillet dernier, il a pu être entendu à Guantanamo par un comité chargé de déterminer s’il représentait toujours une menace pour la Sécurité nationale et s’il pouvait être relâché. Ce comité, formé d’officiers du département de la Défense, de la Sécurité nationale, de la Justice, et de l’État, du Comité des chefs de l’état-major, et du Bureau du directeur des renseignements nationaux, a « déterminé que la rétention continue de Slahi, sous la loi de la guerre, n’est plus nécessaire pour protéger la sécurité des États-Unis d’une menace signifiante. »
« Suivant cette révision, qui a étudié nombre de facteurs, dont des questions de sécurité, un transfert a été recommandé pour Slahi », a annoncé le département de la Défense dans un communiqué publié ce lundi, qui note que le cas de Slahi fait partie des efforts engagés par l’administration Obama pour fermer Guantanamo avant la fin de son mandat. « Les États-Unis ont travaillé avec le gouvernement de la Mauritanie pour s’assurer que ce transfert a eu lieu dans des conditions de sécurité et de traitement humain dignes. »
Slahi est devenu un informateur en 2003 et a eu des privilèges à Guantanamo, dont un réfrigérateur et un espace clôturé, séparé des autres détenus. Il pouvait y jardiner, peindre et écrire.
Les interrogatoires et la torture
Sa vie dans la célèbre prison a été bien plus dure. Son ouvrage paru en 2015, Les Carnets de Guantánamo — dont des parties ont été largement modifiées par Washington — raconte d’une manière vivante et poignante les détails de sa restitution par la Mauritanie, la torture lors des interrogatoires et les conditions terribles de son confinement.
« ‘Bande les yeux de ce fils-de-pute s’il essaie de regarder…’ L’un d’eux me frappe durement au visage et me met rapidement des caches yeux, me bouche les oreilles et met un petit sac autour de ma tête. Je n’arrivais pas à savoir qui faisait quoi. Ils ont attaché des chaînes autour de mes chevilles et de mes poings; ensuite, j’ai commencé à saigner. Tout ce que j’arrivais à entendre, c’était [nom de la personne modifié par le gouvernement] jurer, ‘Put**n de ci et put**n de ça!’ Je ne disais pas un mot et j’étais incroyablement surpris, je pensais qu’ils allaient m’exécuter », a écrit Slahi à propos de cet « interrogatoire spécial » qui a eu lieu à Guantanamo en août 2003, approuvé par le secrétaire de la Défense lui même à l’époque, Donal Rumsfeld.
Selon des documents internes du gouvernement, les interrogateurs devaient emmener Slahi dans un bateau pour lui faire croire qu’il allait être tué.
« Grâce à la raclée que j’avais prise, je n’arrivais pas à tenir debout, alors [nom de la personne modifié par le gouvernement] et l’autre gardien m’ont emmené par les pieds et m’ont jeté dans un camion, qui est parti immédiatement », a-t-il écrit. « La raclée a continué pendant les trois ou quatre heures suivantes, avant qu’ils me remettent à une autre équipe qui allait utiliser d’autres techniques de torture. »
Transformer le journal manuscrit de Slahi en livre publiable n’a pas été facile. Au départ, ses mots ont été classifiés. Le gouvernement avait jugé que si ce qu’il avait écrit était publié, la sécurité nationale pourrait être mise en danger. Les avocats de Slahi ont poursuivi le gouvernement en 2006 et ont gagné cette bataille six ans plus tard, en 2012.
Le livre a depuis été traduit en 20 langues différentes, mais Slahi n’a jamais lu la version finale. Dans la prison, son livre était interdit.
Cet article a d’abord été publié sur la version anglophone de VICE News.
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