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Le top snob de l’Internet 2020

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Une année de plus, une année de moins. Faute de pouvoir sortir consommer des substances toxiques, voire faire du sport, nous avons tous passé une bonne partie de l’Annus horribilis 2020 sur Internet. Notre dévotion ne l’a pas aidé à devenir meilleur pour autant, loin de là, mais il a tout de même trouvé la force d’engendrer deux-trois trucs intéressants. Voici notre top follement subjectif. Bon courage.

Le retour des vieux machins

Videos by VICE

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Bizarrement, 2020 aura vu ressurgir de nombreux mèmes d’une vieillerie sans nom. Le fameux Ievan Polkka des choristes finlandais de Loituma, par exemple, est en train de connaître une seconde jeunesse grâce au vibing cat et au musicien Bilal Göregen. Mais en 2006, ce morceau infernal faisait déjà le bonheur des nerds dans une animation Flash. Beaucoup de choses lui sont arrivées au fil de ces quatorze années, notamment une interprétation par Hatsune Miku, mais ce retour était inattendu.

Autres reliques sur le retour : le trollface et le format I Wish I Was At Home. Ces machins ont respectivement douze et onze ans. À leur naissance, ils ne faisaient rigoler que les creeps de 4chan, notamment parce qu’ils font références à des comportements emmerdants ou antisociaux. Twitter et Reddit, deux des plus grandes plateformes pour normies du cosmos, sont désormais en train de leur donner une seconde jeunesse. Même la discipline qui consiste à mesurer la taille d’un individu à partir d’une simple photographie, jadis une technique emblématique du « weaponized autism » tel qu’on le pratiquait dans les pires recoins du réseau, a pris un nouvel envol sur TikTok.

J’ai une théorie désagréable pour expliquer ce retour aux sources : la partie mainstream d’Internet est tellement incapable de produire des mèmes vigoureux – pour tout un tas de raisons essentiellement liées aux mécanismes de certains réseaux sociaux – qu’elle va chercher ses nouveaux grigris toujours plus loin dans la fange originelle.

Ce retour en arrière semble avoir commencé en 2016, quand les (excellentes) vannes du web pas beau ont enfin été révélées au monde par l’intermédiaire du scandale Pepe. Comme après un séisme qui aurait exhumé des restes archéologiques, les comptes validés ont entrevu des richesses qu’ils ne soupçonnaient pas et lancé les fouilles en commençant par les couches supérieures. Wojak, qui est né en 2010, a été excavé en premier. Aujourd’hui, c’est au tour des vieilleries sus-citées de devenir cool. On devrait bientôt voir revenir Dancing Baby.

Out of context DAVA

Sacha Béhar et Augustin Shackelpopoulos sont sans doute les êtres vivants les plus drôles que la France a jamais porté. Enfin, quelqu’un fait quelque chose de vraiment marrant sur le web français. Malheureusement, leurs multiples chefs-d’œuvres effraient souvent les profanes par leur longueur. Ce n’est plus un problème grâce au compte Twitter out of context DAVA. Je ne suis pas sûr que cela les propulsera jusqu’au mainstream mais plus nombreux sont les fans de Divertissement Ad Vitam Æternam, mieux je me porte.

Time for your dick flattening

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Peut-être le mème le plus adapté à cette année difficile. En 2020, nous avons reçu beaucoup d’ordres ennuyeux mais nous les avons suivis : porter un masque, rester chez soi, ne pas boire, faire enterrer ses morts sans les voir une dernière fois. Dick flattening est le reflet de cette soumission fatiguée, de cette résignation du plus petit, et c’est la raison pour laquelle je le mets dans ce top. Autrement, ce n’est pas un mème super marrant.

Average Fan vs. Average Enjoyer

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Vous allez me dire : « Encore un format qui oppose un mec cool et un mec naze, la flemme. » Et vous avez raison. Ces dernières années, Internet semble se passionner pour les formats qui font s’affronter un « bon truc » et un « mauvais truc ». Nous connaissons déjà Virgin vs. Chad et sa foultitude de cousins, notamment Swole Doge vs. Cheems. Ces formats se déploient dans un univers numérique apparemment obsédé par la chasse aux numales et autres soyboys amateurs de produits Nintendo, ce versant cringe de l’humanité auquel sont supposés s’opposer les hommes, les vrais, ceux dont la mâchoire ciselée fend l’air tandis que leurs yeux de chasseur scrutent l’horizon. Autrement dit, l’opposition alpha et beta théorisée par les sites de séduction des années 2000 perdure avec une santé insolente.

