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​Le joueur de Ligue 1 VICE Sports du week-end : Éder

Il est parfois facile pour un attaquant de cacher sa médiocrité : c’est un poste qui ne demande pas forcément de souvent porter le ballon et quand il le reçoit, c’est généralement dans des zones peuplées de défenseurs où on leur pardonnera s’ils perdent la balle et où on les encensera s’ils arrivent à marquer en une touche entre deux roquets prêts à leur démonter les tibias. Un attaquant doit toucher en gros une vingtaine de ballons par match dans les bons jours. En résumé, un attaquant de pointe pas très futé, ni technique, peut faire illusion en se trouvant au bon endroit au bon moment une fois en 90 minutes.

Dans le cas d’Éder, c’est un peu différent. Comme rarement dans l’histoire de l’humanité – on peut à peine citer le premier pas sur la Lune ou le couronnement d’Elizabeth II – le monde entier a pu témoigner collectivement d’un même événement, en direct : la nullité d’Éder. C’était pendant la Coupe du monde 2014 et c’était d’une évidence irréfutable. Un carnaval de contrôles trop longs, de passes ratées, de tirs dévissés. Il avait beau toucher trois ballons dans le match, son incompétence footballistique crevait l’écran. Un moment de gêne télévisuelle extrême. Cet été-là, avec Fred, ils ont prouvé qu’il était bien difficile de trouver des attaquants lusophones potables à mettre en pointe de son équipe nationale.

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Éder fait en effet partie d’une longue tradition d’attaquants portugais complètement médiocres mais qui sont pourtant titulaires en sélection. Depuis Pauleta, se sont ainsi relayés Nuno Gomes (peut-être le moins pire du lot), Liédson, Helder Postiga, Hugo Almeida et, donc, Éder. Autant dire que si Kévin Gameiro avait choisi de jouer pour le Portugal, on l’appellerait déjà l’Eusebio blanc. Pendant ce temps-là, ce sera sûrement Éder en pointe de la Seleção au prochain Euro. Un mec qui a attendu 18 sélections pour marquer son premier but, en match amical face à l’Italie en août 2015.

Ce week-end est donc un miracle dans la carrière d’Éder. Lui qui a passé 15 matches sans but du côté de Swansea avant de se voir prêté au LOSC a marqué pour sa première titularisation. Face à Rennes, il a ouvert le score grâce à son geste préféré, la frappe taclée. Le Portugais a au moins pour lui de s’être bien placé dans la surface, derrière tout le monde, au cas où le centre de Boufal traversait toute la défense rennaise. Ce qui était un pari plutôt facile à prendre.

Après, l’attaquant lillois a célébré son but en enfilant un gant blanc sorti de derrière son protège-tibia, un hommage à son proctologue ou à Michael Jackson qui aurait rejoint Daech ont dit certains. Cependant, comme il le révèle dans cette touchante interview – en français s’il vous plaît – il s’agit juste d’une célébration traditionnelle de sa part, sans signification, un geste qu’il faisait déjà de son temps à Braga. Un peu chelou, mais pourquoi pas.

C’est peut-être d’ailleurs ça qui l’a amené jusqu’en équipe du Portugal : ce personal branding finement recherché, ce personnage d’attaquant nul qu’il s’est trouvé, le Jar Jar Binks du football mondial.

Ce n’est en tout cas pas pour ses qualités de footballeur que Frédéric Antonetti l’a ramené au LOSC. A vrai dire, il ne l’avait jamais vu jouer avant de le recruter, il a simplement demandé des tuyaux à Bafé Gomis avec qui Éder jouait à Swansea. Analysons les propos de l’entraîneur lillois dans L’Equipe à la fin du mercato :

« J’ai simplement demandé comment il était, s’il avait une bonne mentalité, et comment il était athlétiquement. C’est un garçon très généreux. Un guerrier à la pointe de l’attaque, un profil que l’on n’avait pas. Il est très fort en réception des centres, très présent dans la surface. Il est intéressant dos au jeu. C’est un combattant. […] Éder est un bon joueur avec des qualités athlétiques très au-dessus de la moyenne. On n’avait pas ce profil. »

Si on omet le qualificatif « athlétique », traditionnellement synonyme de « noir » dans le vocabulaire balourd du football français post-Willy Sagnol, on se rend compte qu’Antonetti n’a pas grand chose à dire sur les qualités d’Éder. Aucun mot sur ses qualités techniques et tant mieux car ç’aurait été embarrassant, tout juste vante-t-il des qualités « dos au but », ce qui est vraiment ce dont le LOSC a besoin en ce moment, des attaquants qui jouent dos au but, ainsi que sa « présence dans la surface », qui est un peu le minimum exigé de la part d’un attaquant de pointe.

Dans tous les cas, le LOSC rajoute un humoriste supplémentaire dans son attaque, aux côtés d’un Baptiste Guillaume et d’un Junior Gadji Tallo qui ont à peu près les mêmes qualités et les mêmes défauts qu’Éder, et un Yassine Benzia en lequel on a cru un moment sans jamais y croire vraiment. A voir si la somme des médiocrités peut produire quelque chose d’intéressant pour le LOSC. Après tout, on parle d’un club qui a enfanté Divock Origi, Matt Moussilou et Dagui Bakari.

C’est pour cela, pour cette addition intéressante au LOSC et à la Ligue 1, pour perpétuer une tradition des n°9 portugais nuls et pour ce subreddit entièrement dédié à sa gloire qu’Éderzito António Macedo Lopes dit Éder est le joueur de Ligue 1 VICE Sports du week-end.