Il y a deux ans, la Colombie-Britannique, province canadienne située à l’ouest du pays, a connu l’un des pires feux de forêt de son histoire, qui a consumé 1,2 million d’hectares et déplacé 65 000 personnes. L’incendie a été si intense que les scientifiques l’utilisent désormais pour modéliser les conditions climatiques qui pourraient être créées par les retombées d’une guerre nucléaire, selon une étude publiée dans Science.
L’étude suggère que les conséquences de la combustion d’une explosion nucléaire moderne sont susceptibles de persister plus longtemps que ne le prédisent les modèles actuels.
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Une équipe dirigée par Pengfei Yu de l’Institute for Environment and Climate Research de l’Université Jinan de Guangzhou, en Chine, a examiné l’incendie à l’aide de données provenant de stations terrestres, de ballons et de satellites. Ils se sont concentrés sur la formation d’un énorme panache de fumée vertical, constitué de nuages de pyrocumulonibus, qui s’est élevé à plus de 22 kilomètres dans la stratosphère et est resté actif pendant huit mois.
Le panache offrait un exemple concret des effets climatiques attendus d’un conflit nucléaire majeur, a déclaré l’équipe. Dans ce scénario, connu sous le nom d’hiver nucléaire, les incendies de forêt entraînent un assombrissement à long terme du ciel et un refroidissement global dû à l’accumulation d’aérosols dans l’atmosphère. « L’une des prédictions importantes de nombreux modèles d’hiver nucléaire est que la fumée injectée dans la haute troposphère par les incendies urbains s’élèvera dans la stratosphère, ont écrit les auteurs dans leur étude. Les incendies de 2017 étudiés ici représentent la première preuve par observation qu’une telle augmentation se produit réellement. »
Comme les données du panache ont été recueillies par plusieurs plateformes d’observation différentes – dans l’espace, dans les airs et au sol –, Yu et ses collègues ont été en mesure de sonder avec précision la dynamique derrière le panache.
On a découvert que le carbone noir, ou suie, était le principal moteur de son ascension stratosphérique. Ce polluant atmosphérique épais ne représentait qu’environ 2 % des 0,3 téragramme de fumée de l’incendie de forêt, mais il a eu un effet énorme sur le panache car il absorbe beaucoup de rayonnement solaire. En conséquence, le carbone noir s’est réchauffé, ce qui a propulsé la fumée plus haut dans l’atmosphère.
Dans le cas d’une guerre nucléaire, les villes brûleraient probablement le long des forêts, ce qui pourrait alimenter des panaches encore plus importants riches en aérosols. Les chercheurs ont estimé qu’environ 0,05 téragramme de carbone noir pourrait être libéré d’une zone urbaine ravagée par une arme nucléaire, ce qui générerait des panaches de suie et des concentrations inférieures de fumée organique transparente.
« S’il y avait beaucoup de matières organiques, l’hiver nucléaire durerait moins longtemps, explique Brian Toon, coauteur de l’étude et physicien à l’Université du Colorado Boulder. Cependant, la fumée de la ville ne contient pas autant de matières organiques que celle de la forêt. La combustion du plastique produit de la fumée qui est presque entièrement composée de carbone noir, par exemple. »
En d’autres termes, les simulations de l’hiver nucléaire peuvent être trop optimistes quant à la vitesse à laquelle la fumée des feux de forêt se dissipe. Le fait que le panache de 2017 ait persisté pendant les deux tiers d’une année a révélé que les effets secondaires d’une guerre nucléaire étaient susceptibles de durer plus longtemps que prévu initialement dans les modèles. « Nous travaillons actuellement sur de nouvelles simulations de conflits nucléaires, et nous allons prendre en compte les impacts des matières organiques dans ce nouveau travail », poursuit Toon.
La guerre nucléaire pourrait avoir des conséquences encore pires pour l’humanité que ce à quoi on s’attendait au départ, et de toute façon, ce n’est pas comme si elle semblait très positive avant cette recherche. Les incendies de forêt exacerbés par les changements climatiques causés par l’homme sont déjà assez graves sans que notre espèce ne les intensifie avec des armes de destruction massive.
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