Impossible de revenir en arrière, on est déjà allés trop loin, beaucoup trop loin et on entre désormais dans les catégories-reines, le haut du panier, le défilé des cadors, les admissions aux grandes écoles, avec nos classements des meilleurs morceaux et des meilleurs albums. Mais avant, ça, attardons-nous sur les 10 meilleurs clips de 2015. Drogue, violence, basket-ball, gymnastique rythmique et vibrations Giscardiennes – il y an a pour vous, il y en a pour nous, il y en a pour tous les goûts.
10 – COUBIAC – « Break »
Réalisé par Laëtitia Bica
Ce clip, extrait de Lunch, premier album du groupe belge Coubiac, répond à plusieurs questions et pas des moindres. Comment se placer naturellement dans l’héritage des sorties les plus notables d’Amphetamine Reptile sans avoir l’air d’y toucher ? Est-il possible d’avoir un son de basse de la taille d’un petite chaîne de montagnes ? Est-il possible de posséder une voix de goblin plus flippante que celle de Muzah Van Tricht ? Et surtout, comment s’y prendre pour filmer « le handicap » (plus fort les timbales dans l’orchestre, merci) comme une chose dont on n’a surtout pas à rougir; sans dégoût fasciné, ni la larmichette compassée ?
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09 – STICKY BOYS – « The Future Is In Your Hands »
Réalisé par Amandine Maugy
1974 : Giscard, chômage de masse, on file droit, formica pour tout le monde, et les mouflets ont plutôt intérêt à pas la ramener, sinon le paternel sort la boîte à mandales. Et quelque part, dans l’immensité australienne, AC/DC sort son premier single, Can I Sit Next To You Girl ? 2015 : Hollande, chômage de masse, on file droit, Charlie pour tout le monde et le paternel à pas trop intérêt à la ramener sinon les mouflets portent plainte. Et quelque part, dans l’immensité du Stade de France, AC/DC vit ses dernières heures. Sans Malcolm. Pendant que les parisiens de Sticky Boys attendent dans l’ombre, prêts à leur coller une pile avec leurs tubes garantis 100 % patatage, balancés sans une once de sérieux ni de prétention. Comme ce « The Future In Your Hands » dont on vous avait présenté en juin dernier l’impeccable clip aux vibrations Giscardiennes certifiées.
08 – PRAYERS – « Young Gods »
Réalisé par Gavin Filipiak
Tout le monde a désormais un avis sur le Cholo Goth et même le paternel à la cool n’hésitera pas à vous les briser avec durant les fêtes vu qu’il aura sans doute regardé notre reportage sur le sujet, qui est même passé à pas d’heures sur le service public, eh ouais. Toujours est-il que Prayers est à des lieues de la hype en carton inventée sur Tumblr, le truc est 100 % authentique, vital et excitant et le clip de « Young Gods » – un morceau qui rappelle le early Ministry, voire même un Heaven 17 passée à la moulinette de la rue, et dont la vidéo dépeint une baston entre deux gangs, chacun représenté par un membre du duo – est venu nous le prouver à nouveau en mai dernier.
07 – COBRA – « Pour Nous Les Français »
Réalisé par Cobra
Ah elle est belle la France qui défile avec l’internationale dictatoriale tandis que ses enfants meurent à ses pieds, transis par le froid et saignés par l’indifférence, dans les métropoles, dans les villages, dans les hameaux, sur les lieux-dits. Oui, je te le demande : France, qu’as-tu fait pour tes drogués, qu’as-tu fait pour tes camés, qu’as-tu fait pour tous nos frères qui ont pourri dans le caniveau, pour un sourire, pour un mégot ? Rien, en vérité. Et dans une société sclérosée par ses tabous, quand la rue réclame justice, il n’y a qu’un nom à prononcer, et ce nom c’est Cobra. Avec son clip « Pour Nous Les Français », que l’on vous a présenté en janvier dernier, Cobra na pas seulement introduit le break visuel le plus insensé de toute l’histoire du vidéo-clip, il a aussi et surtout sonné la trompette du ralliement des princes de la brune, des sultans de la rabla, des cadors du caval, des petits soldats de la meumeu, pour une France plus violente, plus dure, mais plus juste. « DOM-TOM ! MÉTROPOLE ! POLY-CONSOMMATION ! » Rejoignez le mouvement.
06 – GIRL BAND – « Why They Hide Their Bodies Under My Garage? »
Réalisé par Bob Gallagher
Si vous êtes client régulier, vous savez que Girl Band sont des habitués de la maison. Après vous avoir présenté deux de leurs singles et en avoir très logiquement épinglé un dans notre liste des meilleurs morceaux de 2014, on vous a présenté en février dernier ce qui reste sans doute comme la vidéo les plus mémorables des irlandais, à propos de laquelle il y avait, en gros, deux choses à retenir : 1/ que c’était une reprise du « Why They Hide Their Bodies Under My Garage? » de Blawan, et 2/ que si vous ne deviez regarder qu’un clip de plus de 7 minutes cette année, c’était clairement celui-ci.
