Les médecins du Johns Hopkins University Medical Center se préparent à cette intervention, qui devrait avoir lieu d’ici quelques mois. Le centre travaille avec deux patients qui ont suivi les étapes pré-opératoires. Il s’agit maintenant de les mettre officiellement sur les listes d’attente et de trouver les bons donneurs.
“C’est très important”, dit Carisa Cooney, une chercheuse à Johns Hopkins, au service de la chirurgie plastique et de reconstruction. “Les publications militaires insistent sur le fait que lorsqu’un militaire en service se réveille blessé à l’hôpital, l’une des premières choses qu’il fait, c’est vérifier si ces organes génitaux sont intacts. Souvent, c’est perçu comme plus important que de perdre un membre. C’est particulièrement associé à l’identité et au sentiment de soi, surtout chez un jeune homme.”
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Entre 2005 et 2010, il y a eu 1 525 blessures génitales lors des opérations américaines en Irak et en Afghanistan, d’après un rapport de 2011 de la Army Dismounted Complex Blast Injury Task Force. Cela inclut les blessures internes et externes.
“Dans les conflits récents, il y a eu beaucoup plus de blessures graves dont on peut survivre, du fait de l’amélioration des armures”, explique Cooney. “On a beaucoup plus de blessés graves, femmes et hommes, qui reviennent à la maison. Parmi les zones touchées par des blessures dévastatrices, particulièrement avec les engins explosifs improvisés, on trouve les parties génitales.”
Pour ces deux patients, les organisations en charge de trouver des organes vont chercher un pénis venu d’un donneur décédé, qui aura environ le même âge que le receveur. La peau devra avoir à peu près la même couleur. La taille n’est pas la priorité, explique la chercheuse.
Cooney précise que le don de pénis n’est pas aussi simple que pour d’autres organes. Il faut par exemple que la famille du donneur potentiel puisse avoir accès à l’histoire du vétéran.
Une greffe de pénis sera en principe régie par des règles relativement nouvelles, adoptées pour les allogreffes vasculaires composites (ou VCA pour « vascularized composite allografts »). Cette réglementation a été mise au point parce que les greffes de main et de visage — que l’on pensait impossible — devenaient de plus en plus communes. Par exemple, la première greffe de visage a été réalisée en 2005 en France et aujourd’hui, on recense près de 10 greffes de visage aux États-Unis. La réglementation sur les VCA a été mise en place en juillet 2014 pour faciliter le processus de greffe.
Au vu de ses bons résultats sur les greffes de main et de visage (ainsi que de son traitement immunosuppresseur avec un médicament unique), l’hôpital John Hopkins a décidé d’ajouter la greffe de pénis aux solutions proposées aux patients. En plus d’avoir sélectionné et testé les deux premiers receveurs de greffe, ils ont aussi réalisé toutes les opérations chirurgicales préparatoires pour réaliser une telle opération.
La première greffe de pénis réussie a été réalisée en Afrique du Sud en décembre dernier — une greffe qui a pris, comme cela a été annoncé en mars. Au cours d’une opération qui a duré plus de 9 heures, les docteurs ont fixé l’organe du donneur sur un jeune homme de 21 ans dont le pénis avait été amputé trois ans auparavant lors d’une circoncision qui s’était infectée au cours d’un rite traditionnel. En juin, les docteurs ont annoncé que la compagne du jeune receveur de la greffe était enceinte.
La première tentative de greffe de pénis avait eu lieu en 2006 en Chine, mais l’opération avait été un échec. Le gonflement anormal de l’organe greffé a eu des conséquences psychologiques sérieuses chez le patient et sa femme. Le pénis greffé a finalement été retiré.
Le docteur Jamie Levine, le chef du département de microchirurgie du centre hospitalier Langone de NYU (New York University) explique que si une telle greffe n’a jamais été réalisée aux États-Unis, des interventions chirurgicales réparatrices et des opérations de rattachement d’organes génitaux sont pratiquées dans les hôpitaux américains depuis un certain temps. Ces interventions ont en quelque sorte permis de se préparer au processus complexe d’une greffe de pénis, d’après Levine. Si ces opérations sont encore perfectibles, les docteurs peuvent néanmoins reconnecter des nerfs, des systèmes vasculaires ou des systèmes urologiques.
Dans les cas où le pénis ne peut pas être rattaché, Levine explique que les docteurs prélèvent des tissus chez le patient et reconstruisent l’organe génital. C’est aussi ce qui est fait pour les patients transgenres qui souhaitent changer de sexe.
La grande différence entre greffer un pénis et les opérations réparatrices ou de rattachement de l’organe (qui sont déjà pratiquées aux États-Unis) c’est le risque de rejet de la greffe. De fait, le récipiendaire de la greffe doit prendre pour le reste de sa vie un traitement qui inhibe son système immunitaire.
« Ce n’est pas comme aller au supermarché, on vous donne un sac et c’est fini, » explique Levine. « C’est une opération très lourde qui nécessite un investissement quotidien énorme en termes de temps, de santé et de tout le reste. »