Un navire de croisière à l’arrêt pollue autant qu’un million de voitures. En Europe, les côtes sont asphyxiées par les navires de croisière, et le leader mondial de la croisière de luxe, Carnival Corporation, émet à lui seul plus d’oxyde de soufre que l’ensemble des véhicules du continent européen. L’entreprise a été condamnée à plusieurs reprises pour son extrême pollution des mers et des océans, mais ne change rien à ses pratiques. Les résultats d’un récent rapport montrent que l’air est si pollué sur les bateaux de croisière que la santé des passagers et des employés est en danger.
Aucun doute ne subsiste : les croisières sont catastrophiques pour l’environnement et pour la santé. Et pourtant, elles connaissent un succès grandissant. Ce reportage de France Info nous apprend qu’en 2018, 28 millions de voyageurs dans le monde ont choisi de passer des vacances sur un bateau de croisière. En 2000, ils n’étaient que 11 millions.
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« Il faut remettre en question nos façons de voyager parce qu’il y a une urgence climatique qui nous affecte tous, et les croisières font partie des pratiques les plus aberrantes dans ce contexte », dit Christian Simard, le directeur général de Nature Québec, un organisme dont la mission est la conservation des milieux naturels et l’utilisation durable des ressources sur le territoire québécois.
« Une équipe anglaise a calculé que sur un bateau de croisière, près des cheminées, c’étaient deux fois plus de particules fines qu’en plein cœur de Londres, poursuit-il, les gens à bord s’intoxiquent fortement. » Ces cheminées sont de surcroît souvent proches des espaces où se trouvent les piscines et les zones de détente, où les gens se prélassent longuement.
« On parle de cinq milliards de litres d’eaux usées, poursuit Christian Simard. C’est même dangereux pour les vacanciers qui fréquentent des plages en bordure de mer. »
En 2017, le port de Montréal a mis à disposition des bateaux une borne électrique à quai, pour réduire les émissions de gaz à effet de serre. Au Québec, chaque port applique ses propres règles. « Le port de Québec est assez honteux à cet égard-là, dit Christian Simard, il y a une pollution pendant la saison des croisières qui dure plus d’un mois, et qui est pratiquement intenable en plein cœur de la ville, parce que les croisières sont tout de suite en bas du Château Frontenac dans le Vieux-Port, et c’est un bruit et une pollution immense. »
Le directeur général de Nature Québec dénonce le fait que le port de Québec n’est pas équipé en électricité pour les bateaux à quai : « Ils sont pas foutus de réclamer que la croisière, quand le bateau est équipé pour le faire, puisse se brancher à l’électricité, explique Christian Simard. Et ne pas vouloir investir le minimum pour ça, c’est un peu, et je pèse mes mots, se foutre de la gueule du monde. »
Marie-Andrée Blanchet, la porte-parole du port de Québec, explique qu’une étude a été menée sur le sujet dans le cadre du programme de développement durable du port : « Il y a seulement six navires qui viennent dans le Saint-Laurent qui sont équipés au shore power, et ces navires-là ne peuvent pas tous se brancher, explique-t-elle. On se retrouvait avec une possibilité de branchement à quai de moins de 15 % du temps sur le total de la saison des croisières. Tout ça pour un investissement de cinq millions de dollars. Donc c’est sûr qu’au niveau financier, c’est pas quelque chose qui tenait la route. »
Marie-Andrée Blanchet ajoute que le port de Québec est situé dans une zone d’émission contrôlée (ECA) : « Les navires doivent donc utiliser un carburant qui est en faible teneur en souffre, c’est la réglementation en vigueur depuis 2012 », explique-t-elle.
Christian Simard a fait le calcul. Pour une croisière de dix jours, à deux par cabine, de trois à quatre tonnes de CO2 sont émises par personne : « Quand on imagine que le CO2 total d’une personne, c’est environ huit à dix tonnes par année, c’est majeur! » commente-t-il.
Des taxes plus importantes seraient une potentielle solution pour freiner l’expansion de ces vacances polluantes : « Il faudrait y aller par une taxe carbone tellement forte qu’elle rend inabordable la croisière, dit Christian Simard, parce que la croisière s’est démocratisée et vise les classes moyennes. Avant, c’était une occupation de luxe, il y a une centaine d’années. On a maintenu un système moyenâgeux avec énormément de pollution, très peu de conditions environnementales applicables, tout ça sur un vernis de luxe dans lequel on se vautre. »
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Vous allez peut-être vous dire que la croisière, c’est une activité de vieux qui ne sont pas au courant de l’urgence climatique, mais non, même pas. La croisière est en plein rajeunissement, avec une moyenne d’âge de 48 ans à bord, en 2018. Quasiment un tiers des voyageurs ont moins de 40 ans.
Des voyageurs, qui sont par exemple prêts à payer 800 $ CA pour une croisière de sept jours de Montréal à Boston, à respirer des particules cancérigènes, sur un bateau qui ruine l’environnement.
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