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Le virus d’Ebola toujours présent dans le sperme, jusqu’à neuf mois après le début de la maladie

Cet article est issu d’un partenariat entre Medpage Today et VICE News

Les résultats préliminaires d’une étude publiée ce mercredi montrent ce que les experts craignent depuis des mois : le virus Ebola peut persister dans le sperme très longtemps après que le patient a guéri de ses symptômes potentiellement mortels.

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Des échantillons de sperme de plusieurs patients guéris en Sierra Leone ont été testés positifs à des fragments du virus, alors qu’ils avaient contracté la maladie jusqu’à six mois auparavant — selon un rapport publié mercredi dans le New England Journal of Medicine.

« Cette étude montre que bien après la fin de l’épidémie d’Ebola, les survivants, leurs partenaires et leurs familles continueront à faire face à d’énormes défis, ce qui requiert un soutien national et international fort pour les 6 à 12 mois à venir, » a déclaré la porte-parole pour l’Organisation mondiale pour la santé (OMS), Margaret Harris. La porte-parole précise que les pays touchés travaillent pour s’assurer que les survivants ont connaissance du fait que le virus peut persister, et qu’ils ont accès à des préservatifs et des tests.

Le docteur Gibrilla Fadlu Deen et son équipe, de l’hôpital de Connaught dans la ville de Freetown, en Sierra Leone, ont recruté 100 hommes qui ont survécu au virus d’Ebola. Ces hommes ont plus de 18 ans, et avaient été diagnostiqués infectés par le virus, entre deux et dix mois avant le début de l’étude. 93 d’entre eux ont été retenus dans l’analyse. Deen et son équipe ont découvert que 11 des 43 personnes testées entre sept et neuf mois après le déclenchement de la maladie, soit 26 pour cent, avaient encore des niveaux détectables du virus dans leur sperme.

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« C’est crucial [que les gens soient mis au courant], parce que le patient va bien et reprend ses activités normales, y compris une intimité sexuelle avec des partenaires, » a déclaré le docteur William Schaffner, qui occupe la chaire de médecine préventive à l’université de Vanderbilt, et qui n’a pas participé à l’étude. « Cela peut mener à une transmission du virus et une nouvelle chaîne de transmission. C’est la nouvelle bombe à retardement. »

Le sperme des survivants d’Ebola a également été testé positif entre deux et trois mois après le déclenchement du virus (9 cas sur 9, soit 100 pour cent), et entre quatre et six mois après (26 sur 40, soit 65 pour cent). L’échantillon de l’homme testé 10 mois après le début de la maladie a fourni des résultats « indéterminés ».

Jusqu’à ce que les hommes ayant survécu à Ebola aient deux tests de liquide séminal négatifs, ils doivent s’abstenir d’avoir une activité sexuelle ou utiliser des préservatifs, ont communiqué les Centres pour le contrôle et la prévention des maladies (CDC) dans une déclaration ce mercredi. Des responsables dans le domaine de la santé ont également recommandé de se laver les mains après avoir été en contact avec du sperme provenant des survivants d’Ebola. Margaret Harris, de l’OMS, a dit que toutes les personnes qui quittaient les unités de traitement contre Ebola recevaient 90 préservatifs, mais ce nombre peut varier selon les unités.

Cependant, le docteur Deen et son équipe ont reconnu qu’il y avait au sein de leurs études moins de 20 cas suspectés de transmission d’Ebola.

Même si la transmission sexuelle d’Ebola est considérée comme rare, une femme libérienne de 44 ans a été diagnostiquée avec Ebola en mars, quelques semaines après avoir eu un rapport sexuel vaginal non protégé avec un homme qui avait survécu au virus l’automne précédent, selon un rapport complémentaire sur ce cas également publié dans le New England Journal of Medicine. Des travailleurs médicaux ont déterminé que la femme avait eu 192 autres contacts d’autre nature avec des personnes, mais aucun d’entre elles n’a présenté les signes cliniques d’Ebola.

La femme est décédée le 27 mars,  le survivant d’Ebola avec lequel elle avait eu un rapport a fourni des échantillons de sang et de sperme au personnel médical. Alors que le test sanguin s’est révélé négatif, son sperme lui a été testé positif à la molécule ARN du virus, son code génétique, selon le rapport.

À la date du 11 octobre 2015, on dénombre 28 454 cas d’Ebola en Guinée, Liberia et Sierra Leone depuis le début de l’épidémie. 11 297 personnes en sont mortes, d’après l’Organisation mondiale de la santé (OMS). L’épidémie qui a touché l’Afrique de l’ouest, qui a débuté en mars 2014, est la plus importante de l’histoire du virus.

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« On pensait initialement qu’une fois le patient remis sur pied, c’était la fin de l’histoire, » explique Schaffner, un ancien président de la National Foundation for Infectious Diseases.

Mais à cause de la taille et de la durée de l’épidémie, les travailleurs sanitaires ont découvert des symptômes post-Ebola — comme de l’arthrose dans le bas du dos et les hanches, des dysfonctionnements du système nerveux et des pertes de mémoire, explique Schaffner. Le virus peut aussi survivre dans certaines des parties du corps qui sont protégées du système immunitaire ; les yeux et les testicules.

Un des anciens étudiants de Schaffner, le Dr Ian Crozier, a attrapé Ebola alors qu’il travaillait comme volontaire pour l’OMS au Sierra Leone. Crozier a été soignée à Atlanta à l’hôpital de l’université Emory. Il a par la suite publié une étude et expliqué au New York Times comment le virus a survécu dans son oeil qui a tourné du bleu au vert.

Cette semaine, une infirmière britannique a été hospitalisée suite à des symptômes post-Ebola. Elle est aujourd’hui dans un état critique d’après la BBC.

Sur les 881 travailleurs médicaux qui ont contracté Ebola dans le cadre de l’épidémie ouest-africaine, 513 d’entre eux sont morts d’après l’OMS.

Au cours des 11 dernières semaines, on observe au maximum 5 nouveaux cas d’Ebola par semaine, d’après un rapport de l’OMS. Il n’y a pas eu de nouveaux cas depuis 2 semaines en Afrique de l’Ouest, mais 150 proches de patients sont toujours suivis en Guinée — dont 118 d’entre eux risquent fortement de contracter le virus. 259 autres proches de patients infectés ont aussi été dénombrés mais ils n’ont pas été retrouvés.

Regardez notre reportage Lutter contre Ebola

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