Fêter son anniversaire au McDo quand on a plus de 10 ans, c’est un peu la misère. J’en ai fait l’amère expérience le jour où j’ai décidé de célébrer un quart de siècle sur Terre dans un des restaus de la chaîne.
Ce qui aurait pu me mettre la puce à l’oreille, c’est que l’événement que j’avais créé sur Facebook avait fait un flop – ce qui m’avait visiblement plus affecté que ce que je laissais paraître devant une bougie et un McFlurry fondu, avec pour seule compagnie, un chevalier servant qui, de toute façon, n’avait pas vraiment le droit de ne pas venir.
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Alors que je faisais une croix définitive sur un monument de mon passé, je me posais la question ? Qu’y a-t-il de plus désespérant que de fêter son anniv’ au McDo ? J’en avais pourtant fait plus jeune et ils m’avaient tous irradié de bonheur. J’étais si nostalgique de ce passé que l’idée même d’y renouer avec ce passé me paraissait géniale.
Mais même si je suis née en plein week-end du 15 août (circonstance atténuante), je devais me rendre à l’évidence, mon dernier anniversaire digne de ce nom datait d’il y a 20 ans. Et la triste réalité, c’est que je devais sa réussite plus à la popularité de Ronald McDonald qu’à la mienne.
Quand on est gosse, organiser un anniversaire au McDo, c’est se transformer à coup sûr en reine (ou roi) de la cour de récré (ou du club de vacances, tout dépend de votre date de naissance).
Et c’est face à ce constat que j’ai voulu me replonger dans cet univers peuplé de mioches, de salariés de fast-food un poil désabusés et de parents déboussolés.
Quand on est gosse, organiser un anniversaire au McDo, c’est se transformer à coup sûr en reine (ou roi) de la cour de récré (ou du club de vacances, tout dépend de votre date de naissance). À l’époque, le nec plus ultra était de distribuer au préalable des invitations papiers aux invités – vos potes de cinq piges ne savaient peut-être pas lire mais leurs parents, si.
Le truc cool avec les anniversaires au « Domac », c’était que les invitations n’étaient pas des morceaux de kraft grossièrement coupés et griffonnés par vos soins mais fournies par la chaîne. C’étaient des précieux sésames imprimés en couleur avec du papier glacé.
Un coup à se prendre pour les Plastics de Mean Girls ou les Ashley de La Cour de Récré, marchant entre les marelles et les élastiques pour distribuer ce qui, aux yeux de tous, était synonyme d’un après-midi de folie au royaume de Ronald.
Et tant qu’il te restait un passeport pour la malbouffe en main, tout le monde voulait subitement devenir ton copain. Un truc grisant.
Quand on est gosse, le McDo, c’est exceptionnel. Une fois adulte, on y va toutes les semaines en se sentant vaguement coupable pour sa ligne mais bien content de lâcher les tickets restaus. À une époque, il fallait compter sur trois sorties par an, grand maximum, et sous accord parental – et certains parents ne cédaient jamais aux supplications de leur marmaille.
Imaginez la rage toute contenue d’un adulte sensible au bio qui doit déposer sa progéniture dans le fast-food de ses rêves – sous peine de passer pour le flic de service.
Pour ces pauvres enfants (probablement privé de télé, de pâte à tartiner et de segway), la seule façon d’entrer au McDo était donc de se faire inviter par un autre gamin qui décidait, lui, de fêter son anniversaire là-bas. Imaginez la rage toute contenue d’un adulte sensible au bio qui doit déposer sa progéniture dans le fast-food de ses rêves – sous peine de passer pour le flic de service s’il ne le fait pas.
En vérité, on n’avale pas plus de cochonneries dans un anniversaire McDo qu’ailleurs. Ce qui était cool, en plus de la revanche prises sur les parents, c’était surtout l’impression d’être accueilli en VIP dans un lieu où l’on passait généralement inaperçu.
Sous les oripeaux rouge et jaune, tout ce que le fast-food avait de plus décadent semblait à notre portée le temps d’une après-midi. Le luxe ultime, finalement, c’était de pouvoir s’amuser dans la maison de Ronald – en vrai, l’espace enfant – sans même vraiment en « profiter » niveau bouffe.
Quand les anti-McDos venaient chercher leurs enfants, ils ne pouvaient que constater l’inévitable : leurs gosses étaient encore plus mordus de « Domac » qu’avant. Ronald avait passé le pied dans l’ouverture de la porte et il n’allait pas le retirer.
Aujourd’hui, la plupart des statues géantes de Ronald McDonald ont disparu du paysage périurbain. On attribue cette perte au « green-washing » de l’enseigne mais je penche pour une autre hypothèse : reconquérir le public qui a la phobie des clowns et qui s’était écarté du fast-food.
À part les coulrophobes, aucun enfant ne résistait aux charmes de Ronald, le gentil clown. Personnellement, j’avais plus une peur irrationnelle de Baggy, la mascotte de Bagatelle – le plus ancien parc d’attractions français, à Merlimont – mais je peux comprendre le stress engendré par Ronald.
J’imaginais parfois mes invités cauchemarder à l’idée de se rendre dans l’antre du clown pour mon anniversaire. Peut-être que certains mouillaient leur lit en imaginant un Ronald sanguinaire attirant les petits enfants avec des Happy Meals alléchants – une version moderne, capitaliste et industrielle de Hansel et Gretel.
Ronald est resté figé dans l’espace-jeu du McDo, prêt à prendre vie et à bondir pour te dévorer. Quand on y pense, proposer des goûters d’anniversaire serait le moyen idéal pour remplir son garde-manger nan ?
En plus de donner la possibilité de faire le tri dans ses amis, organiser un anniversaire au McDo s’est aussi rendre service à ses parents.
En plus de donner la possibilité de faire le tri dans ses amis, organiser un anniversaire au McDo s’est aussi rendre service à ses parents ; rien à organiser, juste un petit chèque à signer et l’assurance d’un après-midi de folie rondement mené. Le McDo pour l’anniversaire des gosses, c’est un peu la version enfant d’un « wedding planner ».
On peut diviser tous les parents en trois catégories :
1/ Ceux qui, fauchés ou ultra-motivés, organisent un goûter d’anniversaire chez eux.
2/ Ceux qui, richards, peuvent carrément se permettre de louer un AirBnB pour ne pas avoir à saloper leur appart et qui louent magicien.
3/ Ceux qui, malins, délèguent la tâche aux employés du McDo.
Parce qu’à bien calculer les choses, c’est aussi coûteux d’organiser un anniversaire chez soi que de le faire dans un fast-food – la panique en moins et la satisfaction de se payer la tête des parents moralisateurs en prime.
La seule erreur à ne pas commettre ? Confondre les franchises et organiser l’anniversaire du petit au Quick – même s’il y a une piscine à bulles, je peux solennellement affirmer que c’est beaucoup moins bien. Si vous décidez de faire la fête dans un fast-food, autant le faire dans l’enseigne suprême en la matière et mondialement reconnue.
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Voilà, on se réconforte comme on peut. J’ai raté l’anniversaire de mes 25 ans. Du coup, je pense à celui de mes 5 ans. Mon heure de gloire est passée. Mes fêtes d’anniv’ ont atteint leur zénith à l’époque où l’ombre de Ronald planait encore sur l’aire de jeu.
À l’époque, ce n’est pas moi qui les organisais et je me fichais de savoir si mes invités venaient pour ma personne ou pour la bouffe gratos. Finalement, pourquoi essayer de dépasser ce sentiment ? On ne m’y reprendra plus. Je devrais me contenter de savourer ces souvenirs d’un temps révolu.