Dans l’extrait de 2 minutes 15 secondes envoyé à VICE par un groupe nommé le « Collectif contre la Loi 62 », on entend une femme demander à un homme comment il compte appliquer la nouvelle loi portant sur les services à visage découvert lors de l’élection municipale le 5 novembre.
« Alors vous, vous refuseriez quelqu’un qui arrive en burqa pour voter? » demande-t-elle à celui qui semble être son instructeur.
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« Effectivement, répond-il. Et si vous, vous ne le faites pas, vous ne faites pas bien votre travail, parce que c’est ça, les normes; c’est ça, la loi; c’est comme ça que c’est décidé. »
Selon les vérifications de VICE, faites auprès du ministère de la Justice, du Directeur général des élections du Québec et d’Élection Montréal, cette directive n’est pas liée à la Loi 62, mais plutôt à l’article 215 de la Loi sur les élections et les référendums dans les municipalités, qui interdit aux électeurs d’obtenir leur bulletin de vote sans se découvrir le visage, et ce, depuis 2007.
Selon l’article 215, l’électeur municipal doit établir son identité « à visage découvert » et présenter les preuves usuelles à l’appui. Ce règlement précède ainsi la controversée loi 62, qui stipule que des personnes ayant le visage couvert ne peuvent ni offrir ni recevoir des services gouvernementaux. L’étendue de celle-ci reste toutefois floue, malgré la tentative de la ministre Stéphanie Vallée d’expliquer comment la loi s’appliquerait dans des cas précis comme celui d’une femme voilée qui tente de monter à bord d’un autobus (elle n’a pas à se dévoiler à moins d’avoir à confirmer son identité) ou celui d’une étudiante voilée (elle doit se dévoiler pour la durée du cours.)
Isabelle Marier-St-Onge, attachée de presse de la ministre Stéphanie Vallée, confirme que la Loi sur les élections n’est de ce fait nullement affectée par la Loi 62, « car elle avait déjà été modifiée dans le même sens ».
Au téléphone, le porte-parole d’Élection Montréal, Pierre G. Laporte, a déclaré à VICE que, bien qu’il n’ait pas écouté l’enregistrement (il n’a pas souhaité l’entendre), les instructions du présumé instructeur lui ont semblé conformes à la Loi.
« Si une personne arrive à son bureau de vote et qu’elle est voilée d’une façon ou d’une autre, on va lui demander de découvrir son visage pour qu’elle puisse au moins s’identifier auprès des secrétaires du bureau de vote, explique M. Laporte. Si la personne ne veut pas ou ne peut pas pour des raisons qui sont les siennes, il ou elle ne sera pas en mesure de voter. »
M. Laporte dit qu’à ce jour, cet enjeu n’avait pas vraiment posé problème. « À ma connaissance, il y a eu quelques situations en 2013 où des électrices étaient effectivement voilées et, dans au moins un des cas, la personne a soulevé son voile pour s’identifier et par la suite a voté », dit-il.
« Mais il n’y a pas affluence de cas comme celui-là, c’est vraiment des cas d’exception, quand il y en a. »
La loi sur les élections municipale diffère de la loi fédérale qui, elle, n’oblige pas les électeurs à s’identifier. Au fédéral et au provincial, les électeurs peuvent aussi voter par la poste, et donc habillés comme bon leur semble, ou encore déshabillés, ce qui n’est pas permis au municipal.
Le « Collectif contre la Loi 62 » a annoncé par voie de communiqué qu’il comptait manifester devant les bureaux de vote montréalais dimanche « en solidarité avec les femmes qui se verront refuser leur droit de vote ».