Partir en road-trip sur un coup de tête, c’est toujours la meilleure décision que l’on puisse prendre – en particulier si cette dernière intervient au petit matin avec plus ou moins 3 grammes dans le sang.
Rassurez-vous, que vous soyez un peu à l’arrache ou du genre à embarquer tous les moyens modernes de communication, quoiqu’il arrive, les vacances en 4 roues, c’est toujours une aventure. Mais l’aventure, ça tient à quoi ? Aux cheveux dans le vent au volant d’une belle décapotable, à la banquette arrière de la Renault 5 toute claquée des grands-parents ou – de loin le meilleur plan –, au confort désuet d’un vieux Combi Volkswagen.
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Pour Maupassant au XIXe siècle, le tourisme en bagnole, c’est déjà la plus pure expression de la liberté : « Cet acte de liberté si facile, si simple, sortir, monter dans ma voiture. » Pour Martine Camillieri – qui a fait de ses séjours annuels en roue libre, un livre sur le sujet, Jamais sans mon Kmion, aux éditions Épure –, l’esprit road-trip c’est avant tout « partir dans une petite cabane roulante pour dormir et cuisiner tous les jours dans la nature, au soleil et si possible, sur une crique ».
Et la popote dans tout ça ? C’est con à dire mais en voyage, la bouffe fait partie du paysage – et cuisiner en terra incognita n’a rien d’utopique. Car il faut voir les vacances sur la route comme autant de cuisines mobiles et primitives (avec leur lot de pique-niques et de cantines éphémères), comme autant de petits-déjeuners, de déjeuners et de repas qui voient le jour dans des spots qu’aucune autre table n’est capable d’offrir.
C’est le plaisir de manger du kilomètre avec le ventre creux pour, in fine, se poser et construire à chaque stop, un restau improvisé : ce nouveau bout de nature qui offrira la meilleure vue. C’est la liberté d’improviser ses propres « recettes de vadrouille » avec trois fois rien – comme les imagine Martine Camillieri, adepte de l’esprit « slow travel et cuisine de peu ».
Sur la route du road-trip, on dort, on boit, on mange, on fait l’amour, on avance, on visite, le tout en un. Et pour vous aider à vous y retrouver dans tout ça, on vous a préparé un guide de la cuisine en road-trip. En voiture, tout se digère bien : un conseil, lisez-le du début jusqu’à la fin.
Ne pas oublier d’embarquer
En un : la carte Michelin du coin. Oubliez Google Maps : la 4G sur les routes de campagne, c’est pas avant l’an 2030. Au pire, demandez à vos darons : tous ont gardé ces fameux plans jaunes pliés comme une pâte feuilletée. Et entre nous, c’est assez chouette d’étaler de grandes cartes par terre sans attendre qu’un petit point rouge pixellisé ne vienne vous faire chier.
En deux : un kit de survie. À monter en fonction de ses habitudes alimentaires : une mignonnette de poivre, quelques cristaux de fleur de sel, une fiole d’huile d’olive, un flacon de sauce soja, un pot de miel, du piment, des conserves du placard et un kilo de farine. Cette épicerie de base ouvre la grande panoplie de ce que l’on pourrait appeler « la cuisine sauvage », elle-même constituée essentiellement de marinades, d’aliments crus, de consommables sucrés, de sandwiches, de sauces et bien d’autres choses encore.
En quatre : un tableau d’équivalence de mesures imprimé avant de partir. Pour sortir des sandwiches, changer des boîtes ou improviser des pancakes faute de pain, savoir mesurer avec une cuillère à soupe devient parfois une question essentielle.
En cinq : une ou deux mini-poêles à tout faire pour les œufs au bacon du petit-dej, les tortillas minute, la friture de petits poissons, les crêpes et autres petites bricoles.
Savoir repérer les bons spots
Puisque vous êtes le seul maître de votre destination, ce serait con de ne pas tracer à travers champs. Dès que le soleil baisse, on voudra quitter les grands axes et se faufiler discrètement à l’écart d’un chemin détourné. Sauf indication expresse, le camping sauvage n’est ni vraiment autorisé ni vraiment interdit. Restez donc discret si vous comptez improviser gîte et couvert à ciel ouvert. Mais travaillez les spots : ce sont les réveils avec vue qui fabriquent les meilleurs souvenirs.
