En observant la photo ci-dessus, vous vous dites probablement : « dans un monde où l’on peut monter de vrais canassons doux et sympas appelés Ulysse, Tornade ou Caramel, quelle sorte de pervers a besoin d’un simulateur de cheval dans son salon ? »
C’est une excellente question, à laquelle on peut apporter une réponse extrêmement simple : le simulateur de cheval permet de s’entrainer à monter à cheval. Autant vous dire que vous avez fait un excellent choix en entamant la lecture de cet article.
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Le Persival, car c’est son nom, est un robot-cheval étonnant issu d’un programme d’étude étonnant des années 90, le Programme de Recherche de Simulation du Cheval, qui avait à l’époque tout l’intérêt d’une institution extrêmement prestigieuse dans le milieu équestre : le Cadre Noir de Saumur. Ce corps de cavaliers d’élite a d’ailleurs acquis le simulateur, qui, même s’il traine à présent dans un recoin poussiéreux de l’institution, fait secrètement la fierté des écuyers.
L’idée du simulateur vient d’un ancien pilote de chasse, Jean-Louis Jouffroy. Elle a d’abord été accueilli avec un certain scepticisme, mais Jean-Louis l’a défendue bec et ongles en s’entourant de grands noms de l’aviation civile et du constructeur Thomson-CSF (qui deviendra Thales, le géant de l’aérospatiale et de la défense), alors connu pour ses simulateurs de vol de pointe.
Il est logique qu’une entreprise spécialisée dans les simulateurs de vol contribue à produire un simulateur de cheval, dans la mesure où les simulateurs de vol peuvent être considérés comme l’une des premières formes convaincantes de réalité virtuelle. Datant de plus d’un siècle, les premiers simulateurs étaient simplement des dispositifs d’entraînement physique permettant de répliquer de manière mécanique les sensations éprouvées dans un cockpit d’avion en vol. Mais dans les années 70, ces dispositifs ont progressé de manière significative avec l’introduction de l’infographie. Dans un premier temps, les graphiques de simulation étaient rudimentaires et assez peu convaincants – mais cet état de fait n’a que peu duré.
Microsoft a même conçu un simulateur de vol pour les premières versions du PC IBM. Bien que son produit ressemblât à une plaisanterie à côté des simulateurs 3D très avancés utilisés par les pilotes professionnels, il avait recours à un éventail d’outils physiques et virtuels assortis d’une expérience singulière qui a, à l’époque, a beaucoup marqué le public. (Comme on peut s’en douter, la NASA avait elle aussi entrepris de s’associer aux recherches sur les simulateurs de vol.)
Dans les années 80 et 90, Thomson-CSF dominait largement le marché de la simulation, et s’était attirée un cinquième des parts de marché en 1993, après avoir racheté la compagnie Hughes. L’objectif de ces simulateurs, généralement produits au Royaume-Uni, était de former des pilotes militaires et civils dans un environnement de haute précision. Ces systèmes ont été les premiers à se doter de graphismes 3D de haute qualité.
La simulation de cheval, aussi absurde qu’elle puisse paraître au premier abord, a été très utile au Cadre noir, à la Fédération française d’équitation et même à certains chercheurs en biologie appliquée : elle leur a permis de mieux comprendre les interactions entre l’homme et sa monture, et de les formaliser. Dans un article de 1999 dans le journal Evolution, Patrick Galloux, alors à la tête du département de recherche du Cadre Noir, explique que le simulateur a été très utile à la formation des écuyers, qui avaient pourtant des montures en chair et en os à disposition.
« Les mentalités évoluent, et il existe une demande croissante pour les simulateurs, » explique Galloux. « Ils sont complémentaires à la formation équestre sur de vrais chevaux. Au début, les gens les trouvaient étranges et sans doute un peu effrayants, mais ils s’y sont habitués. On peut par exemple les utiliser au sein d’en centre équestre, afin d’aider les enfants à prendre confiance en eux et à oser mener leur monture à des allures qui peuvent leur paraître impressionnantes, comme le galop. »