Environnement

Les Étranges bêtes retrouvées dans la Seine

Illustrations de Robin Renard

Cet article a été réalisé dans le cadre d’un partenariat avec ARTE pour le lancement de la série « Peur sur la ville » diffusée sur ARTE CREATIVE. Plus d’infos sur le site.

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Selon la légende urbaine, les sous-sols de nos villes accueillent une faune de plus en plus menaçante comprenant crocodiles, serpents et lézards venimeux. D’après ce thème, Pauline Horovitz a réalisé une mini-série intitulée « Peur sur la ville » dans laquelle elle tente de plonger le téléspectateur dans « une enquête loufoque à la recherche du caïman des égouts parisiens ».

Pourtant, si on n’a jamais retrouvé de caïman dans les eaux de Paris, un crocodile du Nil ou un python de 40 kilos y ont déjà été repêchés – alors un caïman, serait-ce réellement étonnant ? Et imaginez une seconde si, à la manière du film « Peur sur la ville » de Henri Verneuil, ce caïman puritain s’en prenait à de jeunes Parisiennes fringantes trempant un peu trop dans le vice et la fornication. Les premiers beaux jours aidant, vous misez sur un apéro en bord de Seine. Le regard braqué sur un avenir incertain, des pieds se balancent nonchalamment au raz de l’eau. Et là, un caïman surgit et emporte les Stan Smith usées et les mollets lubriques.

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C’est donc sur cette peur rampante et quelque peu nouvelle et invisible que mise le programme de Quark Productions. Une peur issue des passions pas moins loufoques de Parisiens pour les animaux de compagnie exotiques et dangereux. Car, de toute évidence, la plupart de ces bestioles ne sont pas venues d’elles-mêmes jusqu’en Île-de-France. « Les gens veulent toujours l’animal le plus grand, le plus coloré, le plus dangereux. Mais quand l’animal grandit, ils se retrouvent un peu dépassés », expliquait à RTL le sergent-chef Laurent Siino, chef du groupe cynotechnique des pompiers de Paris. Son équipe, qui compte 16 personnes, réalise 850 interventions par an impliquant des animaux insolites et dangereux.

Alors, avant de souhaiter bonne chance à Pauline Horovitz dans sa quête, voici un petit tour des bestioles qui ont déjà été retrouvées à errer dans la Seine.

L’incroyable histoire du Crocodile du Nil (1984)
7 mars 1984, à proximité du Pont Neuf. La petite femelle crocodile se sait cernée. Ambiance orwellienne pour celle qui compte aujourd’hui ses jours dans un aquarium de Vannes – d’ailleurs, depuis 2007 et sans doute pour entretenir la légende, son environnement a l’allure d’un véritable égout : mur en ciment gris, grille et déversoir.

Sur les images d’archives, le commandant Godard raconte : « Les premières recherches n’ont rien donné, puis on l’a aperçu, le crocodile. Il mesurait entre 70 et 80 centimètres. On a stoppé sa course avec une pelle et des balais et on lui a ficelé le nez. » Facile. Ce que l’histoire ne dit pas, c’est la frousse qu’ont dû se taper les égoutiers qui, la veille, étaient tombés par hasard nez à nez avec la demoiselle du Nil.

Les scientifiques ont estimé l’âge du crocodile à environ deux ans et supposé qu’elle avait vraisemblablement fui son animalerie ou été abandonnée par son propriétaire. Selon eux, elle errait depuis un ou deux mois dans les égouts en se nourrissant de rats – à bien y regarder, il y fait plutôt chaud et les proies y sont abondantes. De quoi lancer la légende qui voudrait que les égouts soient farcis d’animaux tout droit hérités du jurassique.

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Photo via Wikipedia

La grande aventure du phoque barbu (2006)
Peu de ses congénères peuvent se targuer d’avoir connu pareil voyage. Il n’est d’ailleurs pas dit que le récit de l’incroyable aventure de leur frère ne soit remonté jusqu’à leur morceau de banquise d’ordinaire localisé à quelques 7 000 kilomètres de Paris.

Pour notre erignathus barbatus, tout commence le 20 mai 2006 en amont de Rouen. Après un encart de 300 signes dans les colonnes de la presse régionale, l’animal se fait oublier quelques mois en passant le plus clair de son temps à barboter et à chasser les poissons de la Seine.

Le 3 juillet de la même année, le phoque prend la pose devant l’appareil photo d’un amateur, sans doute pour immortaliser son passage par l’écluse d’Amfreville sous-les-Monts. Une semaine plus tard, c’est l’embuscade. À 9h30 précisément, le dangereux migrant est signalé au kilomètre 126 de la Seine. Les pompiers préparent son évacuation en mettant à l’eau leur zodiac et temporisent en attendant la cellule animalière appelée en renfort. À 11h, une seconde embarcation arrive sur les lieux. Le plan est au point. L’assaut contre l’erignathus barbatus d’une centaine de kilos sera menée au filet. La bataille, joviale, dure environ une heure. Finalement lassé du jeu, le phoque s’en retourne dans les profondeurs du fleuve.