Composer avec son environnement
Question organisation, l’absence de frigo vous oblige à renouveler quotidiennement le contenu de votre garde-manger. La plupart du temps, une glacière branchée sur l’allume-cigare peut sauver le beurre mais il faut choisir : rosé frais ou iPhone rechargé. Quitte à être dérouté, autant couper le jus. Mais si on prend vite goût aux nuits à la frontale et à la seule lumière de la pleine lune, on s’habitue moins à l’écran noir du téléphone. La question de l’eau, qui dans votre quotidien n’en est plus une, se pose ici tous les jours. On fait sa toilette à la casserole, qui servira elle-même de cuvette pour la vaisselle, et on se brosse les dents dans l’eau des œufs durs. Souvent, la bonbonne d’eau de source de 5 litres sera votre meilleur allié mais parfois il faut savoir ruser : poussez la porte des cimetières, il y a toujours un point d’eau à proximité – ça a soif les chrysanthèmes.
Enfin, en milieu hostile, on se découvre souvent de réels talents de Robinson. À vous d’improviser des contenants en feuilles ou en écorce, de fabriquer des brochettes en tiges de romarin, de piler au caillou, de cuire en papillote naturelle (feuilles de vigne ou de figuier) ou de vous laver à la rivière.
Avoir les yeux moins gros que le ventre
Pour des questions de place et de temps de cuisson, privilégiez l’alimentation miniature : pensez petites viandes (cailles plutôt que poulet), petites saucisses (merguez plutôt que Toulouse), mini-pâtes (gnochetti plutôt que spaghetti) à cuisson rapide (5 minutes max au lieu de 12). En salade, au beurre, froides, chaudes, en sauce, en urgence autour d’une simple tomate épépinée et d’une gousse d’ail, les mini-féculents débloqueront toutes les fringales improvisées.
Pour une fois, évitez le frais et privilégiez les boîtes : de sardines à tout, de ventrèche de thon, de pequillos, de rillettes, etc. En camping, on tartine ! Un peu de beurre, une sardine, quelques herbes puqées à la garrigue, du bon pain et c’est plié. Tapez aussi dans les aliments avec emballage naturel : les œufs, les bananes, les ananas, la poutargue.
N’ayez pas peur de miser sur le cru – le zéro cuisine en été, ça passe tout seul. La « popote bricole » – comprendre : celle qui ne demande pas trop d’efforts – va des rouleaux de printemps aux pitas farcies, en passant par les spaghettis de légumes marinés au citron et les fromages émiettés, sans oublier les desserts, les salades de fruits jolies jolies (parsemées de feuilles de menthe, d’un nougat émietté ou d’une dragée pilée sur une pierre), les brochettes de cucurbitacées arrosées d’huile d’olive. Gardez quand même en tête qu’avec un réchaud, le bivouac devient trois étoiles et qu’avec un feu de bois, c’est l’orgie !
Connaître son territoire
Mer ou montagne, à vous de choisir. Mais tracez exclusivement vers l’une ou l’autre de ces destinations. De votre choix découleront quelques indispensables : à 1 000 mètres d’altitude, par exemple, le réchaud vous offre un luxe rare, le café chaud. Option mer, prévoyez des accords feu de bois et canne à pêche. Les petits specimen de poissons sont préférables car économiques en énergie et plus faciles à cuisiner.
Coté plage, il faut entretenir un certain tropisme pour les sandwiches, les chips au sable et les remakes de « Seul au monde » : « Tom Hanks allume un feu en plein vent », « Tom s’essaye à la pêche avec les pieds », « Tom fait un BBQ de moules », autant de chouettes scénarios que vous aurez le loisir d’essayer si vous partez en vacances sur la route.
Rassurez-vous, quelques tellines (ces petits mollusques que l’on pêche en creusant dans le sable) jetées dans une poêle avec une gousse d’ail, c’est 2 heures de récolte mais seulement 5 minutes de cuisson pour 15 de régalade. Les moules au barbecue, ça le fait aussi.
Côté montagne, embarquez saucisson, gros pain et boîtes d’œuf. À moins d’avoir des gènes d’ermite, les ressources naturelles présentes en altitude se font plus rares et complexes – et il faut dire que le gavage de myrtilles a ses limites. Enfin, si vous envisagez de casser la croûte en cassant des œufs, sachez que par définition, les petites fermes du coin en possèdent toujours des frais, pondus du jour.
Jouer au Robinson c’est bien mais on n’est pas tous born to be wild. Si vraiment, le besoin de lâcher les chevaux pour une escapade « dans la vraie vie » se fait sentir, optez pour un bon restau Routier, squattez le parking d’un gastro, rentrez chez l’habitant, foncez dans un bistrot et tapez-vous un gueuleton mitonné sur vitro-céramique.
Mais la fin du repas, par pitié, merci de ne pas lécher l’assiette. Vous n’êtes plus un sauvage.