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La triste histoire du basket professionnel à Montréal

En 2015, l’ancien ministre conservateur Michael Fortier affirmait vouloir établir une franchise NBA à Montréal. À ce moment, la ville était encore fébrile après le spectacle donné par les Raptors de Toronto et les Wizards de Washington, qui venaient de disputer un match endiablé au Centre Bell devant Eugénie Bouchard, Didier Drogba et 20 070 autres fans de sport. Depuis, le projet n’a plus jamais été évoqué. Les paroles s’envolent, et les rêves de NBA de Montréal aussi, puisque l’année dernière, la tournée canadienne présaison ne s’est même pas arrêtée en ville.

Alors, peut-on encore espérer voir une franchise NBA s’implanter à Montréal? Un coup d’oeil à l’histoire de la ville semble indiquer que non. Nous avons discuté avec une des figures de proue du basketball au Québec des 25 dernières années, l’entraîneur Pascal Jobin. Aujourd’hui coach d’une équipe de lycée, il a occupé les fonctions d’entraîneur en chef et de directeur général au sein de plusieurs franchises dont nous parlerons ici. C’est grâce à lui que le basketball professionnel a pu vivre au Québec. Ensemble, nous avons retracé l’histoire un peu triste du basket professionnel dans métropole québécoise. Il y a eu plusieurs équipes, mais concentrons-nous ici sur trois cas récents : les Dragons, le Matrix et le Jazz.

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Les Dragons de Montréal (1993-94)

Les Dragons, c’était la meilleure équipe de basket que la ville ait jamais comptée. L’équipe n’a jamais connu de problème sur le terrain, car elle avait réussi à attirer plusieurs anciens joueurs NBA, comme Alfredrick Hughes, Corey Gaines ou Dwight Walton, un membre de l’équipe olympique canadienne. Les Dragons, qui évoluaient à l’auditorium de Verdun, ont même fini sur une impressionnante série de 21-6. Fini, car en dehors du terrain, le contexte était moins rose. La franchise a dû mettre la clef sous la porte au bout de 20 matches de saison régulière seulement.

Que s’est-il passé en coulisses ? L’histoire n’est pas claire à ce sujet. La version officieuse veut que les mystérieux propriétaires des Dragons aient pris peur à l’annonce de l’arrivée des Raptors de Toronto et des Grizzlies de Vancouver en NBA, et ont décidé de plier bagage, anticipant des pertes financières. « C’est un mythe, dit Pascal Jobin. C’est ce que les gens en ont déduit parce que les dates concordent. Personne ne sait vraiment ce qui s’est passé. »

La National Basketball League, au sein de laquelle évoluaient les Dragons, a fait faillite et cessé ses activités la saison suivante.

Le Matrix de Montréal (2005-08)

Le Matrix, c’est l’équipe à laquelle on pense lorsqu’on parle de basketball professionnel à Montréal, et avec raison. La troupe dirigée par Pascal Jobin s’est fait sa place dès sa première saison en American Basketball Association (ABA). La saison suivante, l’équipe (qui se nommait alors le Royal) a atteint les quarts de finale avant de s’incliner en prolongation face aux Millrats de Manchester.

Que s’est-il passé ensuite avec le Matrix ? « L’ABA, c’est une ligue senior de luxe », affirme Jobin. Croyez-le ou non, il existe plus de 350 équipes dans cette ligue et seulement une quarantaine sont actives. Comment est-ce possible ? « Les frais d’inscription ne s’élèvent qu’à 10 000 dollars, mais il en coûte beaucoup plus pour faire jouer une équipe professionnelle. Les joueurs doivent être payés, logés et leur transport doit être pris en charge lors des matches à l’extérieur. L’ABA laisse ces équipes inscrites sur son dossier, car elle laisse croire à beaucoup de gens qu’ils peuvent devenir propriétaires d’une équipe de sport professionnel en échange d’une petite somme d’argent », explique-t-il.

Le Matrix s’est éteint à la fin de la saison 2007-08 après s’être battu pour exister pendant deux ans dans une ligue dysfonctionnelle, faute d’investisseurs et d’implication de l’ABA dans la qualité de leur propre produit. En gros, c’était le rêve d’un seul homme : Pascal Jobin. Il y a travaillé à contre-courant pendant plusieurs années, mais c’était une question de temps avant que la réalité futile de l’ABA rattrape le club.

Le Jazz de Montréal (2012-13)

La dernière équipe pro de basketball à s’être implantée à Montréal a laissé un goût amer aux fans. Le Jazz n’a joué qu’une saison dans la Ligue nationale de basketball du Canada (LNB) et a terminé avec un triste bilan de 2 victoires et 38 défaites, menant à la suspension des activités du club par la ligue. Du moins, c’est la version officielle des événements.

« Les dirigeants de la ligue m’ont contacté afin de finir la saison en catastrophe, il restait 40 matches, continue Jobin. Les Kebs de Laval ont cessé leurs activités alors qu’ils étaient supposés se joindre à la ligue. J’ai fait de mon mieux. On n’a pas remporté beaucoup de victoires, mais on a joué du beau basket pendant 40 matches », raconte-t-il.

Le Jazz était un projet condamné dès le départ. Une équipe montée à la hâte, vouée à régler un problème logistique. L’équipe aurait-elle pu survivre si elle avait connu du succès ? Qui sait. La réalité des ligues mineures du sport professionnel, c’est qu’on doit improviser et faire avec les moyens du bord. Si une équipe connaît le succès et réussit à s’implanter, tant mieux ! Sinon, on passe à un autre appel. On procède ainsi, en tâtonnant, d’erreurs en succès, jusqu’à ce que ça fonctionne.

La NBA pourrait-elle s’installer à Montréal un jour ? Probablement pas. Le coût moyen pour monter une équipe est de 1,36 milliard de dollars, à en croire l’estimation de Forbes, sans compter que le milieu des affaires montréalais ne semble pas assez sérieux pour garder une franchise dans la ville. Dans ce contexte, difficile de comprendre comment le commissaire de la NBA Adam Silver pourrait considérer légitime un projet de club dans la deuxième ville canadienne.

Restons optimistes, néanmoins, on joue au basket à Montréal. Et on joue bien. La culture du sport se développe et le niveau de jeu des jeunes Québécois monte en flèche, comme le témoigne le succès des Samuel Dalembert, Joel Anthony, Khem Birch, Olivier Hanlan et plus récemment Chris Boucher et Jérôme Desrosiers, qui frappé, ou ont frappé, à la porte des grandes ligues. La NBA ? Peut-être pas, mais une équipe de sport professionnel stable? On peut se permettre de rêver !