Le long combat dure depuis trois ans déjà. La juge au centre d’une affaire de port de hijab sera finalement visée par une enquête disciplinaire, rapporte Radio-Canada.
En février 2015, Rania El-Alloul, Montréalaise et mère célibataire, se trouvait au tribunal pour reprendre possession de sa voiture qui avait été saisie par la Société de l’assurance automobile du Québec.
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La juge en fonction, Eliana Marengo, a exigé qu’elle retire son hijab. Selon elle, la salle d’audience est un endroit laïque, exempt de symboles religieux, et le port du voile est dès lors inapproprié. Rania El-Alloul a refusé de retirer son voile. Sa requête judiciaire n’a donc pas été entendue.
Les gens avaient été nombreux à réagir à cette histoire et à manifester leur soutien. Une collecte de fonds de quelque 50 000 $ a été organisée pour acheter une nouvelle voiture à Mme El-Alloul, de l’argent qu’elle a refusé.
Depuis, Rania El-Alloul lutte et tente de faire valoir ses droits. Elle a porté plainte contre la juge auprès du Conseil de la magistrature du Québec, de même que des dizaines d’autres personnes qui n’étaient pas toutes liées à l’affaire. Certaines de ces plaintes ont été rejetées, tandis que 28 autres ont été retenues.
La juge Marengo a tenté de bloquer le processus, invoquant que le Conseil n’avait pas le pouvoir de contester sa décision, que celle-ci devait être plutôt portée en appel.
Ses arguments ont été rejetés jeudi dernier. La Cour d’appel du Québec a confirmé que le Conseil de la magistrature avait le pouvoir d’évaluer son cas. L’enquête sur sa conduite aura bel et bien lieu.
Prendre la voie des tribunaux
Parallèlement à sa plainte, Rania El-Alloul a également entrepris des démarches pour que la cour clarifie les règles concernant le port de signes religieux. Parce qu’en ce moment, les balises ne sont pas précises. On indique seulement qu’une personne doit être habillée « convenablement ».
En septembre 2016, les avocats de Rania El-Alloul étaient entendus en Cour supérieure du Québec, où ils ont demandé au juge Wilbrod Décarie de prononcer un jugement déclaratoire. On souhaite qu’il déclare qu’un juge ne peut refuser d’entendre une personne parce qu’elle porte un symbole religieux, et que Mme El-Alloul peut porter son hijab en cour.
Début octobre, le juge rendait sa décision. Il a affirmé que « le tribunal éprouve beaucoup de sympathie à son égard et déplore grandement, encore une fois, la façon dont elle a été traitée ». Mais il a toutefois rejeté sa requête en jugement déclaratoire, jugeant que ce n’était « pas de sa compétence et inutile », rapportait CBC.
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Au téléphone, l’avocat de Mme El-Alloul, Me Julius Grey, a indiqué poursuivre les démarches pour porter la décision en appel et être toujours en attente d’une date de comparution. Il n’a pas voulu commenter la situation actuelle, étant donné que la cause n’avait pas encore été entendue. Même son de cloche du côté de l’avocate Catherine McKenzie, qui copilote le dossier.
Impossible de savoir dans combien de temps leur cause pourra être entendue.
Dans un autre dossier de vêtements religieux, la Cour suprême du Canada avait statué en 2012 que le niqab pouvait être permis ou non dans la salle d’audience. Le jugement indique qu’il faut considérer la sincérité de la croyance de la personne et que le port du niqab n’empêche pas d’évaluer la crédibilité du témoin.
Il était par contre question d’un voile qui couvre entièrement le visage. Le hijab, lui, laisse le visage à découvert.
Justine de l’Église est sur Twitter.