Culture

La belle histoire du sous-marin nazi coulé par ses propres excréments

Cet article a été publié originellement sur War Is Boring et traduit par Motherboard France.

Selon les standards de l’époque (la Seconde guerre mondiale), les sous-marins allemands de type VIIC étaient des prédateurs des mers très avancés. Mais l’un d’entre eux, le U-1206, coula dès son premier voyage après que son capitaine ait utilisé son système de toilettes high-tech n’importe comment.

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Oui, c’est une histoire vraie, qui fut la conséquence tragique et inattendue d’un problème d’ingénierie navale très concret.

Pendant des années, des ingénieurs allemands très rusés s’étaient attelés à concevoir ce qui, selon eux, allait devenir la nouvelle génération de tuyauterie sous-marine. Alors que les sous-marins Alliés déversaient leurs eaux usées dans des fosses septiques embarquées à bord, les U-Boots allemands réalisaient de précieuses économies de poids et d’espace en évacuant directement leurs déchets dans la mer.

Mais ce type d’opération n’allait pas sans quelques contraintes. Le système ne fonctionnait que quand le sous-marin flottait près de la surface, là où la pression était assez faible. On ne peut qu’imaginer les subterfuges auxquels avait recours l’équipage lorsque les sous-marins devaient rester immergés en eaux profondes pour de longues périodes.

Alors que la guerre avançait, et la technologie anti-sous-marins des Alliés avec elle, ces vaisseaux devenaient de plus en plus vulnérables lorsqu’ils s’approchaient de la surface. Mais en 1945, les fameuses toilettes allemandes arrivèrent à maturité.

Les esprits les plus brillants du Reich avaient enfin développé des “toilettes à haute pression pour eaux profondes”, qui leur permettaient, en gros, de tirer la chasse tout en étant submergés au plus profond de l’océan.

« L’ingénieur ouvrit la mauvaise valve et déchaîna un torrent d’eaux usées et d’eau de mer à l’intérieur du sous-marin. »

Bien qu’ultramodernes, ces toilettes étaient extrêmement complexes. Dans un premier temps, elles transportaient les déchets humains à travers une série de chambres, jusqu’à un sas pressurisé. Un engin les propulsait ensuite dans la mer grâce à de l’air comprimé, un peu comme une torpille d’excréments.

Pour chaque sous-marin, un spécialiste était formé à l’utilisation de ces toilettes d’un genre nouveau. Il fallait absolument ouvrir et fermer les valves dans un ordre précis pour que le système fonctionne correctement et que tout aille dans la bonne direction.

C’est là qu’entrent en jeu le U-1206 et son fringant jeune capitaine de 27 ans, Karl-Adolf Schlitt. Le 14 avril 1945, Schlitt et son équipage en étaient au huitième jour de leur toute première patrouille de combat. Le sous-marin évoluait à 60 mètres sous la surface de la Mer du Nord quand Schlitt se mit soudainement en tête qu’il était capable d’utiliser les toilettes sans l’aide de personne.

Le problème, c’est qu’il n’avait pas reçu l’entraînement adéquat. Après avoir appelé un ingénieur pour lui venir en aide, celui-ci ouvrit la mauvaise valve et déchaîna un torrent d’eaux usées et d’eau de mer à l’intérieur du sous-marin.

La situation dégénéra rapidement. L’infâme liquide se répandit dans tout le compartiment dédié aux toilettes avant de se diriger vers les énormes batteries internes du sous-marin – situées juste en-dessous de la salle d’eau – ce qui provoqua une réaction chimique dégageant du chlore à l’état gazeux.

Alors que le gaz empoisonné emplissait l’air du sous-marin, Schlitt, en pleine panique, ordonna de remonter à la surface. L’équipage se débarrassa des citernes de ballast et tira toutes les torpilles afin d’améliorer la flottabilité de l’appareil inondé.

Hélas, la situation empira encore quand le sous-marin atteignit la surface. « À ce moment-là, les avions britanniques nous repérèrent », écrivit Schlitt dans son récit officiel.

Après avoir essuyé des tirs lors d’une attaque aérienne, il ne restait plus qu’à saborder le sous-marin et à ordonner à l’équipage de l’abandonner.

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« L’équipage atteignit la côte écossaise à bord de canots pneumatiques, raconte encore Schlitt. Trois de ces marins périrent en essayant de gagner le rivage sur une mer très agitée. Quelques-uns furent embarqués à bord d’un sloop britannique. Ceux qui perdirent la vie s’appelaient Hans Berkhauer, Karl Koren et Emil Kupper. »

Schlitt survécut à la guerre et mourut en 2009. Le U-1206, lui, repose toujours au fond de la Mer du Nord.