Qu’adviendrait-il si le PQ mourait? Peut-être pouvons-nous poser la question autrement: « Et si le PQ était déjà mort depuis un moment? » Il y a quelques semaines était publié le rapport « Oser repenser le PQ : retrouver l’esprit d’aventure, faire renaître l’espoir ». Signé Paul Saint-Pierre Plamondon, conseiller spécial de l’équipe de Jean-François Lisée, celui-ci confirmait ce que plusieurs appelleront un secret de polichinelle : avec 68 % de ses membres âgés de plus de 55 ans, le PQ serait « figé, conservateur et vieillissant ».
Si les politiques nationalistes ont la cote en ce moment, les plus à droite sont celles qui défraient généralement les manchettes à travers le monde : le Brexit, l’élection de Donald Trump, la quasi-élection du FPÖ en Autriche, l’ascendance de Marine Le Pen, et j’en passe.
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Pendant ce temps, le nationalisme québécois semble quant à lui avancer à tâtons dans la nuit. VICE s’est intéressé au point de vue du philosophe et polémiste Christian Saint-Germain, auteur des brûlots : Le mal du Québec et L’avenir du bluff québécois.
Pour Saint-Germain, le PQ est mort, en ce sens qu’il ne peut donner vie à quoi que ce soit d’autre qu’à des atermoiements et des chefs démissionnaires. « C’est horriblement déprimant, dit-il. Il n’y a aucun projet utopique, aucune lutte pour la justice sociale. On va sauver ce qu’on a, juste parce qu’on se dit dépositaires de la question nationale. »
Il faudrait, selon lui, faire table rase du modèle québécois tel qu’il a été conçu durant les années 1960 et donner naissance à autre chose qu’à des fonctionnaires spécialistes de la « prise en charge ». Il nuance néanmoins : « Je ne parle pas de détruire le modèle québécois comme les libéraux le font, ou bien comme ceux qui essaient de le désinvestir avec leur réaménagement prévaricateur. » Loin d’être convaincu que l’argumentaire économique va persuader qui que ce soit, Saint-Germain croit qu’il faut avant tout réunir des individus qui pourront fédérer la population autour d’un imaginaire propre à notre époque.
Le détachement affiché par les plus jeunes générations face à l’indépendance du Québec – du moins, face à celle que lui inspire le PQ – est difficile à passer sous silence. Et ce, malgré l’enthousiasme qu’a pu susciter chez certains l’annonce de la candidature de Gabriel Nadeau-Dubois pour Québec solidaire.
Questionné sur l’idée que les jeunes seraient rendus ailleurs, Saint-Germain apparaît peu convaincu. « On essaie tout le temps de nous faire comprendre que la question nationale est une vieille question maintenue en vie par des barbus. » L’auteur confie être incapable d’imaginer qu’on ne réalise pas la richesse exceptionnelle que représente la possibilité de comprendre à la fois l’Amérique du Nord et l’Europe, en tant que francophones.
La crispation identitaire
Selon le Code Québec, un bestseller de Jean-Marc Léger, Jacques Nantel et Pierre Duhamel, paru à l’automne 2016, les habitants de la Belle Province seraient statistiquement les plus tolérants au Canada face à la plupart des sujets – homosexualité, avortement, peine de mort. Néanmoins, cette tolérance achopperait par rapport à l’immigration (des sondages récents laissent cependant entendre que cette méfiance est bien plus partagée par les Canadiens que les auteurs du Code Québec ne le postulent).
Si une crispation identitaire accompagne au Québec une vague de conservatisme populiste depuis le début des années 2000, on ne peut nier le paradoxal déclin de la ferveur indépendantiste.
Face à cette idée, Christian Saint-Germain suggère que la crispation conservatrice ne correspond peut-être qu’au début de la période des prises de retraite dans le secteur public québécois. « C’est ce réflexe de se dire ”On va-tu en profiter, nous aussi, de l’État providence?” ». L’auteur précise que pratiquement rien dans le Québec contemporain ne permet de développer une réelle pensée conservatrice qui tient la route.
Toujours au dire du Code Québec, la capacité des Québécois à aimer passionnément et à accorder massivement leur faveur à une émission, à un produit ou à un leader politique serait la raison pour laquelle ceux-ci ont « tant de héros, comme Maurice Richard, Jean Béliveau, Céline Dion, et un star-système que [leur] envie le reste du Canada ».
À la lecture de ce passage, Saint-Germain souligne que ces trois noms sont ceux de héros non verbaux qui ne briseront jamais le consensus québécois. « Ce sont des mutiques. On ne sait pas vraiment ce qu’ils pensent… ou bien même s’ils pensent. » Reconnaissant que le personnage du Rocket est tout de même fascinant, le philosophe insiste cependant pour dire que ce dernier ne s’est pratiquement jamais prononcé sur quoi que soit de sa vie. Encore moins pour appuyer l’indépendance du Québec.
Quelle serait donc la figure structurante des Québécois? « C’est bien embêtant, ça, car c’est une saprée carence de la fonction paternelle qu’on voit ici. », répond le professeur qui enseigne au département de philosophie de l’UQAM.
Considéré sous cet angle, Donald Trump serait-il un exemple d’une telle figure? Bien qu’il n’ait aucune sympathie pour ce que représente le président des États-Unis, Saint-Germain insiste sur la singularité de ce personnage qui incarne la quintessence de la figure du chef archaïque. « Son élection avait cela de surnaturel qu’il se croyait réellement choisi par l’Histoire. »
Une reprise ordurière du concept « l’État c’est moi », certes, mais aussi une extraordinaire transaction inconsciente avec une certaine frange du peuple américain. En d’autres mots, exactement le type de désaxé nécessaire à l’exaltation du sentiment de sécurité de ses disciples.
Bien au fait que Trump n’a pratiquement travaillé qu’avec des affects négatifs, Saint-Germain croit néanmoins qu’il est difficile de faire l’économie de la négation lors d’une tentative de saisie d’une masse. Surtout dans un contexte nationaliste. « Lors de l’investiture au PQ, on voyait des candidats de très petit calibre, comme Alexandre Cloutier, qui disaient vouloir additionner du monde. Tu ne peux pas travailler sur une masse en ne faisant qu’additionner du monde », martèle-t-il.