L’antidote contre le fentanyl n’est pas disponible gratuitement à l’extérieur de Montréal

Alors que la crise du fentanyl est aux portes du Québec, la naloxone, l’antidote contre les surdoses d’opioïdes n’est toujours pas accessible gratuitement dans les régions à l’extérieur de Montréal.

« Pour l’instant, on n’a tout simplement pas accès au médicament, à moins de débourser des grosses sommes qu’on n’a malheureusement pas », dit Mario Gagnon, directeur de Point de repère, un organisme de la ville de Québec qui travaille à prévenir les infections transmises sexuellement et par le sang auprès des populations faisant usage de drogues.

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Mardi, dans le cadre de la Journée nationale d’action contre les surdoses, les groupes communautaires de la province apostrophent le gouvernement pour qu’il mette en place un programme d’accès gratuit à la naloxone.

« Le printemps arrive et on voit ce qui se passe dans l’Ouest, poursuit M. Gagnon. Ça pourrait arriver ici plus rapidement qu’on ne le croit. Le ministère de Santé et des Services sociaux nous a promis un accès gratuit au mois de juillet. Depuis, on n’a pas de nouvelles. »

La naloxone, également commercialisée sous le nom Narcan, est un composé chimique qui inverse les effets des opioïdes. Elle permet de bloquer les récepteurs sollicités par la substance et de mettre un terme à la dépression respiratoire.

Pour maximiser les chances de sauver des vies, la naloxone doit être disponible à l’endroit où la drogue est consommée, chez les utilisateurs, mais aussi dans les piqueries, avant l’arrivée des premiers répondants. Aux États-Unis et en Europe, les programmes « Take Home Naloxone » auraient permis une réduction de jusqu’à 34 % des décès liés aux drogues.

Mais au Québec, le gouvernement ne semble pas pressé d’agir pour rendre disponible gratuitement l’antidote à l’ensemble de la population. « Je peux vous confirmer que nous sommes à analyser différentes options pour favoriser et élargir l’accès à la naloxone au Québec, nous indique la porte-parole du Ministère de la Santé et des Services sociaux (MSSS), Noémie Vanheuverzwijn. Il est donc trop tôt pour s’avancer sur les détails de ce programme. »

Présentement, la naloxone est disponible en pharmacie, sans prescription, mais elle n’est pas remboursée par la Régie de l’assurance maladie du Québec.

Le Centre Sida Amitié (CSA), situé à Saint-Jérôme, a décidé de ne pas attendre le gouvernement et d’acheter quatre trousses, à ses frais. « C’est une centaine de dollars par kit, dit Hugo Bissonnet, directeur général du CSA. Il faut aussi avoir une carte d’assurance maladie. Ce n’est pas rare que la population dans le besoin n’ait ni l’un ni l’autre.»

À Montréal, le projet PROFAN géré par l’organisme Méta d’Âme permet aux utilisateurs d’opioïdes et à leurs proches d’obtenir des trousses de naloxone injectable et d’être formés pour les utiliser. Des personnes dépendantes aux drogues enseignent notamment à leurs pairs comment utiliser la naloxone, mais aussi les bases du RCR. En région, on aimerait pouvoir en faire autant.

Il ne fait aucun doute que la crise du fentanyl est aux portes du Québec, croit le directeur général du Centre d’intervention et de prévention en toxicomanie de l’Outaouais, Yves Séguin. La Colombie-Britannique a compté 914 morts par surdose en 2016, dont une grande partie aurait été causée par le fentanyl, qui serait jusqu’à 100 fois plus puissant que la morphine.

« Ce ne sont plus seulement des personnes de la rue qui décèdent, ce sont aussi des adolescents, dit-il. Et ça se passe à Ottawa, juste de l’autre côté de la rivière. Ça ne va pas arrêter aux portes de l’Ontario… où la naloxone est gratuite. »

En Outaouais, la Direction de la santé publique régionale a mis sur pied un programme temporaire qui permet aux intervenants du milieu communautaires d’avoir accès gratuitement à la naloxone. Mais les consommateurs et leurs proches doivent toujours débourser de leurs poches pour l’obtenir.

Les groupes communautaires dénoncent aussi le fait que les ambulanciers soient les seuls premiers répondants à pouvoir administrer la naloxone, même si les pompiers et les policiers sont souvent les premiers arrivés dans les cas de surdoses. Présentement, 96% des ambulanciers montréalais ont la formation. À l’extérieur de la métropole, ce chiffre chute à 76%.

La porte-parole du ministère de la Santé et des Services sociaux (MSSS), Noémie Vanheuverzwijn nous indique qu’il « n’est pas exclu d’envisager que des policiers et/ou les premiers répondants travaillant dans des zones ciblées aient aussi accès à la naloxone. Cette possibilité fait partie des avenues étudiées par le MSSS. »

De plus, depuis octobre 2016, la naloxone en inhalation nasale est reconnu par Santé Canada et est disponible sans prescription partout au pays. Mais pas au Québec. Cette formule serait aussi plus simple à administrer.

Pour l’instant, le MSSS nous confirme que « la naloxone en inhalation est disponible sur le marché selon les conditions établies par Santé Canada, mais n’a pas été évaluée par l’Institut national d’excellence en santé et en services sociaux », qui recommande les médicaments à la Régie de l’assurance maladie du Québec.

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