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Average Fan vs. Average Enjoyer est différent. Par ses protagonistes caricaturaux, soyoby béant dans le coin gauche et jet-setter facetuné dans le coin droit, il brocarde cette opposition ridicule tout en dénotant un certain écœurement pour elle dans les cercles créatifs du réseau. Average Fan vs. Average Enjoyer atteint aussi une certaine forme d’épure dans son domaine : contrairement à ses ancêtres qui demandent parfois de rédiger de véritables argumentaires, voire de dessiner, il est ré-interprétable en trois mots maximum. Les esthètes apprécient cette élégance wabi-sabi. Je me sens juste un peu mal pour le mec qui a été choisi pour incarner la partie naze de la formule. Internet est fait ainsi.

Clever Thoughts

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Par bonheur, les êtres humains ne verbalisent pas toutes leurs pensées. Par malheur, ils verbalisent souvent assez mal celles qu’ils jugent bonnes pour le grand air. Le mème Clever Thoughts parle de ce problème avec élégance et dépouillement. On le remercie pour ça. Pas facile de flipper si fort dans certaines situations sociales que l’on se met à dire n’importe quoi.

TikTok

Évidemment. Je ne vais pas en faire une tartine parce que vous connaissez et que je dirais sans doute des bêtises par la faute de mon âge avancé. Cette application est une bénédiction parce qu’elle terrifie les Américains, ce qui est forcément bon signe, mais aussi et surtout parce qu’elle stimule la créativité des internautes. Au-delà des défis pourris pour adolescentes en leggins, TikTok grouille de traits de génie qui ne vont pas sans rappeler le défunt Vine. Je sais, cette comparaison est naze, mais Vine me manque trop et il est indéniable que TikTok est son descendant spirituel.

Les jeux vidéo : Among Us et Warzone

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Dans le jeu indépendant Among Us, des imposteurs infiltrés dans un équipage spatial doivent trucider leur compagnons tandis que ceux-ci tentent de les percer à jour. Dans le blockbuster pan-pan boum-boum Call of Duty : Warzone, 150 joueurs se battent sur une carte immense. Tous les coups sont permis, même camper au fusil à pompe automatique dans un grenier comme une petite merde, et le dernier combattant debout remporte la partie.

En dépit de leurs différences de genre et d’amplitude, Among Us et Warzone se ressemblent par leur difficulté, leur immersivité et le plaisir qu’ils suscitent chez les joueurs, mais surtout chez les spectateurs. Par leur grâce, Internet a été inondé de contenu marrant et impressionnant cette année. Soulja Boy qui se grille en tant qu’imposteur parce qu’il a oublié de couper son micro, Jordy2D qui hurle dans son costume de Sonic en décrochant une première place, ce mec qui tape un petit game alors que sa copine est sur le point d’accoucher…

Dans quelques années, quand ces jeux auront été enterrés, ces vidéos et ces macros les rappelleront peut-être à notre bon souvenir. Qu’aurions-nous fait de notre confinement sans Among Us et Warzone ? Lu des livres ?

YandereDev Speedruns

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Hilarant. Un délice de fin connaisseur. Cela fait six ans que le malheureux Alexander « YandereDev » Mahan travaille au développement de Yandere Simulator, un jeu dans lequel on incarne une écolière japonaise prête à tout pour dérober le cœur du camarade dont elle s’est entichée, y compris tuer ses rivales. Malheureusement, YandereDev avance lentement et il est devenu une « lolcow » – autrement dit, la cible de moqueries innombrables. Rendu susceptible par cette tempête, le développeur bannit automatiquement quiconque ose faire la moindre blague sur son serveur Discord. Ce comportement a donné naissance à une nouvelle discipline quasi-sportive, le YandereDev Speedrun, qui consiste à se faire bannir le plus vite possible du Discord en question.

Inhuman anime girl sounds

Au Japon, les acteurs qui travaillent essentiellement dans le doublage sont connus sous le nom de seiyuu. Les seiyuu ont leurs propres écoles et certains deviennent de véritables stars grâce à leurs performances vocales. Le compte Twitter inhumane anime girl sounds rend hommage à ces cris et autres trémolos bizarres depuis le mois de janvier dernier. Si vous les trouvez affreusement irritants, vous êtes normal, bravo.

À l’année prochaine.