Probablement satisfait de son épopée et pressé de raconter à ses frères et sœurs toutes les choses incroyables dont il a été témoin, on peut raisonnablement penser que l’individu a regagné l’océan et mis le cap au Nord.

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Photo de la Préfecture de Paris

La tortue-alligator tout droit venue de l’ère préhistorique (2009)
« Elle a vraiment une gueule préhistorique et a l’air plutôt agressive », explique le commandant Constant, à la tête des pompiers de la brigade spécialisée, en faisant référence à la tortue-alligator qui le toise de son regard vitreux et légèrement malveillant en ce début de printemps 2009. Avant de se faire sortir du grand bain manu militari, la bestiole nageait tranquillement dans les eaux troubles de la Seine où un promeneur, interloqué par la dégaine suspecte et anachronique de l’animal, avait alerté les autorités.

Il faut dire que le spécimen ne passe pas franchement inaperçu. Outre le fait qu’une tortue barbotant dans la Seine n’est pas très banal, la tortue alligator dispose d’un look vraiment spécial. Dotée d’une queue d’alligator et d’un bec capable de déchiqueter une main, sa carapace a pour particularité d’être recouverte de grosses épines qui freinent d’emblée tout élan de tendresse.

Après avoir visité Paris, ce mini-dinosaure qui squatte ordinairement les everglades du Sud-Est américain a fini son épopée hexagonale dans un établissement spécialisé pour animaux exotiques.

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Photo de la Préfecture de Paris

La mort qui rampe (2012)
« Triste destin pour un de ces nouveaux animaux de compagnie », s’est indignée la Préfecture de Paris. Le 4 juillet 2012, les policiers de la brigade fluviale repèrent un obstacle flottant non identifié. Si la Seine charrie toutes sortes de cadavres, celui-ci ne ressemblait à rien de commun. Ni homme, ni femme, ni chien, ni vache, les fonctionnaires de la brigade fluviale se sont sans doute longtemps amusés au jeu des devinettes avec leurs camarades : « Hé les gars ! Devinez ce qu’on a repêché aujourd’hui ! Un python les mecs, un putain de python de 40 kilos et de trois mètres de long ! Bon, il était mort et flottait comme du bois, Dieu merci. »

Évidemment, l’histoire ne dit pas combien de temps le reptile a serpenté entre les canettes de bières et les scooters des eaux parisiennes mais, au vu de l’état de décomposition avancée de la bestiole, la Seine ne semblait pas lui offrir un climat propice à son épanouissement. Ce que la Préfecture n’a pas manqué de relever dans son communiqué.

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Photo de la Préfecture de Paris

Le piranha croqueur de testicules (2013)
C’est bien connu, la belle saison attire une faune diverse et variée en région parisienne – d’inoffensifs touristes, pour la plupart, si l’on exclue le risque de se faire éborgner par une de leur perches à selfies. Pourtant, la tiédeur nauséabonde du fleuve parisien semble attirer des visiteurs autrement plus dangereux. Comme le pacu, un genre de piranha qui semble tout droit sorti de l’imagination d’un scénariste de seconde zone et subtilement surnommé « The Ball Cutter ».

Ce type de poisson n’est pas forcément dangereux si l’on part du principe que, contrairement à ses cousins piranhas, il s’avère plutôt végétarien. Plutôt, car les choses se corsent lorsque l’on sait que son aliment favori se révèle être les noix et que ce dernier a une fâcheuse tendance à les confondre avec les parties génitales masculines. Notons d’ailleurs qu’en 2011, deux pêcheurs papous ayant subi les assauts d’un pacu sont morts des suites d’une hémorragie.

C’est donc un de ces monstres assoiffés de noix qui s’est retrouvé au bout de la ligne d’un pêcheur parisien en cette fin d’année 2013. Surpris par cette étrange prise, il a directement contacté la brigade fluviale qui s’est d’abord bien marré lorsqu’il a évoqué le piranha. Loin de se démonter, le pêcheur s’est alors fendu d’un mémorable selfie qu’il envoya aux autorités concernées. Devant l’évidence de la preuve, ces dernières n’ont pu qu’admettre l’horrible vérité : un mangeur de testicules rodait bel et bien dans la Seine.

Cet article a été réalisé dans le cadre d’un partenariat avec ARTE pour le lancement de la série « Peur sur la ville » diffusée sur ARTE CREATIVE. Plus d’infos sur le site.

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