En amateur lambda de jeux vidéo, votre salon accueille peut-être une Switch ou une PS5 dernier cri. Si vous êtes un trentenaire resté quelque peu bloqué sur les jeux de votre enfance, vous vous êtes peut-être offert une Megadrive Mini ou une NES Mini qui offrent un catalogue de jeux issus d’une époque lointaine baptisée « années 90 ». D’autres passionnés de ces jeux rétros vont même plus loin et se tournent vers des solutions alternatives pour les faire revivre.
Retroid, Anbernic, Ayn Odin, Powkiddy ; ces noms ne vous disent peut-être rien mais ce sont bel et bien des consoles portables dédiées au retrogaming. « J’en avais entendu parler autour de 2010, se rappelle le youtubeur Retrojeux. J’en ai acheté plusieurs depuis, y compris les dernières sorties. » Sur sa chaîne, il propose – entre autres vidéos – des tests de ces consoles devant plus de 160 000 abonnés plus ou moins nostalgiques, détaillant les caractéristiques de chacune. Certaines sont trouvables pour une centaine d’euros, d’autres exigent de débourser cinq, voire dix fois cette somme.
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Concrètement, à quoi joue-t-on sur un de ces appareils ? À tout ou à peu près. Les consoles tournent sous Android comme n’importe quel smartphone et possèdent un nombre considérable d’émulateurs. Par exemple, équipez-en une du logiciel SNES9x et vous pourrez y lancer des jeux de Super Nintendo. Répétez le geste avec d’autres softwares et vous ferez renaître de leurs cendres la Megadrive ou des vieilles Atari, la Playstation première du nom ou la Dreamcast, voire la GameCube pour les machines les plus puissantes.
Pour autant, les émulateurs ne suffisent pas. Si vous voulez profiter de ces vieilles consoles, il faut aussi les jeux qui vont avec. En lieu et place de la traditionnelle cartouche, vous chercherez à obtenir des copies numériques ou Roms. Problème, leur téléchargement est interdit en France. Seul cas pour être autorisé à émuler : posséder le jeu original. En dehors de quelques cas très précis (comme streamer un jeu sur PC sans passer par la console), l’immense majorité des gens qui téléchargent des Roms cherchent évidemment les jeux qu’ils n’ont pas pour pouvoir y jouer gratuitement.
« Si un jeu est disponible légalement dans de bonnes conditions, je vais le prendre. C’est hélas loin d’être souvent le cas, et le marché de l’occasion fait gonfler les prix d’une façon exponentielle. » – Quentin, utilisateur de Retroid
Et les consoles dans tout ça, sont-elles illégales ? Pas vraiment. Pour faire simple, la possession d’émulateurs et de machines qui en contiennent ne fait pas de vous un hors-la-loi contrairement au téléchargement de Roms. Un flou qui n’empêche pas les possesseurs de consoles de braver l’interdit, même s’ils sont conscients du problème.
« Si un jeu est disponible légalement dans de bonnes conditions, je vais le prendre ainsi, confie Quentin, 22 ans, utilisateur de Retroid. C’est hélas loin d’être souvent le cas, et le marché de l’occasion fait gonfler les prix d’une façon exponentielle. Donc souvent, l’émulation est la seule solution. »
Un constat que partage également François, 34 ans, lui aussi sur Retroid : « Les rééditions de vieux jeux sont souvent très chères, c’est un business malhonnête. On n’a pas envie de payer pour un jeu sorti il y a des décennies et qui a déjà été rentabilisé. »
« Il faut s’y connaître un peu pour pouvoir bidouiller, faire tourner les jeux correctement, en réglant les graphismes ou les commandes. Ce n’est pas donné à tout le monde » – Jérémy, youtubeur
Les amateurs d’émulation assument totalement cette position, à l’image d’une utilisatrice qui se fait appeler Petitevieille sur les forums de Retrogaming : « Sur le plan légal, je suis un pirate ! Mais sur le plan moral, je dors bien. Les jeux que je télécharge ne sont plus en vente pour la plupart, ou alors je ne les aurais pas achetés ! Il n’y a aucune perte financière de l’industrie liée à mon utilisation de ces consoles. »
En revanche, sur les forums, Discord ou autre subReddit dédiés à ces consoles, pas question de parler de Roms ou de se refiler des liens. Le sujet est tabou et le moindre membre à la recherche de petites astuces se fait rapidement remettre à sa place. En revanche, ces lieux sont extrêmement actifs pour parler des jeux, des consoles, et surtout de problèmes techniques.
« C’est un public de niche, assure Jérémy qui tient la chaîne YouTube TECnaiche. Il faut s’y connaître un peu pour pouvoir bidouiller, faire tourner les jeux correctement, en réglant les graphismes, les sauvegardes, les commandes, etc. Ce n’est pas donné à tout le monde. »
« L’offre légale reste insuffisante. Les constructeurs s’y mettent de plus en plus mais les consoles alternatives restent intéressantes pour les collectionneurs » – Retrojeux, youtubeur
Face à ces difficultés de paramétrage, la plupart des utilisateurs font appel à la communauté pour trouver la réponse à leurs soucis. Et les forums d’aide sont bien souvent parmi les plus actifs pour aider les joueurs. Certains constructeurs comme Anbernic encouragent ces derniers à améliorer leur console en y apportant des modifications ou en créant des alternatives parfois meilleures que le système original.
Qu’est-ce qui pousse tous ces gens à investir du temps et de l’argent dans ces appareils compliqués alors qu’entre les offres permanentes en jeux PC à prix cassés et les abonnements de Sony ou Nintendo qui donnent accès à un catalogue rétro, il n’a jamais été aussi facile de jouer à une multitude de jeux vidéo ? « L’offre légale reste insuffisante, juge Retrojeux. Les constructeurs s’y mettent de plus en plus mais les consoles alternatives restent intéressantes pour les collectionneurs. »
Des passionnés qui ont souvent tendance à profiter de ces machines pour redécouvrir les jeux de leur enfance. « Je peux re-rejouer au monumental Sega Rally sur Saturn, s’enthousiasme Petitevieille, un jeu inusable même après plus de 25 ans. J’y retrouve aussi mes jeux d’arcade préférés comme Metal Slug. »
Pour Jérémy de TECnaiche, le succès de ces consoles ne détourne pas les joueurs des jeux récents. « Ce n’est pas le même plaisir. On a tendance à l’oublier avec le temps mais les jeux d’avant étaient plus arides, plus durs, exigeants, sans beaucoup de profondeur scénaristique. On le fantasme souvent mais les sensations ne sont pas du tout les mêmes qu’avec un jeu moderne. »
Une forme de nostalgie continue de porter le marché de ces consoles. « Je pense qu’on y joue en réponse à une frustration d’enfant, analyse François. Avant on avait un seul jeu à la fois, maintenant on peut jouer à tout, emmagasiner… Si on m’avait dit à huit ans que je pourrais avoir accès à tous ces titres, je ne l’aurai jamais cru. »
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