05 – PNL – « Le Monde Ou Rien »
Réalisé par Kamerameha
On ne va pas vous refaire l’histoire de PNL, ces deux frères qui parlent de bicrave et de mal-être entre deux lissages, et qui refusent tout acoquinage avec le rap-game ou les journalistes. La véritable explosion médiatique a eu lieu cet été, avec le clip « Le Monde ou Rien », illustration idoine de la ritournelle « emmener la misère en balade ». Des bâtiments délabrés de la cité des Tarterêts aux bâtiments délabrés de la cité de la Scampia -lieu où se déroule la série de l’année 2015, Gomorra-, N.O.S et Ademo se sentent « plus Savastano que Ciro ». Communion des coupes de cheveux peut-être, mais n’oublions pas que Ciro est surtout un mec qui sirote l’urine de son patron, un état d’esprit moyennement QLF.
04 – REQUIN CHAGRIN – « Adelaïde »
Réalisé par Simon Noizat
Choisir comme nom un morceau de Michel Sardou (face B du 45-tours Un Accident paru en 1975, sur laquelle apparaît Mireille Darc), c’est déjà un risque. Y associer un titre renvoyant droit aux heures les plus noires de la new wave française (« Adélaïde » d’Arnold Turboust, morceau paru en 86 et sur lequel apparaît Zabou), c’est à la limite du suicidaire. Mais si vous avez suivi tous les épisodes, vous savez que Marion Brunetto n’ai rien à voir avec tout ça, qu’elle a 25 ans, qu’elle fait seule, dans sa chambre, un genre de garage pop euphorisante et ultra-addictive, et qu’elle a sorti depuis fin 2014 une poignée de titres euphorisants et ultra-addictifs compilés cette année sur vinyle par La Souterraine et Objet Disque. Ce qui fait que vous connaissez peut-être son « Adélaïde » et que vous savez donc, par conséquent, qu’elle n’a rien à voir avec celle d’Arnold Turboust et de Zabou. Et si vous l’avez découvert ici en novembre, vous savez qu’ « Adélaïde » est également un clip fabuleux dans lequel Peterson Ceus (qui, vous l’ignorez probablement aussi, a participé à La France A Un Incroyable Talent) danse comme si sa vie en dépendait.
03 – JESSICA93 – « Now »
Réalisé par David Snug
« Cruel et poignant » – Le Parisien
« À couper le souffle » – Libération
« Miraculeux » – Premiere
« Bouleversant » – Telerama
« Immense David Snug » – La Voix Du Nord
« Une pépite » – L’Express
« Comment la musique peut nous apprendre à comprendre l’abstention des banlieues et la radicalisation au sein des classes moyennes » – Slate
« WTF et désopilant : un clip qui tabasse » – Konbini
« Ces assistés qui ruinent la France » – Le Point
« Achetez-le maintenant, revendez-le dans 8 mois et gagnez 4 VOD + 1 quiz en podcast » – Vodkaster
« Le cri d’une génération » – Les Inrockuptibles
« Lumineux » – Le Figaro
« 9.93 » – Pitchfork
02 – MANSFIELD.TYA – « Les Contemplations »
Réalisé par Irwin Barbé
Tous les ans, on en reçoit un comme ça. Pas quinze, pas même deux ni trois : un seul. Un clip qui vous happe littérallement, pour lequel vous développez une réelle fascination, que vous vous retrouvez à regarder jusqu’à 7 et 8 fois par jour. Pour 2015, on a longtemps attendu mais on l’a finalement reçu en octobre dernier, et c’était « Les Contemplations » de Mansfield.TYA, extrait de leur excellentissime nouvel album Corpo Inferno. Un des plus beaux clips de 2015, un des plus beaux morceaux aussi.
01 – MARIETTA – « Chewing Your Bones »
Réalisé par Matthieu BrunelÇa tient sur à peu près rien (une partie de basket entre plusieurs représentants de la scène indé-garage parisienne, de Cheveu à Jessica93 en passant par T.I.T.S.) et c’est pourtant le plus beau clip de l’année, et accessoirement le seul qui ait réussi à restituer au T-shirt Sub Pop près l’insousciance des longues après-midis de désoeuvrement entre potes circa 1992. C’est aussi la preuve qu’on peut faire quelque chose d’à la fois très juste, très touchant et très pro avec très peu de moyens. Et vous feriez bien de vous en inspirer parce que les choses ne vont pas aller en s’arrangeant et vous le savez très bien.
Plus de tops interminables demain