L’Organisation des Nations unies pour l’éducation, la science et la culture (UNESCO) a publié ce mardi un rapport d’enquête qui rejette une découverte de l’explorateur américain Barry Clifford qu’il a présenté en mai dernier. L’explorateur — souvent présenté comme « le Sherlock Holmes des fonds marins » — avait annoncé avoir localisé l’épave de l’Adventure Galley, le navire du célèbre pirate « Capitaine Kidd », mort il y a 300 ans. Un trésor qu’il recherchait, suivi par les caméras de la chaîne de télévision américaine History.
Barry Clifford avait alors remonté un lingot de 50 kg de la baie de l’île Sainte-Marie, au Nord-Est de Madagascar. Il l’avait remis au président malgache Hery Rajaonarimampianina en le lui présentant comme un « lingot d’argent espagnol ». L’annonce de la découverte avait réjoui le gouvernement malgache qui y voyait un moteur pour le tourisme.
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Né en Écosse en 1645, le capitaine Kidd a d’abord été un marchand prospère avant d’être employé comme corsaire par le pouvoir britannique pour traquer et chasser les pirates français. Ironie du sort, il est finalement devenu un pirate lui-même et aurait attaqué de nombreux bateaux marchands à la recherche de bijoux, d’or pur et de tissus précieux. Le capitaine Kidd a été arrêté à New York et pendu à Londres le 23 mai 1701. Son trésor n’aurait jamais été retrouvé, ce qui passionne de nombreux explorateurs autour du globe.
Mais pour l’UNESCO, ce que Clifford a remonté, ce n’est pas un lingot d’argent, mais un bloc de plomb. Dans son communiqué, l’organisation pointe aussi des pratiques « dangereuses » de la part de l’équipe de plongeurs de Clifford. Dangereuses pour la préservation des sites de cette zone où se trouvent de nombreuses épaves historiques, au large de l’un des pays les plus pauvres du monde.
Barry Clifford est un explorateur des fonds marin spécialisé dans la recherche d’épaves de bateaux pirates. En 1984, il avait localisé et étudié l’épave du Whydah Gally au large de Cape Cod (nord-est des États-Unis). Cet ancien navire du célèbre pirate Black Sam était la première épave pirate à être authentifiée. Les découvertes de Clifford ont fait l’objet de nombreux documentaires et d’une exposition organisée par la société National Geographic.
Concernant sa découverte à Madagascar, l’UNESCO avait rapidement émis des réserves concernant l’authenticité de l’épave présumée et du lingot remonté à la surface. L’organisation a alors mené sa propre enquête pour faire la lumière sur la découverte et la manière dont Barry Clifford et son équipe ont fouillé le site.
VICE News a joint par téléphone ce mercredi Roni Amelan, qui est rédacteur au siège de l’Unesco à Paris, au Secteur des relations extérieures et de l’information du public. « Nous avons mené l’enquête pendant neuf jours » indique-t-il, « à la fois sur terre et sous l’eau ». Du 16 au 24 juin dernier, les experts ont notamment pu prélever des échantillons du lingot remonté par Barry Clifford et ont plongé sur quatre sites différents.
« Comme le montre notre rapport, le « trésor » remonté par Clifford n’est pas un lingot d’argent, pas un trésor de pirate, car il est composé à 95 pour cent de plomb, » nous explique-t-il. « Les experts pensent plutôt que la pièce métallique est un morceau de l’ancien port de Sainte-Marie » a-t-il précisé.
Le rapport d’enquête met sérieusement en doute l’idée même que le site fouillé par Barry Clifford soit celui du naufrage du bateau du pirate. Le document indique « qu’aucune architecture navale n’a pu être identifiée », et que les éléments observés — de larges blocs de pierre — seraient plutôt des restes d’un « chargement coulé de manière intentionnelle, pour stabiliser le port ».
Concernant les objets et fragments retrouvés par l’équipe de Barry Clifford, les experts de l’UNESCO indiquent qu’ils appartiennent à des époques différentes, parfois ultérieures à la période d’activité du capitaine Kidd.
Contactée par VICE News ce mercredi, la société de production britannique October Films — en charge du tournage du documentaire qui suivait la découverte — nous a simplement dit au téléphone que le programme serait « sûrement diffusé » mais qu’aucune date n’a pour l’instant été arrêtée.
Cité par Le Monde, Barry Clifford a fortement critiqué cette enquête de l’UNESCO, qui selon lui vise à « détruire [sa] réputation, [son] business, et de mettre à mal l’archéologie du secteur privé ». L’enquête, selon lui, n’a pas été correctement menée.
Ce n’est pas la première fois que l’explorateur Barry Clifford est remis en cause par l’UNESCO. En octobre 2014, les enquêteurs et experts de l’organisation avaient estimé que l’épave retrouvée au large de Haïti par Clifford n’était pas celle du Santa Maria, l’un des trois bateaux menés par Christophe Colomb, contrairement à ce qu’avait déclaré l’explorateur.
Au cours de leurs fouilles à Sainte-Marie, les enquêteurs de l’UNESCO ont confirmé la présence de trois autres épaves dans les environs.
Dans la région de Madagascar, les épaves localisées par les explorateurs ont de fortes chances d’être pillées avant que les équipes de chercheurs ne puissent intervenir sur les sites. Des réseaux mafieux revendraient au marché noir les pièces rares sorties des épaves, dans ce pays où le revenu moyen est de 36 dollars par mois selon la Banque mondiale.
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La crique Sainte-Marie. Photo via Wikimedia Commons / M worm