Hier à Los Angeles, Paul Pierce a joué ses dernières minutes sur les parquets de NBA. Le match s’est conclu sur une feuille de stats honorable bien qu’éloignée de ses standards de la grande époque avec six points, trois rebonds, une passe et une interception. Cette dernière rencontre, la septième dans la série opposant les Clippers de Paul Pierce au Utah Jazz de Rudy Gobert, s’est soldée par une défaite à domicile pour les Californiens. Mais le résultat est presque anecdotique. La vraie nouvelle pour la NBA, c’est bien le départ à la retraite de Paul Pierce, dont les performances dans la meilleure ligue de basket au monde laisseront un souvenir impérissable aux fans. 15e meilleur scoreur de tous les temps, 4e meilleur marqueur à trois points, 21e meilleure intercepteur. Au-delà des chiffres, Paul Pierce est, avec Dirk Nowitzki, Jason Terry ou Ray Allen, l’une de ces grandes figures des parquets qui est parvenue à permettre aux suiveurs de la NBA de tourner la page de l’ère Jordan.
Alors bien sûr, les haters diront que Paul Pierce sort par la petite porte. Ils n’auront pas tort. Paul Pierce lui-même a souvent dû rêver d’une sortie plus glorieuse. Mais peut-être que cette fin en eau de boudin était la prix à payer pour avoir eu une telle carrière. En tout cas, si c’est le cas, le deal était plus que rentable pour celui qu’on surnomme “The Truth”. Et puis le mec a eu tellement de réussite au cours de ses 18 années passées sur les parquets qu’on ne va pas le plaindre. Car Paul Pierce, c’est l’histoire d’une belle rencontre entre un talent inouï et une chance incroyable. Et c’est bien ça qui fait tout son charme.
Videos by VICE
Pour revenir aux instants plus glorieux de la carrière de Paul Pierce, repensons plutôt à ce contre de mutant claqué sous le maillot des Nets face à Kyle Lowry lors du match 7 de leur série les opposant aux Raptors. Le joueur de Toronto passe aisément Deron Williams avant de lancer un floater censé esquiver Pierce, venu à sa rencontre. Mais Paul Pierce, fidèle à lui-même, met juste l’extension qu’il faut pour bloquer le tir du bout des doigts. Une action à l’image du joueur, facile, talentueux, parfois presque dilettante.
Cette action de Paul Pierce n’est pas la seule à avoir marqué les esprits. Quand on pense à ce shooter d’exception, un buzzer-beater inscrit face à Atlanta lors des play-offs 2015 revient aussi en mémoire. Le genre de shoot dont on pourrait croire qu’il est avant tout chanceux, alors qu’il transpire la maîtrise du basket. Au moment de finir son jump shot sur les fesses, Pierce exulte avec classe.
Mais Paul Pierce n’a jamais autant martyrisé une équipe qu’il ne l’a fait avec les New York Knicks, qui l’ont bien cherché à mon humble avis. Cette franchise, probablement la plus pathétique des grandes équipes a subi entre 2001 et 2010 les assauts ravageurs de Paul Pierce sous le maillot des Celtics. Ce grand elfe vert, invariablement lancé sur les parquets pour humilier les différentes formations des Knicks et doucher les maigres espoirs des New Yorkais, lesa poursuivis jusque dans leurs cauchemars.
Pour bien comprendre l’ampleur du traumatisme, j’ai demandé à Bob Silverman, un écrivain fan des Knicks depuis sa naissance, d’évoquer Paul Pierce. Malgré toute sa verve et son vocabulaire, il n’a pas trouvé de mots pour exprimer toute sa rancoeur. Enfin si, quelques uns : « C’est assez violent de danser sur la tombe d’un si grand joueur, même s’il est détesté par les fans des Knicks comme moi, mais putain, qu’il aille traîner son cul de vieux en enfer. »
Aux Celtics, justement, Paul Pierce a aussi eu la chance d’évoluer pendant des années aux côtés de très grands joueurs comme Ray Allen et Kevin Garnett. A eux trois, ils incarnent une génération de joueurs qui ont marqué leur temps par leurs styles bien particuliers, leur complémentarité, leur capacité à marquer, trouver les espaces et défendre. Ces trois larrons se sont retrouvés ensemble grâce à un gros coup de chance, un bel effort financier, et la capacité d’un coach de les faire jouer ensemble pour les emmener jusqu’au titre de 2008.
Lire aussi : Kevin Garnett, le roi tu trash-talk qui a marché sur la NBA
Même dans cette euphorie collective, Paul Pierce a conservé cette capacité à briller individuellement en remportant le titre de MVP alors qu’objectivement, tout le monde s’accordait à dire que Kevin Garnett lui était supérieur.
Cet épisode résume bien qui était Paul Pierce. Un homme talentueux évidemment, mais aussi chanceux, soulevant une question à laquelle personne ne pourra jamais répondre : était-il un des meilleurs joueurs de la NBA de son époque, ou avant tout un mec vernis, tombé au bon endroit, au bon moment ? Soyons honnête, Paul Pierce était un joueur étrange et surprenant. La sortie de Silverman sur son de jeu de vieux a du sens. Il n’était pas vraiment athlétique, mais débordait d’un instinct incompréhensible du commun des mortels qui passait souvent pour une réussite insolente. En même temps, un peu de talent et beaucoup de chance, est-ce que ce ne sont pas les ingrédients indispensables à tout génie ?