Le régime syrien aurait pendu secrètement jusqu’à 13 000 détenus

Selon un nouveau rapport, jusqu’à 13 000 personnes ont été exécutées dans une seule prison militaire syrienne depuis le début de la guerre civile. Ces tueries auraient été perpétrées avec l’accord total des autorités de l’État syrien.

Ce rapport d’Amnesty International détaille l’horreur qui a régné dans la prison militaire de Saydnaya, localisée à 30 kilomètres au nord de Damas. Selon l’ONG, les prisonniers étaient pendus de manière secrète au milieu de la nuit, avant que leurs corps soient jetés dans des fosses communes aux alentours de la capitale syrienne.

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Amnesty estime qu’entre 5 000 et 13 000 personnes auraient été pendues entre septembre 2011 et décembre 2015, s’ajoutant aux milliers d’autres qui ont été tuées après avoir été torturées et « privées systématiquement de nourriture, d’eau, de médicaments et de soins médicaux. » L’ONG avance que cette politique peut être considérée comme une extermination de masse, comme le définit le statut de Rome de la Cour pénale internationale (CPI).

Une personne détenue à Saydnaya a décrit la torture qu’il a subie. « Le passage à tabac a été tellement intense. C’était comme si tu avais un clou, et que tu essayais encore et encore de le planter dans un caillou. C’était impossible, mais ils n’arrêtaient pas. Je voulais juste qu’ils me coupent les jambes, au lieu de continuer à les tabasser. »

Selon des témoins qui étaient sur place, les prisonniers de Saydnaya sont maintenus principalement dans deux complexes : le bâtiment rouge destiné aux civils opposés au gouvernement, et le bâtiment blanc, destiné aux membres de l’armée syrienne qui ont été arrêtés.

Selon ces témoins, les prisonniers sont d’abord condamnés par des tribunaux militaires arbitraires — dont les procès durent d’une à trois minutes seulement. Ils sont alors emmenés de leurs cellules du bâtiment rouge au sous-sol, où ils sont passés à tabac pendant plusieurs heures. Puis ils sont finalement emmenés au bâtiment blanc, où ont lieu les exécutions — généralement entre minuit et 3 heures du matin.

« La fête »

Surnommées « la fête » par les autorités de la prison, les exécutions de masse auraient lieu une ou deux fois par semaine. Entre vingt et cinquante prisonniers étaient alors pendus en même temps. Les autorités banderaient les yeux des victimes et ne leur raconteraient leur sort que quelques minutes avant que la corde serre leur cou.

Les corps étaient alors emmenés à l’hôpital militaire de Tishreen, où les morts ont été enregistrées et des certificats de décès ont été produits. Ceux-ci indiquaient souvent un arrêt cardiaque ou respiratoire comme cause de décès.

Amnesty International ne sait pas si les mises à mort ont continué depuis décembre 2015. Toutefois, l’ONG rajoute que des détenus sont encore transférés vers Saydnaya et que les mêmes « procès » de la justice militaire sont encore d’actualité. « Il n’y a aucune raison de croire que les exécutions ont cessé », avance l’ONG.

Ce rapport est le résultat d’une recherche de 12 mois culminant en décembre 2016. Amnesty International a parlé à un grand nombre de sources qui connaissaient directement ce qui se passait à Saydnaya, dont 31 détenus, quatre officiers de la prison ou matons, trois ex-juges syriens et 22 membres de la famille de personnes qui y étaient ou qui y sont toujours.

Ces tueries ont été approuvées par les plus hauts responsables du gouvernement syrien, selon l’ONG de défense des droits de l’Homme. Le rapport indique que les sentences de mort sont approuvées par le grand Mufti — soit le religieux le plus important de Syrie —, puis par le ministre de la Défense ou par le Chef de l’armée, qui sont tous les deux autorisés à agir au nom du président Bachar Al-Assad.

Ces révélations ne sont qu’un nouveau point sur la longue liste d’accusations d’abus du gouvernement syrien. Cette longue liste compte d’autres soupçons :

  • Les soupçons de torture remontent à des décennies. En 1987, Amnesty International a recueilli des preuves sur l’usage systématique par le gouvernement de 35 techniques de torture dans ses prisons. Le pays était alors dirigé par Hafez Al-Assad, le père de Bashar Al-Assad.
  • Depuis le début de la guerre civile syrienne, le gouvernement d’Al-Assad a été impliqué dans plusieurs incidents de violation des droits de l’Homme. Selon l’ONU, au moins 9 massacres en masse ont été perpétrés entre 2012 et juillet 2013. Le gouvernement syrien a été identifié comme l’auteur dans huit cas.
  • Dans un rapport publié en novembre 2013, 6 000 femmes accusent des forces loyalistes de les avoir violées, cela dans le cadre de raids contre des territoires contrôlés par les rebelles. De nombreuses victimes avancent que les forces de sécurité ont participé aux attaques.
  • En 2015, un rapport a été publié sur la base d’images d’un photographe connu seulement sous le pseudo de « César ». Il a documenté la mise à mort de milliers de détenus sous détention par le gouvernement. Les images montrent « la mise à mort systématique de plus de 11 000 détenus du gouvernement syrien sur une période de deux ans et demi — allant de mars 2011 à août 2013. »
  • En août dernier, Amnesty International a avancé que depuis le début de la guerre civile environ 17 723 personnes sont décédées pendant leur détention suite à la torture, l’inanition, et manque de soins médicaux.

Ces derniers mois, Bashar Al-Assad a été accusé de perpétrer des crimes de guerre pendant le bombardement des zones rebelles à l’est d’Alep. En octobre,celui qui était alors secrétaire d’État américain, John Kerry, avait plaidé pour une enquête sur les actions de Damas et son grand allié, la Russie. « La Russie et le régime [syrien] doivent au monde plus qu’une explication. Ils doivent expliquer pourquoi ils continuent à attaquer des hôpitaux, des établissements médicaux, des enfants et des femmes », a dit Kerry. « Ce sont des actes qui imposent la tenue d’une enquête fouillée. »

Amnesty International a indiqué avoir essayé d’entrer en contact avec le gouvernement syrien en janvier, pour que celui-ci réponde à ces nouvelles accusations. L’ONG n’a pas encore reçu de réponse.


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