Yoan Cardinale n’aurait jamais dû jouer cette saison. Troisième gardien de l’OGC Nice, derrière les plutôt rassurants Simon Pouplin et Mouez Hassen, il avait sûrement prévu de passer une troisième année vierge de tout match en pro, attendant patiemment son heure dans les cages de l’équipe réserve. Et puis, concours de circonstances, Pouplin et Hassen se blessent, et voilà le natif de La Ciotat propulsé dans les buts au mois d’octobre.
Sept matches plus tard, le voilà joueur VICE Sports du weekend, qui l’eût cru ? Tout ça grâce à une performance qu’on pourrait qualifier de chiadée vendredi soir face à onze Montpelliérains qui n’avaient pas l’air forcément convaincu de sa capacité à marquer des buts.
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Ils avaient prévu le coup pourtant, les joueurs de la Paillade : ils ont tiré tous les corners bien rentrants, histoire de gêner Cardinale, son mètre quatre-vingt et ses 84 kilos. Qu’à cela ne tienne, le goal niçois a répondu en allant faire des claquettes au-dessus de la tête de Souleymane Camara ou en jaillissant au milieu des Héraultais tel le feu d’un ancien volcan qu’on croyait trop vieux. De quoi bien montrer à Rolland Courbis qu’il ne faut pas se fier aux apparences : ce n’est pas parce qu’on est un petit gros qu’on peut pas repousser des frappes de Vitorino Hilton à bout portant.
Parce que, oui, posons les choses clairement : Yoan Cardinale a un physique qu’on peut qualifier d’atypique si on le compare à l’image du joueur de foot dans l’imaginaire collectif. Il a une gueule à jouer dans une adaptation française de Jersey Shore et est en léger surpoids, comme peut l’être, disons, Hatem Ben Arfa quand il rentre de ses vacances de Noël.
Bon ici, on ne fera pas de vannes genre Cardinale il mange des buckets de Pépito, il passe ses dimanches soirs au Courtepaille ou il a le même diététicien que Mathieu Bodmer. Non, respectons le parcours d’un homme qui expliquait très sereinement au micro de BeIn Sports, après le match, qu’il avait un peu galéré dans ses années de formation pour garder un poids de forme acceptable et qu’il avait fait de gros efforts de ce côté-là. Bon, on ne peut pas dire que ça se voit trop, mais s’il dit que c’était pire avant, on va le croire.
Le joueur de football en surpoids est une catégorie à part : raillés, moqués, pointés du doigt, les Cédric Carrasso, les André-Pierre Gignac ont su affronter les on-dit pour se faire de belles carrières. Deux fois plus d’adversité. De cures d’amaigrissement à Merano en remises en forme à Sainte-Maxime, ils sont revenus à chaque fois plus “affutés”, si l’on voulait singer le vocabulaire approprié du journaliste sportif dès lors qu’un footballeur a perdu les kilos qu’il avait supposément en trop. Rappelons que le joueur de football est un être protéiforme, n’essayons pas de le réduire à un stéréotype.
Cardinale, lui, utilise ce physique original de gardien de but trapu avec une belle explosivité et une attitude de casse-cou, se couchant rapidement sur les frappes à ras de terre, jaillissant dans les pieds des attaquants. C’est peut-être ça qui a fait la différence aux yeux de Claude Puel, qui peut toujours compter sur Mouez Hassen, autre goal du centre de formation, pourtant titulaire pendant le début de saison remarquable de l’OGC Nice. Cardinale et Hassen ont fait leurs classes ensemble au centre de formation niçois, qui doit avoir un truc en plus au niveau des gardiens, vu qu’il a formé aussi bien Hugo Lloris que Lionel Letizi. Ou Jérôme Alonzo et Damien Grégorini.
Un centre de formation qui n’y est d’ailleurs pas pour rien dans le beau jeu proposé par Nice depuis le début de la saison. Entre Koziello, qui montre tous les weekends qu’on peut à la fois avoir le physique d’un délégué de classe de troisième et être le patron d’un milieu de terrain de Ligue 1, et Boscagli, arrière gauche inconnu au bataillon il y a un mois et qui, là, inscrit le seul but de la rencontre vendredi soir, la jeunesse niçoise se porte bien.
Cardinale a de son côté montré que le poste de troisième gardien n’était pas uniquement destiné à un jeune du centre de formation sans avenir, qui aurait pu jouer un ou deux matches sur cinq saisons au club, être titulaire tous les dimanches avec la réserve, et finalement partir dans un club du bas de classement de la Ligue 2 avant de finir sa carrière à 33 ans en reprenant un bar-tabac dans le centre-ville de Dijon, Châteauroux, Evian, Thonon ou Gaillard.
Non, ça peut aussi être le poste d’une belle histoire comme celle-ci ou comme celle vécue par Alban Lafont, là-bas, de l’autre côté, à Toulouse, dans le fond du classement. Cardinale a en plus pour lui une apparence proche du stéréotype de l’Azuréen, de quoi remplacer Alexy Bosetti dans le coeur des ultras de la Brigade Sud. C’est pour cela, pour avoir montré qu’il n’y a pas un physique unique de footballeur, et aussi pour avoir fait déjouer Rolland Courbis, que Yoan Cardinale est le joueur VICE Sports du weekend.