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​Le joueur de Ligue 1 VICE Sports du week-end : Hatem Ben Arfa

La saison 2015-2016 d’Hatem Ben Arfa ressemble à un film de sport hollywoodien, type The Wrestler d’Aronofsky ou le Fighter de David O. Russell : le bad boy repenti qui accède à la maturité après avoir surmonté des obstacles à n’en plus finir et qui gagne forcément à la fin. Un scénario un peu trop pathos, un peu trop arrangeant : on n’y croyait pas forcément.

Mais voilà, un joli triplé face à des concurrents directs pour une place européenne et il faut bien se résoudre à l’évidence : ce scénario est tellement bien ficelé qu’il mérite un Oscar. Et celui-ci pourrait être une place à l’Euro. OK, l’équipe de France a ce qu’il faut sur les ailes (quoique, Martial ces derniers temps…), mais ne pourrait-elle pas profiter d’un septième attaquant et tourner à sept défenseurs ? Ce sera le dilemme de Deschamps en mai.

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Toujours est-il que si le sélectionneur de l’équipe de France en prend 30 pour les matches amicaux pré-Euro, Hatem en sera forcément. Dimanche, il a d’abord transformé un pénalty à la 33e minute, avant d’être à l’aboutissement d’une merveille de contre-attaque niçoise à la 41e. A la 56e, il marque un troisième but qu’il ne doit qu’à lui-même (bon, et aux appels de ses coéquipiers aussi) pour le premier triplé de sa carrière.

Un match comme une confirmation de la “saison de la maturité” de Ben Arfa, un bon gros poncif piqué à Rock & Folk et copié-collé dans les pages de L’Equipe. Il y a peu de joueurs capables de se créer une mythologie pareille.

La carrière d’Hatem Ben Arfa est une sorte de télé-réalité qui suit un storytelling à la TF1. Premier acte : à 12 ans, Hatem est le gamin surclassé dans A la Clairefontaine, la série documentaire de Canal+ qui suit des jeunes pousses du centre de formation national. Le mec qui met la misère à ses potes dans la cour de récré en jouant perso. Déjà trop de talent pour faire comme les autres et un tempérament qui lui fera dire d’ « aller niquer sa mère » à Abou Diaby.
« J’m’énerve vite, j’suis comme ça », dira Hatem face caméra, l’œil qui frise et le duvet bien peigné.

De 17 à 21 ans, à Lyon, c’est dans la même lignée : l’espoir qui confirme à la fois son talent dingue et son caractère explosif. Des bagarres avec Houllier et Aulas, un titre de meilleur espoir de Ligue 1, et finalement un transfert signé au forceps à l’OM. Ben Arfa écrit un peu plus sa petite mythologie perso, s’invente même en lecteur passionné de Nietzsche et Spinoza. Mais personne n’y croit.

Deuxième acte. La période à Marseille est trouble. Entre exploits éclairs et clashs en coulisses, on se fait une opinion définitive sur Ben Arfa : le garçon a beau avoir du talent, il sera toujours limité par son tempérament. Il rentrera bien dans la case de “l’éternel espoir”, laissons-le là avec Jérémy Ménez. Devenu joker de luxe au fil des saisons, il est exfiltré vers Newcastle. Là-bas, après avoir connu des premiers mois compliqués à la suite d’une fracture tibia-péroné, même rengaine : incontrôlable mais talentueux. Il aura beau mettre des buts en remontant 70 mètres de terrain et en mettant dans le vent les patauds défenseurs de Premier League, Hatem a un grain et pas la carrure d’un titulaire régulier. D’autant plus qu’il a aussi tendance à se péter le bide avec les tajines de sa mère pendant les trêves hivernales.

L’an dernier, on croyait assister à la saison de l’enterrement. Ce prêt pas concluant à Hull avorté après une demi-saison, et six autres mois de galère où Ben Arfa ne peut pas rejoindre Nice, pour avoir déjà joué sous deux maillots différents en moins de six mois. On devra attendre pour assister au retour d’Hatem. Il disparaît des écrans radar.

Et puis il y a ce troisième acte, cette saison-ci, la vraie renaissance, surtout grâce au sensei Claude Puel, qui a réussi à rendre zen l’enfant terrible du foot français. Au niveau du jeu, c’est flagrant : il y a toujours les éclairs de génie ponctuels qui viennent changer le cours d’un match, mais Puel lui a aussi appris à servir l’équipe le reste du temps. Et on avouera que c’est tout de même réjouissant de voir un Ben Arfa apaisé, à qui on a donné le leadership sans non plus lui mettre trop de pression. On a même un peu la larme à l’œil de voir l’ancien kéké à duvet d’A la Clairefontaine aller chahuter avec l’überbabtou Vincent Koziello à la fin de ce Nice-Rennes. Un truc un peu impensable il y a six-sept ans.

Mais voilà, on reste quand même en suspend quant au futur d’Hatem : il arrive sur une période qui va être compliquée à gérer. La fin de saison bouclera aussi un exercice dans tous les cas réussi au-delà de toutes les espérances, peu importe que l’OGCN se qualifie ou non pour une compétition européenne (on espère que si, tant cette équipe serait excitante à regarder en Europa League). Il lui restera désormais à faire les bons choix : le mieux serait évidemment de rester à l’OGCN, même si c’est sûrement la carrure modeste de l’équipe qui fait qu’il n’est pas indiscutable en équipe de France actuellement. Finir là serait même le meilleur choix possible. Parfaire son mythe en devenant le joueur d’un seul club et en le faisant changer de catégorie pour aller boxer chez les poids lourds.

Mais voilà, le foot moderne tue généralement dans l’œuf les idées romantiques comme celles-ci et on craint qu’Hatem ne se laisse tenter par un transfert un peu clinquant. Peut-être qu’on se trompe finalement, paraît-il qu’il a gagné en maturité. C’est pour cela, pour avoir su cultiver sa mythologie et pour laisser du suspense sur le dénouement de ce scénario à rebondissements qu’est sa carrière, qu’Hatem Ben Arfa est le joueur VICE Sports du week-end.