Le Diable au corps : ce que les travailleurs du sexe ont vu de pire dans leur vie

À part quelques irréductibles gros cons, la plupart des gens savent comment se comporter dans les magasins, chez le coiffeur ou quand ils commandent un taxi. Ils savent qu’il est relativement mal vu de vomir sur la banquette arrière, par exemple. Par contre, nombreux sont ceux qui dépassent les limites dès qu’il s’agit d’une prestation sexuelle ou d’un service mettant en jeu le corps d’un inconnu.

Si l’on considère que les hommes et les femmes qui travaillent dans l’industrie du sexe – qui comprend, dans le sens américain du terme, le strip-tease – offrent leur corps, être poli et agréable envers eux me paraît être le minimum. Vous vous demandez sans doute où se situe la limite, et je peux vous comprendre. Que peut-on faire et ne pas faire ? Peut-on demander une ristourne à une prostituée parce qu’on est un client fidèle ? À quel point peut-on avoir les mains baladeuses lorsqu’un strip-teaseur se déhanche face à vous ?

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Pour le savoir, j’ai demandé à une escort, une prostituée et deux strip-teaseurs ce que vous ne devez surtout pas faire lorsque vous profitez de leurs services.

Kevin Talle, 35 ans, strip-teaseur depuis 10 ans

Les gens se plaignent souvent après mon show qu’ils n’ont pas vu ma bite. Ce qu’ils ne comprennent pas, c’est que le strip-tease repose sur la séduction et laisse le soin à votre imagination de faire le reste. 

S’il vous plaît, évitez également de réserver mes services simplement pour embarrasser quelqu’un. On m’a souvent demandé de venir pour une surprise faite à une femme qui ne sait pas du tout comment se comporter. Généralement, elle reste assise et semble hyper gênée, avec les bras en l’air. Vous pouvez voir à sa tête si elle apprécie ou non. Parfois, des gens me demandent de venir uniquement pour ça – parce qu’ils prennent du plaisir en voyant une fille mal à l’aise face à un mec à moitié à poil.

Encore plus important : attendez mon signal avant de me toucher. L’autre jour, je faisais une performance pour des femmes ayant la soixantaine. La dame installée devant moi était extrêmement enthousiaste. Alors que je me tenais devant elle avec un simple drapeau comme cache-sexe, elle n’a pas pu retenir son excitation et a attrapé mon pénis pour me branler très violemment. C’était atroce. Tout le monde a évidemment rigolé, et après une bonne respiration, j’ai moi aussi souri.

Illustrations par Ben van Brummelen

Illustrations par Ben van Brummelen

Liv, 24 ans, escort de luxe

L’autre jour, j’ai rencontré un nouveau client dans un hôtel en Allemagne. Nous avions décidé de dîner avant toutes choses. Pendant le repas, il m’a expliqué qu’il avait divorcé de sa femme car elle ne l’avait pas sucé depuis des mois, et que ses enfants lui manquaient. Alors que nous discutions, j’ai remarqué que ses ongles étaient absolument répugnants. Même pendant le dîner, il ne pouvait s’empêcher de les ronger. Apparemment, il avait commencé à faire ça à la suite de son divorce. Après le repas, nous sommes retournés à l’hôtel et nous avons pris un bain, puis il a commencé à m’embrasser passionnément. Là, j’ai senti quelque chose de dur dans ma bouche. Je l’ai recraché. C’était un bout d’ongle.

L’hygiène est un truc essentiel. Je ne vous connais pas, donc faites en sorte d’être propre lorsque vous vous rendez à un rencard.

