Pour les gens qui souffrent d’hypersensibilité chimique multiple (Multiple chemical sensitivity ou MCS en anglais), chaque jour peut très vite devenir un supplice.
Certains des symptômes de cette étrange maladie sont relativement bénins, entre fatigue, douleurs musculaires et sensation de “flotter”. Mais d’autres sont pour le moins handicapants et particulièrement pénibles, puisque les malades souffrent régulièrement de nausées, de migraines, d’attaques de panique et même de vertige. Presque toutes les personnes atteintes de MCS affirment que c’est l’exposition, même de bas niveau, à des produits chimiques qui est responsable de leur maladie.
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Il n’existe pas de traitement efficace, sauf à se tenir éloigné de tout et à renoncer à l’essentiel de la vie moderne – si l’on en croit les gens qui se sont auto-diagnostiqués. Car en dehors de la communauté (très soudée) des malades de la MCS, vous n’en entendrez pas vraiment parler dans les manuels de médecine. La plupart des médecins refusent de la diagnostiquer et considèrent plutôt qu’il s’agit d’un trouble psycho-social présentant des symptômes physiques aigus. Faute de vraies preuves scientifiques, les médecins décrivent généralement la MCS comme “une maladie chronique et récurrente due à l’incapacité de l’individu de tolérer la présence de substances chimiques dans son environnement.” En gros, les symptômes sont bien réels, mais leurs causes sont psychologiques.
En 1988, un homme atteint de cette étrange maladie – un certain Bruce McCreary, ex-ouvrier de l’aviation civile – a décidé d’aller s’installer dans la petite ville de Snowflake, dans l’Arizona, au beau milieu du désert. En 2005, plus de vingt autres victimes de MCS l’y avaient rejoint, comme le rapporte un article du New York Times. Pour McCreary et ses nouveaux voisins, Snowflake est devenue une sorte d’oasis où personne ne les juge ou ne se moque d’eux, et surtout où ils peuvent vivre loin de toute substance chimique nocive.
Mais comme le montre un nouveau documentaire de The Guardian, il n’y a pas grand-chose à Snowflake, et la plupart de ses habitants vivent seuls. Pour ceux qui vivent dans des maisons, tout doit avoir été construit et meublé de manière “non toxique”. Un homme ne lit des livres que muni de gants. Et une femme qui vit dans son camion a du jeter son sac de couchage car celui-ci avait été plongé dans une solution imperméabilisante, et elle redoutait que celle-ci ne lui soit mortelle. McCreary raconte aux journalistes que seuls 20% des gens atteints de MCS ont la possibilité de faire bâtir des maisons sur mesure, et que la construction est généralement très longue. Pour cette raison, dit-il, beaucoup d’entre eux se retrouvent ruinés, et certains se suicident.
Les victimes de MCS sont découragés, et même en colère, de voir que la médecine moderne ne s’intéresse pas à leur condition. Certains accusent les personnes atteintes de MCS de “chercher à obtenir des hébergements spéciaux” ou d’essayer de bénéficier de pensions réservées aux handicapés. Il faut dire que des essais cliniques ont montré que les patients atteints de MCS étaient incapables de faire la distinction entre leurs “déclencheurs” et de simples placebos, réagissant de manière tout aussi forte à des substances chimiques qu’à des substances tout à fait banales. La moitié des malades remplissent les critères qui permettent de diagnostiquer une dépression ou des troubles de l’anxiété. Certains chercheurs pensent même que les odeurs engendrent des réactions psychosomatiques, causées par un dysfonctionnement de la partie du cerveau qui traite les odeurs.
Ce qui est certain, en revanche, c’est que la plupart des personnes atteintes de MCS ne comptent pas renoncer à la vie ; elles cherchent simplement de nouveaux moyens, parfois inédits, de continuer à vivre dans un monde qui les exclut. Leur résilience est pour le moins louable, voire admirable.
“Le monde est de plus en plus pollué, dit l’un des habitants de Snowflake. Nous en sommes tous affectés au niveau cellulaire. Nous, nous sommes un signal d’alarme.”