Pour des retombées économiques plus importantes et un meilleur encadrement de la vente, le gouvernement devrait privilégier la SAQ pour vendre le cannabis lorsqu’il sera légalisé, conclut une étude commandée et financée (en partie) par le syndicat des employés de la SAQ, le SEMB SAQ.
On ne recommande pas que la SAQ ait le monopole pour toujours, mais au moins pour une période de transition de 10 ans, le temps que le marché noir soit éradiqué. Ensuite, le marché pourrait être libéralisé, estiment les chercheurs.
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« Tant d’un point de vue économique que sociétal, la collectivité québécoise en sortirait gagnante », se sont enthousiasmés les employés de la SAQ par voie de communiqué.
Un marché lucratif
Se basant sur l’exemple du l’État du Colorado, qui a légalisé le pot en 2012, les chercheurs Philippe Hurteau et Bertrand Schepper de l’Institut de recherche et d’informations socio-économiques (IRIS) évalue le marché du weed récréatif québécois à 1,3 milliard $.
En projetant un important recul du marché noir 10 ans après la légalisation de la marijuana, les chercheurs estime que sa valeur pourrait grimper à 3,2 milliards $.
Une commercialisation par la SAQ aurait une valeur ajoutée de 22 millions $ de plus que le marché privé, et créerait 71 emplois supplémentaires. Les chercheurs calculent que l’État retirerait également 10 millions $ de plus en impôts, taxes et parafiscalité. En termes de redevances, la SAQ pourrait verser 457 millions $ supplémentaires dans les coffres de l’État à chaque année.
Plus que des sous, de la fiabilité
Évoquant des données sur la vente de tabac aux mineurs dans les dépanneurs, les chercheurs avancent que les succursales de la SAQ seraient mieux outillées pour faire respecter l’âge légal de la vente de cannabis. (On ne présente par contre pas de données sur la vente d’alcool aux mineurs dans les SAQ et les dépanneurs, ce qui aurait permis une comparaison plus juste entre ces deux types d’établissements.)
Les chercheurs soutiennent en outre que la SAQ sait déjà mieux encadrer la vente de produits pouvant mener à la dépendance, et, sans citer la moindre donnée, avancent que la société d’État « sera mieux outillée afin de résister aux pressions pouvant venir des acteurs criminels présents dans le marché noir et qui voudront protéger leur marché », puisque les décisions commerciales sont prises au siège social.
Vers un monopole d’État… ou pas
Les auteurs de l’étude urgent le gouvernement libéral à se mettre « dès maintenant au travail afin d’organiser à l’avance l’arrivée du cannabis sur le marché légal », pour éviter que le privé mette la main dessus.
Mais la vente à la SAQ est-elle envisageable, ou même… envisagée?
Un autre rapport rendu public mardi, celui du Groupe de travail sur la légalisation et la règlementation de la marijuana, chargé de conseiller le gouvernement libéral, déconseille la vente de weed dans les établissements où l’on vend de l’alcool ou du tabac. Cela exclurait d’emblée la SAQ, comme les dépanneurs et les épiceries, et laisserait plutôt place aux établissements spécialisés.
Libre au premier ministre Trudeau de donner suite à ces recommandations, lorsqu’il présentera son projet de loi au printemps prochain.
On sait toutefois qu’en février dernier, il affirmait à La Presse la marijuana récréative se vendrait dans les sociétés d’État comme la SAQ. « Si les adultes peuvent acheter librement de la marijuana dans des centres comme la SAQ, les pushers n’auront plus la capacité d’en vendre aux adultes, et juste vendre aux jeunes ce serait à la fois risqué et moins rentable », avait-il affirmé.
Cette option pourrait plaire à plusieurs provinces. On sait que la première ministre de l’Ontario, Kathleen Wynne, a répété à plusieurs reprises que la LCBO, l’homologue ontarien de la SAQ, devrait se charger des ventes de marijuana. Le premier ministre du Manitoba, Greg Salinger, avait tenu un discours semblable l’an dernier, suggérant que les ventes de marijuana s’effectuent dans les magasins d’alcool provinciaux.
Mais au Québec, même si le gouvernement ne s’est pas officiellement prononcé à ce sujet, c’est un tout autre son de cloche.
Le ministre québécois des Finances, Carlos Leitao, a martelé qu’il n’était pas intéressé par le marché du weed, qu’il n’avait « aucune intention » de le commercialiser. « Je n’aurai jamais l’obligation de commercialiser. Même si ça devient légal, ce n’est pas à l’État québécois de commercialiser », a-t-il assuré au quotidien.
Qu’importe les retombées économiques présentées par l’étude de l’IRIS, le combat ne semble pas gagné d’avance pour les employés de la SAQ.