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La fonte de ce glacier pourrait faire monter le niveau des mers de 3,50 mètres

Il semblerait que le climat n’écoute pas vraiment les politiciens qui affirment qu’il ne se réchauffe pas. La température continue à grimper progressivement, et les plus grands glaciers du monde continuent à fondre, répandant d’immenses quantités d’eau dans les océans. Le niveau des eaux ne cesse de monter à l’échelle de la planète, et le phénomène s’accélère, nous donnant parfois l’impression d’être dans un wagon de montagne russe s’apprêtant à descendre une pente à toute vitesse.

L’énorme glacier du Groenland et les glaces de l’Arctique fondent plus vite que jamais. Et ces derniers temps, l’inlandsis Ouest-Antarctique a également beaucoup attiré l’attention. Mais pendant que les scientifiques se penchaient sur l’ouest de l’Antarctique, la calotte glaciaire fondait aussi à l’est. C’est pourquoi des chercheurs australiens ont bravé une mer particulièrement difficile pour aller y étudier le glacier de Totten, qui contient suffisamment de glace pour faire grimper le niveau des eaux de 3,50 mètres s’il venait à fondre totalement. Leurs résultats ont été publiés dans la revue Science Advances.

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Les chercheurs concluent de leur étude que les calottes glaciaires et glaciers de l’est de l’Antarctique connaissent une fonte “par le bas”, ce qui signifie que les couches de glace inférieures fondent progressivement ; mais ils n’ont jamais pu observer directement comment cela se produisait, ni ce qu’étaient les facteurs principaux de cette fonte, en tout cas jusqu’à maintenant.

The glacier de Totten. Image: Esmee van Wijk (CSIRO and ACE CRC)

En Antarctique, les calottes glaciaires qui couvrent le continent sont si vastes qu’elles s’étendent par-delà le bout des terres. Imaginez une bâche de piscine qui ne couvrirait que la moitié du bassin. Une partie repose sur la terrasse avoisinante, tandis que le reste se répand à la surface de l’eau, où il flotte. À la rencontre du glacier et de l’eau se trouve un contrefort de glace qu’on appelle une “langue glaciaire”, et qui empêche la glace rattachée au continent de tomber dans la mer. Si cette barrière fond, vous devinez probablement ce qu’il se passe. Voilà le problème de la langue glaciaire du glacier de Totten.

Les chercheurs récupèrent une ancre près du glacier de Totten. Image: Steve Rintoul (CSIRO and ACE CRC)

L’océanographe et auteur principal de l’étude Stephen Rich Rintoul, de la Commonwealth Scientific and Industrial Research Organization en Australie, a dirigé une équipe de chercheurs pour aller collecter des données océanographiques sur le glacier de Totten dans l’est de l’Antarctique. Auparavant, d’autres expéditions avaient été compromises par des conditions de navigation peu propices au travail scientifique, et n’avaient fourni aucun résultat probant. Mais cette fois, les chercheurs ont fait des découvertes stupéfiantes.

Le RSV Aurora Australis devant le glacier de Totten. Image: Paul Brown (Australian Maritime College)

À environ 600 mètres de profondeur, l’équipe a découvert une vaste cavité – d’environ 10 kilomètres de large – creusée dans le flanc de la langue glaciaire. Plus bas, la cavité se divise en deux canaux, et de l’eau plus chaude s’y répand, creusant la glace comme du sucre s’immisçant dans une carie. Ils ont mesuré que la calotte glaciaire fondait à sa base plus vite que n’importe quelle autre calotte glaciaire de taille comparable dans l’est de l’Antarctique. Si elle finissait par céder, il y aurait tellement de glace qui se répandrait dans la mer que le niveau des eaux monterait de plus de 3,50 mètres à l’échelle globale.

Les scientifiques récupèrent un engin de mesure océanographique près du glacier de Totten. Image: Steve Rintoul (CSIRO and ACE CRC)

On ne sait pas encore ce qu’il adviendra de ces immenses morceaux de glace qui fondent, mais il est possible que les dégâts que nous leur avons causés soient déjà irréparables, quelles que soient nos actions pour ralentir les effets du changement climatique. Certains morceaux de glace qui se détacheront dans dix ans, par exemple, seront le produit d’une fonte entamée il y a dix ans. Le climatologue Kerim Nisancioglu, de l’Université de Bergen, a déclaré au New Yorker que “dans certains cas, vous avez affaire, en théorie, à un processus irréversible. Une fois enclenché, ça continue. Et il n’y a rien à faire.” Il ne reste plus qu’à attendre.