Deux professeurs de droit ont analysé les termes et conditions d’utilisation de 500 sites web populaires aux États-Unis, notamment Facebook et Google, et découvert que plus de 99% d’entre eux étaient « illisibles ». En dépit du fait que la plupart des Américains ne disposent pas d’un niveau d’éducation suffisant pour les déchiffrer, ils sont toujours en vigueur.
Un article publié le 14 janvier dernier par le Social Science Research Network (SSRN) affirme que le « niveau de lisibilité » des termes et conditions étudiés par les deux chercheurs était comparable à celui d’articles académiques.
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« Selon la loi, les consommateurs doivent lire leurs contrats. Cependant, les entreprises ne sont pas tenues d’écrire des contrats lisibles. Cette asymétrie — et ses conséquences potentielles — nous ont beaucoup troublées » écrit Samuel Becher, professeur de droit à l’université Victoria de Wellington et co-auteur de l’étude, dans un mail à Motherboard.
Tous ceux qui sont inscrits sur Amazon ou Uber savent de quoi il retourne : cocher une petite case signalant que le client acceptes les termes d’utilisation (en anglais « terms of service » ou ToS) du service. Ces accords comprennent souvent des clauses sur la propriété intellectuelle, les usages interdits et les fins d’agrément, entre autres.
La plupart des internautes acceptent ces termes sans les lire. Le truc, c’est qu’avec ces contrats d’un genre relativement nouveau, cliquer sur « J’accepte » sans lire ni comprendre peut causer bien des problèmes — notamment parce que les entreprises n’hésitent pas à brandir leurs petits caractères.
Prenons Fteja v. Facebook, une affaire portée devant le parquet de New York en 2012. Un utilisateur de Facebook accusait le réseau social d’avoir clôturé son compte pour des raisons de religion et d’ethnicité.
Comme il n’avait pas lu son contrat, le plaignant ignorait que toute plainte contre Facebook doit être traitée à Santa Clara, Californie. C’est l’une des clauses des conditions d’utilisation du réseau social.
Le juge new-yorkais en charge du dossier a fini par le transférer en Californie en déclarant : « La non-lecture d’une contrat avant l’accession à ses termes ne dispense pas la partie de ses obligations contractuelles. »
La lisibilité de ces contrats « sign-in-wrap » n’avait jamais été analysée formellement jusqu’ici.
Pour évaluer les quelques 500 contrats sélectionnés, Becher et le Dr. Uri Benoliel de l’université Bar-Ilan de Tel Aviv leur ont appliqué deux tests de lisibilité reconnus, le Flesch-Kincaid (F-K) et le Flesch Reading Ease (FRE).
Le F-K utilise une formule pour mesurer le niveau scolaire nécessaire à la compréhension d’un texte. Le FRE se base sur la longueur des phrases et du nombres de syllabes pour produire un score de 1 à 100.
La plupart des études de lisibilité suggèrent que les textes adressés aux consommateurs devraient être accessibles à un élève de 4ème (8th grade) ou ne pas dépasser un score de 60 au test FRE.
Les conclusions de Becher et Benoliel montrent que deux contrats seulement atteignent cet objectif. Les 498 autres obtiennent moins de 60 au FRE et demandent en moyenne 14 années d’étude à quiconque souhaite les comprendre.
Certaines entreprises ont essayé de faciliter la lecture de leur contrats.
Seuls 4,8% des sites analysés, et notamment Tumblr, proposent des versions plus accessibles de leur contrat en plus de la version « classique ». Becher et Benoliel ne sont pourtant pas convaincus.
« Quelles parties du texte ont été coupées ? En cas de problème légal, une cour de justice doit-elle préférer un texte à l’autre ? » demandent-ils dans leur papier.
Le problème de la lisibilité n’a pas de solution unique. Certaines agences fédérales et étatiques américaines utilisent pourtant les tests F-K et FRE pour s’assurer que leurs documents — déclarations d’impôt, fiches de sécurité sociale — sont lisibles.
Becher et Benoliel aimeraient que les rédacteurs de termes d’utilisation à l’intention des particuliers procèdent de la même façon. D’ici là, ces particuliers ne devraient pas signer ces contrats sans les lire.
« Trop de gens pensent que le contenu d’un contrat est inamovible » estime Becher. « Les consommateurs plus assertifs, volontaires et prêts à se manifester peuvent parfois pousser les entreprises à laisser tomber le langage contractuel et révéler une approche plus pro-consommateur. »