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Le marché noir des orchidées : le crime n’a jamais été aussi classe

Lorsque l’on évoque le commerce illégal d’espèces sauvages, ce sont les défenses d’éléphants et les cornes de rhinocéros qui viennent spontanément à l’esprit. Pourtant, il existe également un marché noir des orchidées sauvages qui, selon une nouvelle étude, se déplace lentement mais sûrement sur les réseaux sociaux.

Certains de ces spécimens de plantes peuvent rapporter des milliers de dollars. Il est déjà arrivé que, lors d’une vente aux enchères en ligne, une orchidée rare soit vendue 150 000$. TRAFFIC, un réseau de surveillance du trafic d’espèces sauvages, constate que des dizaines de milliers de fleurs circulent illégalement autour du globe chaque année.

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« C’est un commerce très souterrain, » explique Amy Hinsley, membre de l’Institut de Biologie de la conservation de l’Université de Kent. « Nous savons pertinemment ce qui se passe, mais contrairement au commerce de l’ivoire, personne ne s’en préoccupe. »

Les photos d’éléphants morts soulèvent le cœur. Elles ont inspiré de nombreuses campagnes de sensibilisation faisant apparaître des célébrités : plus de 35 000 animaux sont massacrés chaque année, selon une étude publiée dans Proceedings of the National Academy of Sciences. À l’inverse, les orchidées sont des êtres vivants parfaitement banals. N’importe qui peut acheter une fleur chez fleuriste au coin de la rue s’il le désire. Alors, où est le problème ? Eh bien, les gens ont une préférence marquée pour les orchidées cueillies dans la nature, surtout si elles sont rares. Ou en voie de disparition.

« Avant Internet, les orchidées étaient vendues exclusivement sur des marchés en plein air, en Indonésie ou en Thaïlande. »

Les spécimens les plus recherchés sont les orchidées qui ne peuvent être produites en masse, comme Paphiopedilum kolopakingii. C’est une espèce rare de Cypripedioideae (comme le Sabot de Vénus) qui pousse naturellement à haute altitude sur les falaises rocheuses surplombant les gorges de Bornéo. Recréer les conditions de son habitat naturel est extrêmement difficile, et on ne peut pas en faire pousser n’importe où à l’envie.

« Il existe de très nombreuses espèces qui sont cueillies avec tant de zèle qu’elles sont près de s’éteindre, » ajoute Hinsley.

Son collègue David Roberts et elle surveillent actuellement un réseau social, qu’ils ne peuvent pas légalement nommer, à partir des mentions de noms d’orchidées. Ils ont découvert que 22 à 46% des posts mentionnaient des espèces collectées directement dans la nature. Leur étude a été publiée cette semaine dans la revue Conservation Biology.

Avant Internet, les orchidées étaient vendues exclusivement sur des marchés en plein air, en Indonésie ou en Thaïlande, ou par l’intermédiaire de vendeurs indépendants que l’on pouvait dénicher grâce au bouche à oreille. À présent, le commerce s’est déplacé sur Ebay et sur les réseaux sociaux. Parmi les vendeurs, on trouve des collectionneurs traditionnels qui vont cueillir des fleurs pendant leur temps libre, et des individus plus aguerris qui vivent exclusivement de la vente d’orchidées aux acheteurs étrangers dont la plupart se situent aux Etats-Unis, en Europe ou en Australie.

Il est illégal de vendre des orchidées à l’étranger sans permis. Puisqu’il est impossible d’en obtenir un pour le commerce de fleurs cueillies dans la nature, en théorie, ce marché est entièrement illégal. Évidemment, les douanes ne font pas de ce problème une priorité. En l’occurrence, même quand elles interceptent un convoi d’orchidées sauvages, elles sont généralement incapables de les différencier de fleurs commerciales.

Hinsley sait que s’attaquer frontalement au marché noir sera impossible. Elle a l’espoir, cependant, de persuader les réseaux sociaux qu’ils peuvent et doivent être plus vigilants dans le domaine du commerce illégal. La sensibilisation du public à ce problème pourrait également accroître les ressources investies dans la lutte contre le commerce d’orchidées sauvages.

Mais en quoi ce problème peut-il intéresser le grand public ? En l’occurrence, les orchidées sauvages sont si sensibles aux facteurs environnementaux qu’ils servent souvent d’indicateurs aux scientifiques pour évaluer l’état d’un milieu naturel.

« Les plantes ont une grande valeur écologique, culturelle et économique, » ajoute Hinsley. « Même si elles ne sont pas mignonnes et toutes douces, il ne faut pas oublier les menaces qui pèsent sur elles. »