L’histoire de Maxime Molokoedov vaut bien un scénario de film. C’est un drame avec un happy end où le personnage principal, un trafiquant de drogue, est condamné, se fait des amis en prison, lesquels amis découvrent son talent et le font signer dans une équipe de football, puis le libèrent. On pourrait aussi résumer son étrange séjour au Chili par le dicton « aussi vite arrivé, aussi vite reparti ».
Molokoedov est né dans la ville russe de Saint-Pétersbourg, le 24 décembre 1987, et il a très jeune commencé à travailler pour réaliser son rêve : celui de devenir joueur de foot professionnel.
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Pendant son adolescence, il est parvenu à jouer en deuxième et troisième divisions professionnelles russes. Il a commencé sous les couleurs du Dynamo de Saint-Pétersbourg avant de passer par les catégories inférieures du club voisin, le FC Zenith. En 2009, Maxim a joué plusieurs matches avec le FC Pskov-747 en deuxième division russe.
Un an plus tard, la carrière de Molokoedov a connu un coup d’arrêt drastique : Maxim a été arrêté lors d’une escale à l’aéroport de Santiago du Chili. La police chilienne l’a surpris avec une cargaison dont le contenu était pour le moins discutable : pas moins de six kilos de cocaïne provenant d’Équateur, cachées dans des livres d’enfants, qu’il comptait faire passer en Espagne.
Les deux heures que le Russe comptait passer au Chili en attendant son vol se sont alors transformées en trois ans et un jour de prison.
En prison, Molokoedov – qui avait peu de choses en commun avec les autres détenus, à commencer par ses 1,80 mètres et ses cheveux blonds, a appris à parler espagnol et s’est fait une réputation comme milieu de terrain lors des matches que disputaient pour tuer le temps les plus de 3000 prisonniers.
Au bout de deux ans, l’ancien joueur chilien Frank Lobos – qui a excellé en ligue chilienne avec le Colo Colo et qui a joué au Brésil, en Espagne et au Japon – a découvert le talent de Maxim tout à fait par hasard. Lobos, qui travaillait pour un programme de réhabilitation et qui était l’entraîneur de la sélection de la prison de Santiago, a recommandé le Russe à la direction du CD Santiago Morning en ligue chilienne.
Molokoedov a donc été le premier bénéficiaire d’un programme de réadaptation de la Gendarmeria de Chile (corps chilien des gardiens de prison). Son bon niveau de foot, couplé à son expérience en deuxième division russe, ont facilité son adaptation aux entraînements avec le groupe du Chago Morning, bien qu’il n’eût seulement la permission de s’absenter de la prison du lundi au vendredi entre 7h30 et 15 heures. Et, bien que cela lui aurait permis de retourner dans son pays d’origine pour finir de purger sa peine, Molokoedov a choisi de rester pour se réinsérer à travers le sport.
J’aime jouer au foot, comme tous les gars ont foi en moi, j’ai préféré rester et jouer parce que je sais que je vais réussir
En juillet 2012, le joueur a intégré l’équipe première du Santiago Morning : Molokoedov est ainsi devenu le premier footballeur russe à jouer dans l’élite du football chilien.
Pendant un temps, alors qu’il continuait de purger sa peine, Molokoedov s’entraînait la journée avec l’équipe mais retournait dormir en prison tous les soirs.
J’ai reçu beaucoup d’affection de la part des gens de la prison. Il y avait des choses difficiles mais je m’y suis habitué. Je vivais sereinement car je me suis rapproché des gens sympas : ils m’ont protégé et j’avais le respect de tout le monde.
En juillet 2012, Molokoedov a joué son premier match avec son nouveau club, un match amical contre Palestino, club chilien, au cours duquel il a marqué deux buts. Peu de jours après, il a disputé sa deuxième rencontre, contre l’Université du Chili en Coupe : Maxim a brillé par ses passes…et notamment par une passe décisive.
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Molokoedov a été le symbole du programme de réhabilitation par le sport de la prison de Santiago. D’ailleurs, le jour de sa libération – cinq mois avant la fin de sa peine – une cérémonie a eu lieu au cours de laquelle le ministre de la Justice de l’époque lui a proposé une rémission de peine. Pour l’obtenir, Molokoedov devait quitter le Chili pendant au moins dix ans, mais le garçon a refusé la proposition et a décidé de rester pour profiter de l’opportunité qui lui était donnée d’être footballeur dans le pays sud-américain.
Après avoir joué un temps avec le Morning, le Russe a demandé des vacances pour aller rendre visite à sa famille : le gouvernement lui a donné une permission de quarante jours pour aller en Russie et revenir au Chili. Mais, alors que la camionnette de l’équipe l’attendait à l’aéroport après les quarante jours de vacances, Molokoedov n’est jamais arrivé.
Après plusieurs heures d’attentes et après s’être informé plusieurs fois sur les passagers du vol, il s’est su que Molokoedov n’avait jamais embarqué sur le vol qui devait le ramener au Chili.
Le football m’a sauvé la vie.
Depuis, on sait peut de choses sur le footballeur, mais au cours de l’unique interview qu’il a donnée depuis son retour en Russie, il se rappelle de ses collègues chiliens :
« Je veux passer le bonjour à tous les gars que j’ai connus en prison, à tous ceux de l’équipe du Santiago Morning et à tous mes amis chiliens. J’ai beaucoup réfléchi, parce que je savais qu’abandonner le Chago signifiait faire une croix sur ma carrière de footballeur professionnel. Mais je suis d’ici, alors que peut-on y faire ? Bon, je comprends qu’ils puissent me critiquer, mais là il s’agit de ma vie », explique l’ex-footballeur russe.
« Quand j’étais en prison, je rêvais de tout ça : je pensais à ma mère, à mon frère et ma fille, à Saint-Pétersbourg, à la Russie et à mes origines, continue Molokoedov. Je ne peux pas y retourner, la vie est faite ainsi, je n’y retournerai pas parce que je vais me marier l’année prochaine avec l’amour de ma vie, avec la fille qui m’a attendu pendant que j’étais en prison ».