Dans les cœurs grecs, il y a deux choses qui comptent énormément ; la religion et la Révolution – conflit qui mena le pays à obtenir son indépendance de l’Empire ottoman au début du XIXe siècle. Bien entendu, les deux sont autant de bonnes raisons de bien manger et de faire la fête.
On dit souvent que le jour de Pâques apporte la lumière sainte dans les cœurs et les âmes. Dans la région de Fokida, il réveille surtout la fierté et la mémoire des révolutionnaires grecs qui ont lutté vaillamment contre l’occupant turc.
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Parmi eux, Athanasios Diakos. En 1821, Diakos joue un rôle important pour l’indépendance de son pays en multipliant les combats victorieux. Capturé par les troupes ottomanes lors de la bataille d’Alamana, il finit (selon la légende) embroché vivant et torturé à petit feu (au sens propre du terme) jusqu’à ce que mort s’en suive.
Depuis cet acte de barbarie impardonnable, les Grecs ont fait de Diakos un héros populaire. Et s’ils ne manquent pas, chaque avril, de soigneusement embrocher l’agneau pascal fait en offrande à Dieu, c’est aussi parce que le rituel est une manière de rendre hommage au martyr.
Ici, c’est dans la vallée d’olives de Fokida, avec vue sur le golf d’Itéa, que l’agneau est saigné. Un couteau bien aiguisé, puis, quelques secondes plus tard, l’animal est suspendu par les pattes arrière. Le dépeçage peut commencer.
Autour, les poules sont de la partie et picorent tout ce qui n’est pas gardé.
La suite se passe en ville. À la maison, l’agneau, une fois dépecé et vidé, doit être embroché de la barbe au cul. Il est ensuite vêtu d’un manteau de crépine. Poivré et salé, on l’entoure d’un linceul humide jusqu’au lendemain.
Après cette préparation pour le moins sanguinaire, l’heure est à la prière et à la résurrection du Christ. La lumière sainte est distribuée de cierges en cierges dans tout le village, alors que les pétards retentissent dans les rues.
Le lendemain, à 7 heures du matin, on prépare les braises « à l’ottomane ». Des sarments sont déposés au milieu de la rue. Ils serviront de combustible. On les arrose abondamment pour ne pas que l’agneau – ou le révolutionnaire, selon l’époque – ne cuise trop vite.
À 9 heures les carcasses sont positionnées et les moteurs tourne-broche réglés. La cuisson peut commencer.
L’agneau sera prêt à 15 heures. En cuisson, on suit le vieil adage qui veut que plus c’est long, plus c’est bon.
En attendant de passer à table, on fait la fête en s’envoyant des cubis de vin blanc. On s’est ouvert l’appétit en mangeant de la tyropita (tarte aux fromages), des avgas (œufs durs peints en rouge pour rappeler le sang du Christ), du sicotaria (foies frits), du tyrocafteri (fromage épicé), du tzatziki, des kokoretsie (les abats à la broche) ou de la spanakopita (tarte aux épinards).
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On danse, on lance les pétards qu’on n’a pas utilisés la veille, on chante, on tire des coups de fusil et on n’oublie pas de surveiller son agneau sur le feu.
Cet article a été initialement publié sur MUNCHIES France en 2017.