Au-delà de cette règle élémentaire, il est impératif que vous mettiez un préservatif. C’est incroyable de voir combien d’hommes essayent de violer cette règle. « Je suis vraiment clean, j’ai fait le test récemment », disent-ils. Sérieusement ? Déjà, ça plombe l’ambiance, et en plus ils savent que c’est l’une de mes conditions non négociables. Le même type est du genre à poser des questions comme : « Allez, tu vas bien me dire ton vrai prénom ? Tu as bien un numéro privé sur lequel je peux te joindre ? » Non. Être escort implique déjà des risques, nous tenons donc à protéger notre vie privée. Très souvent, des mecs me donnent leur carte de visite, si un jour j’avais envie de les appeler. À chaque fois que ça se produit, je la prends et la jette dans la poubelle dès qu’ils sont partis.

Michele, 34 ans, strip-teaseuse depuis 14 ans

Tout d’abord, ne soyez pas un abruti complètement bourré. Je reçois souvent des demandes de dernière minute venant de groupes de potes qui veulent une strip-teaseuse au milieu de la nuit. Généralement, ils sont éclatés et ont du mal à rester assis sur leur chaise. Bien sûr, ils essayent toujours de me toucher. Dans mon agence, on autorise l’utilisation de crème fouettée ou de lotions diverses de la part des clients – toucher n’est donc pas interdit. C’est simplement à moi de décider quand, comment et où. Les clients sobres comprennent ces limites, mais les autres les ignorent.

Une autre règle simple mais très importante : restez assis sur votre chaise ! Les clients essayent souvent de se lever pour danser avec moi. Ils veulent bien faire, mais tout mon show repose sur le fait que je danse autour d’eux. J’ai toute une chorégraphie calquée sur la musique, je dois donc les remettre sur leur chaise avant de reprendre, ce qui casse un peu le truc.

Une fois, alors que je faisais mon show pour un mec complètement bourré, ce dernier a voulu danser avec moi, m’attraper et me porter. Comme j’utilise très souvent des glaçons, le parquet était mouillé. Vous devinez aisément ce qui est arrivé : le mec a glissé et je suis tombée. Quand quelque chose comme ça se produit, je prends mes affaires et je me tire.

Molly, 26 ans, prostituée depuis quatre ans

Ne soyez pas ce mec qui se prend pour un sauveur et qui a le syndrome Pretty Woman en lui. Il y a deux types de clients de ce genre. Le premier est le gars hyper protecteur. Il veut passer une demi-heure à discuter avec vous de votre vie personnelle et est persuadé que vous faites ce job sous la contrainte. Le second est le mec qui vous aime tellement qu’il veut vous sauver de cette « horrible vie ». Ce client dit toujours quelque chose comme : « Tu es tellement belle et intelligente. Tu n’as pas besoin de ce boulot » ou encore : « Tu devrais trouver un vrai boulot, non ? » C’est particulièrement chiant parce que cela veut dire qu’il ne me prend pas au sérieux. Ça part d’un bon sentiment, OK, mais c’est très condescendant. Je suis une professionnelle et je prends mon job très au sérieux.

Ensuite, il y a ceux qui veulent toujours repousser les limites. « On se connaît depuis un moment maintenant, est-ce qu’on peut le faire sans préservatif ? » ou « est-ce qu’on peut parler de tes tarifs ? » sont des phrases qui reviennent. Ça casse vraiment l’ambiance. Avant, j’expliquais gentiment et calmement que je ne travaille pas comme ça et que j’ai des règles très strictes. Maintenant, je n’hésite pas à hausser le ton avec celui qui veut une prestation qui n’est pas au menu.

La question qu’on me pose le plus est : « Qu’est-ce que tu aimes ? » C’est très gentil, mais ça ne sert à rien. Il faut bien comprendre que dans une telle situation, il ne s’agit pas de ce que j’aime moi. Ensuite, je doute vraiment que nous aimions la même chose. Bien sûr, le sexe est toujours plus agréable lorsqu’il satisfait les deux personnes, mais le sexe tarifé est différent.

La meilleure chose qu’un client puisse faire, c’est de m’expliquer exactement ce qu’il attend de moi. Plus vous m’en dites, plus vous allez apprécier le moment.