Les trous noirs binaires ne pullulent pas dans l’espace. D’ailleurs, jusqu’en février 2016, leur simple existence restait à prouver.
Comme s’ils ne se contentaient pas de leur rareté, les deux trous noirs supermassifs qui orbitent ensemble au centre de la lointaine galaxie 0402+379 ont une caractéristique encore plus exceptionnelle : ils sont très, très lents. En dépit du fait qu’ils soient séparés par seulement 23 années-lumière, la plus courte distance jamais mesurée entre deux trous noirs, ils se déplacent à la vitesse d’une microseconde d’arc par an. Une lenteur telle que les chercheurs ont prédit qu’ils ne fusionneraient jamais ensemble.
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Ces observations inédites proviennent de Constraining the Orbit of the Supermassive Black Hole Binary 0402+379, un article rédigé par une équipe de radioastronomes affiliés aux universités Stanford et du Nouveau Mexique et publié le 27 juin dernier dans la revue scientifique The Astrophysical Journal. Une version gratuite est disponible sur arXiv.
Malgré leur proximité, les deux trous noirs ont besoin de 30 000 ans pour accomplir une révolution mutuelle ; douze années de clichés astronomiques et un réseau de radiotélescopes qui s’étend des Îles vierges américaines au Nouveau Mexique en passant par l’Alaska ont été nécessaires au calcul de cette valeur. Leur lenteur est d’autant plus frappante qu’ils forment un couple extrêmement lourd, 15 milliards de masses solaires. Tous deux sont parmi les trous noirs les plus lourds jamais observés.
“Imaginez un escargot qui se déplace à la vitesse d’un centimètre par seconde sur une planète qui gravite autour de Proxima du Centaure, une étoile située à quatre années-lumière d’ici, explique Roger Romani, professeur à Stanford et co-auteur de l’article. C’est le moment angulaire auquel nous sommes confrontés ici.” Cet angle représenté par une unique microseconde d’arc est à peu près un milliard de fois plus petit que le plus petit élément visible à l’oeil nu.
Dire que nous avons à faire au mouvement le plus lent jamais observé serait de mauvaise foi. En fait, c’est tout simplement la première fois que des astronomes mesurent la période de révolution d’un trou noir. Ce qui est intéressant, c’est que cette observation permet d’entrevoir le processus de fusion des galaxies. Notre duo tranquille est peut-être un témoin de ce que nous appelons un amas galactique fossile, un stage intermédiaire dans la collision de deux galaxies.
“Ça fait longtemps que nous fouillons l’espace dans l’espoir de trouver l’une de ces paires de trous noirs supermassifs qui ont été formées pendant la collision de deux galaxies, a ajouté Greg Taylor, l’auteur principal du nouvel article. Leur existence avait déjà été théorisée, mais personne n’en avait jamais vu jusqu’à maintenant.”