On l’a vu courir tout le match le long de la ligne de touche, plus souvent vers l’avant que vers l’arrière, les yeux fixés sur le ballon. Quand il était gosse, Rafael Pereira da Silva était attaquant, et ça a l’air de lui manquer. Contre Monaco, le latéral brésilien a passé la moitié de son temps à courir n’importe comment, comme un enfant bourré, le plus souvent dans la partie de terrain adverse. C’est pas pour rien qu’il est le buteur du 1-1. Il avait l’excuse de la 84e minute pour se trouver là, à deux mètres de la ligne de but et à deux doigts du hors-jeu, à la suite d’un corner qu’il aurait difficilement pu reprendre de la tête vu qu’il fait 1,73m. Mais le voilà qui fait son contrôle, son plat du pied assuré et qu’il la met au fond.
Rafael contre Monaco, c’est le foot de cour de récré, l’époque où tu faisais semblant d’avoir des défenseurs, des milieux et des attaquants dans ton équipe, mais où tout le monde voulait juste aller marquer des buts au gros de CM1 qui gardait les cages adverses. C’était l’époque où, si t’avais pu manger des Milky Way à tous les repas, tu l’aurais fait. Mais tu grandis, et tu te rends compte qu’il faut aussi manger les carottes râpées et la macédoine de la cantine, et que finalement c’est pas si mal, t’as pas constamment envie de dormir toute la journée. Rafael doit encore avoir du mal avec les légumes vu comment il refuse le brocoli de l’organisation tactique : le replacement défensif.
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Du coup, à chaque fois que Rafael partait comme un chien fou vers l’avant, Corentin Tolisso venait bloquer son couloir gauche. Corentin Tolisso, lui, n’a pas le droit à l’insouciance de ses 21 ans. Corentin Tolisso devait sûrement finir les betteraves rouges de ses copains à la cantine, parce que sa maman lui avait dit qu’il ne fallait pas gâcher. Quinze ans plus tard, il est obligé de compenser les chevauchées immatures de ses coéquipiers.
On est un peu mauvaises langues : si Rafael a autant joué dans le camp adverse, c’est aussi à cause de la stratégie offensive mise en place par Hubert Fournier, avec des latéraux très hauts. Mais, là où dans le couloir gauche, Rafael n’était pas très chaud pour suivre les contre-attaques monégasques, dans le couloir droit régnait un tout autre seigneur. L’essuie-glace chauve, le Monsieur propre de la ligne de touche, Christophe Jallet. Lui, refuse d’attaquer tant qu’il n’est pas sûr que son couloir est en sécurité. C’est d’ailleurs pour ça qu’historiquement, les seuls buts de Christophe Jallet sont des centres-tirs.
Autre question footballistico-culinaire : Rafael a-t-il mangé son frère jumeau Fábio ? Toujours est-il que l’arrière droit, à part pour son replacement défensif, a semblé plutôt à l’aise dans le couloir gauche qu’affectionnait jadis son frère. Parce que Rafael a pas mal de qualités quand même : il a une technique loin d’être dégueue et une combativité exemplaire. Encore faut-il que le ballon arrive dans sa zone. Quand il faut courir 60 mètres pour rattraper Bernardo Silva, c’est pas trop ça.
Mais on imagine que, secrètement, Rafael espère que ses qualités offensives soient remarquées par Hubert Fournier pour que celui-ci en fasse le remplaçant naturel de Nabil Fekir. Rafael, inconsciemment, semble vouloir revenir au stade anal de son football, vers cette époque où il marquait des buts comme attaquant dans les favelas surpeuplées de Petropolis (les footballeurs brésiliens grandissent toujours dans les favelas). C’est pour ça que Rafael, à la faveur de son irrésistible envie de jouer vers l’avant et de manger des Milky Way à tous les repas, est notre joueur VICE Sports du weekend.