Les Alouettes de Montréal ont invité VICE à passer la saison 2018 au sein de l’équipe. Notre dossier spécial sur la culture du football est disponible ici.
Il est 8 h du matin un samedi. Il pleut, il fait 3 degrés, et l’immense gymnase du cégep de Vanier est vide. C’est en montant les escaliers de service qu’on commence à entendre des éclats de rire et une vieille toune de Usher. Les joueuses de l’équipe de flag football de Vanier chantent en chœur.
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Les Cheetahs de Vanier n’ont pas perdu un seul match cette saison, et c’est la première fois que ça arrive dans l’histoire de l’équipe. Elles appliquent leurs bandages en débattant sur la chanson qu’elles devraient faire jouer pendant la période d’échauffement. « Surtout, n’oubliez pas les haut-parleurs! » La musique les accompagne jusque sur le terrain. L’équipe adverse est déjà là, à s’entraîner sous la pluie, mais les joueuses de Vanier ne les regardent même pas. « On garde notre concentration, et elles ne nous font pas peur! » dit Keiya, la demi offensive.
Après l’échauffement, elles se mettent en cercle : « Clear eyes, full hearts, can’t lose! ». C’est le cri de l’équipe de football du film et de la série Friday Night Lights. Avant chaque saison, Tara Mrakic, l’entraîneuse en chef, demande aux joueuses de les regarder. « Je sais ce que c’est de surmonter des obstacles. Je suis une femme noire et gaie. J’ai envie de leur apprendre à être des femmes fortes et de leur montrer de bons exemples sportifs. Et c’est vrai que si on joue vraiment avec le regard clair et avec son cœur, il est impossible de perdre. »
Sur la ligne de touche, c’est la solidarité qui prime. L’une d’entre elles s’est blessée et regarde le match depuis la ligne de touche. Chaque fois qu’elles reviennent du terrain, les joueuses viennent lui parler : « T’as assez chaud? Tu vois bien? » Une joueuse revient tête baissée après une passe manquée. « C’est pas grave! La prochaine! T’as bien joué! » lui disent ses coéquipières. Avant une action, la coach se retourne vers la ligne de touche. « Elles vont avoir besoin de vos cris pour celle-là! » Réponse immédiate, en chœur : « Go defense! Go defense! Go Natasha! Go Rachelle! Go Zoe! »
Les Cheetahs remportent la partie 44 à 18. Coach Mrakic est fière, l’équipe vient de briser le mauvais sort, les Cheetahs ont perdu en demi-finale plusieurs années de suite. « Bravo, votre travail acharné a payé et je suis fière », leur dit-elle. « Surtout, reposez-vous ce soir, regardez Netflix et mangez des pâtes! »
Le lendemain matin, les Cheetahs de Vanier font face à l’équipe des Trad de Joliette, qui marque 13 points dès le premier quart. Le match se termine sur un score de 13 à 7, la finale est perdue. Dans le vestiaire, tout le monde est en pleurs, les joueuses comme les coachs. Ils restent longuement blottis dans les bras les uns des autres, en silence. Pour certaines, c’était le dernier match, leur dernière année de cégep. C’est le cas pour Tatiana Bakos, la quart-arrière. On lui parle au téléphone le lendemain de la défaite.