Le mariage d’un couple musulman suspendu par la mairie de Nice

Le Procureur de la République, saisi par la mairie de Nice s’est prononcé pour la suspension ce lundi du mariage d’une jeune femme de 21 ans. Dans une lettre qui nous a été adressée par la mairie, le député-maire de cette ville du Sud de la France, Christian Estrosi (UMP) a expliqué à propos de celle qui devait se marier qu’elle « était engagée dans un phénomène de radicalisation amplifiée ces derniers mois », radicalisation qui justifie pour l’édile la suspension du mariage.

Les époux, prévenus en fin de semaine dernière que leur mariage serait suspendu ont tout de même tenté de rentrer dans la mairie ce lundi à 15 h 30, rapporte Christian Estrosi qui indique que la jeune femme portait « une tenue proche du niqab », provoquant d’après le maire les forces de l’ordre de manière « ostensible ». Une douzaine de voitures ont bloqué la circulation aux alentours de la mairie.

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Le maire explique qu’ayant eu un « doute légitime sur la sincérité de l’union à célébrer », il a saisi la justice en vertu de l’article 175-2 du Code civil qui établit que « Lorsqu’il existe des indices sérieux laissant présumer […], que le mariage envisagé est susceptible d’être annulé au titre de l’article 146 ou de l’article 180, l’officier de l’état civil peut saisir sans délai le procureur de la République. Il en informe les intéressés. » Pour le maire de Nice la radicalisation supposée de la mariée justifie des doutes sur la sincérité du mariage, sans développer le lien entre ces deux points. Entre les lignes de la lettre que nous avons reçue, on comprend que la mairie pense que la radicalisation de la femme pourrait être contrainte et forcée, et qu’il pourrait en être de même pour sa décision de se marier.

Contactée par VICE News sur ce point, la mairie de Nice n’a pas souhaité développer.

L’article 175-2 est invoqué quand il n’y a un défaut de consentement, explique à VICE News Me Marie-Pierre Lazard-Pourcines, avocate au barreau de Nice, spécialiste du droit de la famille. « La plupart du temps, cet article concerne les mineurs, » explique Me Lazard-Pourcines. Elle explique qu’à sa connaissance, il n’y a pas de décision antérieure dans laquelle cet article a été invoqué dans le cadre de la radicalisation de l’un des époux.

L’avocate n’est pas étonnée que cette première ait lieu à Nice : « Ça s’inscrit dans le contexte politique actuel de Nice, où on est très concernés [par la radicalisation], analyse-t-elle. « Le maire de la ville manifeste une forte opposition à ce phénomène, » explique Me Lazard-Pourcines.

Le maire de Nice a ces dernières années régulièrement pris position pour des mesures et déclarations fortes en termes de sécurité publique. Initiatives souvent critiquées par diverses associations comme visant en premier lieu la communauté musulmane ou les personnes d’origine d’Afrique du Nord, comme en 2012 avec des mesures contre des mariages trop bruyants, ou pendant la dernière coupe du monde avec des arrêtés interdisant le déploiement de drapeaux étrangers dans le centre-ville après les matchs.

C’est à Nice, dans le contexte post-attentats de janvier en France, qu’un petit garçon de huit ans avait été entendu par la police pour « apologie du terrorisme ». Dans sa lettre datée de ce mardi, le maire de Nice rappelle que la cellule d’écoute et d’action contre les dérives fondamentalistes qui a été mise en place à l’automne dans la ville a déjà enregistré 200 appels et 30 signalements.

C’est cette structure qui a averti Christian Estrosi d’un phénomène de radicalisation de la jeune femme qui souhaite se marier. Phénomène qui se serait amplifié ces derniers mois. Le futur mari, âgé de 28 ans, aurait été condamné le 21 janvier par le tribunal correctionnel de Nice avec deux autres hommes pour avoir agressé un boulanger d’origine tunisienne d’être un mauvais musulman parce qu’il vendait du porc et des pâtisseries alcoolisées dans son magasin.

Le maire écrit dans sa lettre à ce propos : « Quand on sait par ailleurs que le futur époux a été condamné, il y a moins de deux mois, pour violence en groupe contre un boulanger qui avait commis pour seul méfait de vendre des sandwichs au jambon et des babas au rhum, je considère que je suis légitime à saisir le procureur. »

Le Procureur de la République a fait prononcer ce lundi matin un sursis à la célébration du mariage, et une enquête va être menée. Enquête à la suite de laquelle le procureur autorisera ou refusera ce mariage, si les doutes en matière de consentement sont avérés. L’avocat du fiancé n’a pas souhaité communiquer sur cette affaire pour l’instant, avant de s’entretenir avec ses clients, rapporte l’AFP.

Suivez Mélodie Bouchaud sur Twitter : @meloboucho

Image via Wikimedia Commons / Jave boodnah